La décision a été communiquée par le maire de Petit-Couronne, Joël Bigot, jeudi 24 mars 2022. Il n’y aura pas d’entrepôt Amazon sur l’ancien site de raffinerie Pétroplus. L’édile est en colère et le fait savoir.
C’est un projet qui avait susccité beaucoup de réactions. De l’espoir, pour le maire de Petit-Couronne qui ventait le retour de l’emploi dans sa commune fortement touchée par la fermeture de la raffinerie Pétroplus. De la colère pour d’autres rassemblés dans le collectif Stop Amazon 76. C’est une victoire pour les opposants. Pour eux, ce projet était synonyme de « Destructions d’emplois, précarisation des travailleur·ses, impacts environnementaux, fraudes fiscales, nuisances routières : les territoires ont été sacrifiés au profit des intérêts de Jeff Bezos ».
Face à ces critiques, Amazon a précisé que : « dans le cadre du Climate Pledge, l’entreprise vise un bilan carbone net nul pour toutes ses activités dès 2040. Amazon est aujourd’hui le premier acheteur d’énergies renouvelables au monde, et en France, l’entreprise a récemment annoncé la fin des pochettes en plastique pour les envois à partir de ses centres de distribution ainsi que le déploiement de livraisons à domicile à zéro émission de CO2 dans plusieurs villes françaises et en particulier à Paris, où les deux tiers des livraisons réalisées via ses partenaires de livraison sont effectués avec un transport du dernier kilomètre sans CO2. »  
Depuis le début du projet, le nom d’Amazon circulait. Le géant américain prevoyait-t’il d’implanter à Petit-Couronne un énorme entrepôt de plus de 160 000 m² ? Le site devait être ouvert 24 heures sur 24, distribuant 330 000 colis par jour et employant 1 859 personnes durant les pics d’activité. Interrogé sur ce projet, le service communication d’Amazon parle de confusion et qu’à aucun moment, ils prévoyaient une implantation à Petit-Couronne puisqu’ils possèdent déjà un site de transport de dernier kilomètre sans CO2 à Saint-Etienne-du-Rouvray.
C’est lors du conseil municipal du 24 mars 2022, que Joël Bigot (PS) a déclaré « en deux mots, Amazon c’est fini » Cette phrase a étonné beaucoup de monde car la préfecture de Seine-Maritime avait donné son feu vert contrairement à l’opposition de la Métropole Rouen Normandie.
Le maire a lu à notre journaliste la lettre du promoteur immobilier Gazeley. Dans ce courrier, ce dernier annonce demander le retrait du permis de construire validé par le maire de Petit-Couronne ainsi que de l’arrêté préfectoral d’autorisation environnementale. « Le projet de construction visé ne sera finalement pas réalisé », écrit l’aménageur.
Joël Bigot, maire de Petit-Couronne interrogé par notre journaliste  Amandine Pointel ce vendredi 25 mars 2022, ne décolère pas depuis la réception de ce courrier.
Quelle a été votre réaction en lisant ce courrier ?
“En boxe, on dirait un uppercut ou un coup de massue. C’est vraiment un projet dans lequel je croyais et les Couronnais aussi, notamment ceux qui n’ont pas d’emploi. C’était pour eux l’occasion de remettre le pied à l’étrier dans une société qui offrait entre 1000 et 1800 emplois selon les périodes d’activité.”
Ils ne vous ont pas donné plus d’explications ?
“Non pas d’autres explications. J’ai essayé de les contacter et de contacter le préfet. J’ai aussi appelé la société Valgo (propriétaire du terrain et chargée de sa dépollution) pour faire ma propre enquête mais je ne me fais pas d’illusion. Je ne saurais peut-être jamais la vérité. Mon sentiment profond c’est qu’il y a eu trop d’oppositions à ce projet. Des oppositions politiques, médiatiques et associatives. On est encore sous le coup d’un procès contentieux avec « Les amis de la Terre » sur le permis de construire délivré en novembre 2020. Des articles ont été faits par une certaine presse en l’occurrence Médiapart ou le Poulpe qui a tout mélangé, est venu incruster un problème de pollution sur le site. Trop c’est trop ! A un moment donné, l’opérateur jette l’éponge ce qui est dommage.”
Vous leur en voulez ?
“Oui je leur en veux. J’en veux à tous ces bienpensants, ces gens qui veulent nous dire ce qu’on doit faire. Tous ces gens qui pensent que la population n’a pas de cerveau et qu’on doit réfléchir à leur place. Les Petits-Couronnais comme toute la population ont un cerveau et ont le droit de réfléchir. Ils ont le droit d’acheter par le e-commerce s’ils le veulent. Ce n’est pas mon choix personnel mais c’est une réalité dans la société. Les gens ont le droit de travailler dans le e-commerce s’ils le veulent. On peut parler des conditions de travail, c’est même un manque de respect vis-à-vis des syndicats qui sont vigilants dans ce genre d’entreprise.”
Est-ce que comprenez les gens qui pensent qu’Amazon tue les petits commerces de proximité ?
“Ce que je respecte et ce que j’ai compris c’est au tout départ les opposants qui avaient des craintes au niveau de la sécurité. Et ça je peux l’entendre. D’ailleurs le préfet s’est emparé du problème et a réuni un groupe pour proposer des améliorations. J’en veux un peu plus aux idéologues et aux philosophes sur les problèmes parce que c’est une boite américaine. Concernant l’emploi, il faut parler de tout l’écosystème. Quand on me parle de tous les emplois tués, ce n’est pas vraiment prouvé. Ce qu’ils oublient de dire c’est qu’il y a au moins 15.000 artisans ou commerçants qui vendent via Amazon. Ces gens-là ils ne vendraient pas ! Il faut dire tout cela. Le e-commerce en France, aujourd’hui, c’est 14%. Sur ces 14% c’est vrai qu’Amazon en a la moitié après il y a C discount ou la Fnac mais on en parle pas probablement parce que c’est propre, c’est Français. Mais il reste 86 % pour le commerce traditionnel. Ces gens-là qui s’opposent à tout pourraient comprendre qu’il y a une évolution de la planète et les gens ont le droit d’acheter avec une autre méthode. Il y a de la place pour tout le monde à partir du moment où chacun a ses compétences. C’est pour cela que je suis en colère, il y a des bienpensants qui veulent nous dire ce qu’on doit faire, où on doit acheter et comment on doit l’acheter. Je suis en colère pour cela.”
Et concernant la circulation des poids-lourds si l’entrepôt avait vu le jour ?
“Forcement quand on amène de l’activité on emmène des poids lourds mais il faut dire aussi que ce site est exceptionnellement bien placé en bordure de Seine et il y a du rail. Et l’évolution va faire qu’on va plus se diriger vers ces modes de transport dans le futur. C’était un atout puisque la Seine ne bougera pas et les rails non plus. Dans un premier temps c’est sûr qu’il y aurait eu beaucoup de camions comme il y avait avant mais je ne vais pas reparler du passé. Ce sont des routes qui sont faites pour la circulation, on a un boulevard maritime et une rocade qui sont faits pour la circulation des camions. On ne peut pas tout avoir. Les Petit-Couronnais ont accepté pendant 85 ans une raffinerie sur leur territoire, je vous garantis qu’ils étaient prêts à accepter des camions qui n’auraient pas traversé la ville de Petit-Couronne ou celle de Grand-Couronne puisqu’ils seraient allés directement sur les grands boulevards.”
Vous pensez qu’Amazon va quand même réussir à s’implanter en Normandie ?
“Je leur souhaite malheureusement ce n’est plus mon problème maintenant ! Je pense qu’il y a un autre maire dans une autre commune peut être proche d’ici, enfin je n’en sais rien j’ai aucune info, qui sera heureux d’avoir de l’emploi pour ses chômeurs. Peut-être que ce sera un maire de la Métropole qui a voté contre Amazon à un moment donné et qui changera d’avis. Je vous dis cela mais je n’ai aucune piste, je n’en sais rien. C’est de l’ironie.”
Vous pensez qu’Amazon a déjà trouvé un entrepôt pour vous écrire cette lettre ?
“Je pense oui mais c’est mon intime conviction.”
Sira Sylla, députée (LREM) de la 4e circonscription de Seine-Maritime (celle de Petit-Couronne) a commenté dans un communiqué publié sur les réseaux sociaux le renoncement d’Amazon de s’implanter au sud de Rouen. Elle évoque le potentiel de 1800 emplois (en pic d’activité) et la perte de ressources pour la commune de Petit-Couronne “qui aurait pu bénéficier “d’environ 600.000 euros par an de rentrées fiscales”.
Sira Sylla, “profondément déçue et en colère”, impute la responsabilité de cet abandon à “tous ceux qui par seul intérêt politicien, par dogmatisme et par refus des réalités économiques et sociales, ont ainsi agi pour que ce projet pourtant bénéfique ne se fasse pas. Oui, ces élus ont fait preuve d’irresponsabilité pour satisfaire une branche de leur électorat qui prône le retour à la lampe à huile et la décroissance.”
La députée fait le parallèle avec l’annonce, une semaine plus tôt, d’un projet de construction d’une des plus grandes usines de sucre d’Europe à Grand-Couronne dont l’activité “aura pourtant des conséquences en terme de nuisance olfactives notamment pour les habitants de Grand-Couronne et des Boucles de la Seine. Autant de camions que pour Amazon, mais visiblement  ces derniers seraient « plus propres !»
Depuis plusieurs années, des collectifs citoyens, des syndicalistes et des élus ont mené la vie dure à Amazon. Dans le Gard, le projet d’un centre de tri à Fournès a été annulé. En Loire-Atlantique, c’est une plateforme de 185 000 m2 qui ne verra pas le jour grâce à la mobilisation des associations.
Le site Reporterre rappelle qu’en décembre 2021, des activistes du collectif La Ronce Lisieux ont revendiqué le sabotage d’engins de chantier sur le site du futur entrepôt Amazon à Moult, au sud-est de Caen (Calvados), sans parvenir à faire stopper durablement les travaux. 

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