Un témoin qui avoue à la barre dix ans de mensonge et se retrouve, en pleurs, entre deux policiers. Un accusateur vedette qui rode comme un fantôme autour du palais et qui termine sa journée en garde à vue. Un accusé de plus en plus fatigué et bien peu fringant à l’heure où il doit justifier ses incohérences…
La semaine passée a été folle pour les douze jurés du Tarn qui samedi prochain se retireront pour débattre de l’éventuelle culpabilité de Jacques Viguier. Ce professeur de droit est-il responsable de la disparition de son épouse, Suzanne, le 27 février 2000 ? La question attend une réponse. Ces retraités, cet agriculteur, ce carrossier, cet assureur, cette éducatrice spécialisée vont devoir choisir : coupable ou non coupable ? Au nom du peuple français et de leur intime conviction.
Depuis deux semaines, ces jurés écoutent, observent, réfléchissent, acteurs d’un procès long, précis, passionnant. Face à eux, en contrebas, Jacques Viguier, 52 ans. Entre ses deux avocats qui le protègent des attaques et des regards, le professeur de droit toulousain a traversé cette semaine dans la douleur. Mardi, quand Me Dupond-Moretti a fait éclater les arrangements guidés par l’amant, son ennemi intime, il n’a pas réagi. Ses avocats ont dû lui expliquer ce coup de force dont la portée médiatique a en partie gommé des journées délicates.
C’est le paradoxe de cette deuxième semaine d’audience. Le coup d’éclat de la défense ne règle pas le fond du dossier. Et c’est toujours Jacques Viguier, et pas Olivier Durandet, qui s’explique sur les charges qui ont motivé son renvoi devant la cour d’assises. Faute de cadavre, faute de preuve irréfutable, l’accusation repose sur les curiosités que le professeur de droit a accumulé dans les jours qui ont suivi la disparition de son épouse.
Il y a des éléments subjectifs : son « manque d’inquiétude » quand il vient déclarer la disparition de son épouse ou son aversion supposée, qu’il dénonce, pour le divorce. Des éléments plus objectifs s’accumulent aussi : un matelas jeté à la décharge, un sac retrouvé et aussitôt « oublié », des horaires à géométrie variable… Rien de définitif. Rien du tout, tout simplement pour ses proches. Mais comme à chaque fois, Jacques Viguier les justifie par des « ce n’est pas important », « je ne sais pas » ou « je n’y ai pas pensé », le policier crie au criminel machiavélique, le juge soupçonne un « monstre » trop intelligent, l’observateur se demande s’il est le témoin d’un crime parfait ou d’une erreur judiciaire.
On aimerait que Jacques Viguier se défende mieux. Il n’en n’a pas la force. Parfois on se demande même s’il en a la volonté. Ses avocats, Mes Levy et Dupond-Moretti jouent les démineurs pour lui. Sans faiblir même si la fin de semaine a été délicate.
De l’autre côté, Mes Szpiner et Debuisson endossent les habits de l’accusation pour soulager un avocat général peu à son aise entre un accusé qui glisse entre les questions et une enquête où, à chaque virage, les policiers ont roulé les mécaniques au lieu d’additionner les preuves.
Justement, les commissaires et commandants de la police judiciaire sont attendus à la barre demain et mardi. Et avec eux, Olivier Durandet qui parlera, au grand jour, demain après-midi. Une heure de vérité qui, forcément, comptera en fin de semaine. Comme jeudi les dépositions des enfants de l’accusé, ses premiers défenseurs, et des sœurs de sa femme disparue qui, elles, l’accusent.
l 27 févr ier 2000. Après sa participation à un tournoi de tarot à Montauban, Suzanne Viguier rentre à Toulouse en compagnie d’Olivier Durandet, son amant. Celui-ci la raccompagne chez elle vers 4h30. Jacques Viguier entend son épouse rentrer. Depuis, plus personne n’a revu Suzanne Viguier.
l 1er mars 2000. Jacques Viguier se présente au commissariat pour signaler la disparition de son épouse.
l 10 mars 2000. Des traces de sang, le sac de Susy retrouvé dans la maison,le matelas où elle dormait disparu. Jacques Viguier est placé en garde à vue. Il ressort libre après 40 heures d’audition.
l 11 mai 2000. Jacques Viguier est interpellé et interrogé. Cette fois, la justice le met en examen pour l’assassinat de son épouse Suzy. Le prof de droit est incarcéré. Il clame son innocence.
l 15 février 2001. La cour d’appel de Toulouse ordonne la remise en liberté de Jacques Viguier. Celui-ci retrouve ses enfants et son travail d’enseignant à la fac de droit. Les magistrats estiment que le maintien en détention n’apparaît plus justifié «au regard des nécessités de l’instruction».
l 22 février 2007. La chambre de l’instruction de la cour d’appel de Toulouse décide de confirmer le renvoi de Jacques Viguier devant la cour d’assises pour le meurtre de son épouse, et non plus pour assassinat faute de preuve sur la préméditation.
l 30 avril 2009. Après neuf jours d’audience, les jurés de la cour d’assises de la Haute-Garonne déclarent Jacques Viguier «non coupable».
l 2 mars 2010. Dans le Tarn, à Albi, Jacques Viguier est rejugé en appel, toujours accusé du meurtre de sa femme. Verdict samedi 20 mars.
<= Jacques Viguier. Il y a le professeur agrégé à 32 ans, qui enseigne le droit public sans note à Toulouse, récite les génériques des western et des comédies musicales, fait la fierté d'une famille qui ne doute pas de son innocence. Il y a aussi le Jacques Viguier, fou de chocolat, qui court après ses étudiantes pour les coucher dans son lit, qui cache à sa femme la réalité de ses revenus, qui préfère la chasse à l'isard et le cinéma à sa famille… Jacques Viguier a plusieurs visages. Une personnalité complexe.Un homme balloté depuis dix ans dans la tourmente judiciaire et qui jure : « Je ne sais pas ce qui est arrivé à ma femme ! »
=> Olivier Durandet, 42 ans, commercial dans le maquillage, accuse depuis dix ans Jacques Viguier d’avoir éliminé Susy. Il le dit coupable depuis le premier jour. Parce que « Susy » n’a pas pu partir, parce que Jacques Viguier « ment », parce qu’à ses yeux, aucune autre possibilité n’est crédible. « Pour Susy » dont il partageait la vie et le lit depuis l’été 1998 « et qui ne mérite pas qu’on la salisse ». Olivier Durandet accuse mais il a aussi été accusé cette semaine dans le cadre d’une enquête pour subornation de témoin.
Magistrat d’expérience, le président Jacques Richiardi éclaire depuis déjà deux semaines le procès en appel de Jacques Viguier. Cet Audois de 56 ans, fier de ses racines et amoureux de sa terre qu’il ne veut pas quitter, apporte à ce nouveau rendez-vous judiciaire sa connaissance sans faille de l’affaire, sa patience, son respect de l’accusé et des témoins, sa diplomatie souriante et parfois autoritaire pour contenir les empoignades des avocats. Objectif toujours, ce magistrat a surtout extirpé du dossier des heures d’écoute oubliées.
Ces éléments, Me Georges Catala, le premier avocat de Jacques Viguier, les avait longtemps réclamés.
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il entend son épouse rentrer…
Il l'entend rentrer mais ne la voit pas, c'est peut-être l'amant qui dépose le sac au lieu de déposer Suzy qui a peut-être déjà disparu?….
Et si l'amant ?
Il a chargé le mari de façon à laisser aujourd'hui planer un doute … il a menti depuis 10 ans non?
Durandet : Témoin ou Acteur
Puisqu'il est entré dans la maison après la disparition de Suzy, avait-il la possibilité de mettre le sac de Suzy dans le placard ? Accessoirement,il faudrait savoir qui avait la possibilité d'accéder au placard et pourqoui la police n'a pas pensé en récupérant le sac à le mettre sous scellés. Peut-être qu'il y avait moyen de trouver des empreintes plus ou moins nombreuses. Cela aurait pu orienter l'enquête.

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