Il y a quelques semaines, un mois après le début de la guerre en Ukraine, on avait laissé le patron du BTP dans les Pyrénées-Atlantiques en colère, inquiet, mais n’abandonnant pas son optimisme. Ce jeudi, en marge de l’assemblée générale de la fédération qui se tient à la Cave de Gan, en présence de 270 chefs d’entreprise et de leurs invités Jérôme Garcès et Isabelle Ithurburu, Sébastien Labourdette conservait ce sentiment d’entre-deux. Entre les craintes que génère cette crise inédite (prix en hausse, pénurie de matériaux) et la satisfaction de voir les métiers du bâtiment et des travaux publics de plus en plus attractifs.
« Mobilisation, c’est le mot-clé à retenir » nous confie le président, après une année 2021 « qui…
« Mobilisation, c’est le mot-clé à retenir » nous confie le président, après une année 2021 « qui nous a beaucoup ébranlés ». Le conflit ukrainien n’a, en effet, fait qu’appuyer là où cela faisait déjà mal en raison de la pandémie, sur les matières premières manquantes et une inflation bondissante.
Pourtant, et Sébastien Labourdette a voulu commencer par là, il y a des bonnes nouvelles dans le BTP. La fédération constate que l’activité demeure encore « assez soutenue », « convenable sur le volume ». Dans le 64 par exemple, le nombre de logements autorisés a progressé de 27 % sur un an, et de 50 % sur les trois derniers mois.
« Les entreprises ont du travail. Il y a une demande qui est liée principalement au plan de relance qui a plutôt bien doté le BTP de différents dispositifs. Le logement était devenu la principale préoccupation des Français, car après le confinement, plus personne ne voulait revivre un huis clos dans un appartement » analyse celui qui est aussi le Pdg de Sogeba à Pau.
De l’investissement dans la construction donc, qui a également permis de créer de l’emploi, « c’est une autre satisfaction ». Plus 3,8 % sur une année, pour arriver jusqu’à 17 000 emplois (dont 10 300 affiliés à la fédé), « on n’a jamais eu autant de salariés dans le BTP dans notre département », confirme le secrétaire général du BTP 64, Laurent Bourguignon.
« Et malgré tous les embâcles » note Sébastien Labourdette. Ce dernier explique cette bonne dynamique par les actions de la filière elle-même, « on prend le taureau par les cornes, on veut maîtriser notre destin ». Localement, le BTP s’est par exemple doté d’outils qui facilitent le recrutement. À l’instar du CFA du BTP qui fête justement ses 50 ans ce 3 juin. « Il est plein. En 2021, on a créé 800 nouveaux contrats d’apprentissage qui permettra de voir arriver sur le marché du travail 800 personnes dans deux ans. Nos initiatives portent leurs fruits ».
Le président voit le secteur comme un animal, peut-être blessé aujourd’hui, contraint, « mais on parvient à nous adapter, aux règles du jeu qui changent en permanence. On arrive à être agile, à nous réorganiser, à avoir de l’intelligence collective » assure le patron de la fédé. BTP insertion (avec 147 apprentis ayant eu un parcours chaotique) et BTP emploi « qui permet du cousu main sur l’emploi » sont aussi deux leviers bienvenus.
En outre, « le métier est attractif. Il paie bien, nous n’avons personne au Smic, le premier niveau de grille est 12 % au-dessus » ajoute Sébastien Labourdette. « On peut aussi entrer sans qualification et on propose un réel ascenseur social. ce sont aussi des contrats à temps plein. Enfin, le métier s’est grandement modernisé » égrène le président.
De quoi peut-être convaincre encore ceux qui hésitent, alors que la filière, dans notre département, est toujours à la recherche de 2 200 personnes, « dans tous les types de métier » précise Laurent Bourguignon.
Mais comme la météo béarnaise de ce jeudi, ce ciel qui semble dégagé peut voir de gros nuages noirs s’amonceler. Et on revient à la « brutalité » des événements récents, qui peuvent conduire à un étranglement des entreprises de BTP « prises entre le marteau et l’enclume », entre les fournisseurs trop gourmands et les clients vers qui elles ne souhaitent pas répercuter l’entièreté des hausses.
Comme il y a deux mois d’ailleurs, Sébastien Labourdette s’est élevé contre les plus gros industriels « qui ne jouent pas le jeu et mettent la chaîne entière en danger. Ils scient la branche sur laquelle nous sommes tous assis ». Ces industriels qui préféreraient faire de la marge, « à l’image de Saint-Gobain. J’ai interrogé son patron à ce sujet. C’était sa réponse : faire de la marge maintenant, au cas où cela baisse plus tard. C’est inacceptable » tonne le Pdg de Sogeba.
Ce dernier espère cependant que les prix baisseront bientôt, qu’une certaine « stabilité » sera retrouvée. Mais en attendant, il le reconnaît, plusieurs chantiers sont sur la sellette, plusieurs projets pourraient ne pas voir le jour. Et de citer l’exemple du groupe scolaire d’Uzos, dont les travaux étaient estimés à un million. « Avec un retour des entreprises à 1,3 million, le client se pose, à juste titre, la question de pouvoir porter le projet. Les 300 000 euros manquants ne vont pas tomber du ciel ».
Pour les projets privés, les difficultés existent aussi et les devis augmentent, autour de 10 %. Et soit le particulier ne peut plus allonger l’argent, soit le constructeur de maisons encaisse la hausse, au risque de se mettre en danger. « On l’a vu récemment, avec le redressement des maisons Phénix » relève Sébastien Labourdette.
Une situation qui fait craindre à la filière une baisse de l’investissement, « alors que les besoins sont là ». C’est pourquoi le BTP, pour l’heure, compte « beaucoup » sur la commande publique. « Elle doit montrer l’exemple » affirme le dirigeant, « les collectivités ont de la trésorerie » assure-t-il. Mais, même sans mettre plus, « il y a des solutions pour éviter les arrêts de chantier ».
Quand on lui soumet le projet palois de requalification de la Sernam, avec plusieurs lots relancés dans les appels d’offres, Sébastien Labourdette acquiesce. « Tout le monde avait répondu, mais 7 lots étaient infructueux, car au-dessus des estimations. À la demande de la collectivité, l’architecte a relancé un dossier, avec le même budget, en révisant les prestations. La façade en briques, par exemple, peut être en béton banché et ça sera moins coûteux » explique le professionnel.
Autre solution concrète, le 1er avril dernier, la filière du BTP a vendu de la révision des prix à tous ses clients publics, via l’indice de révision. « Et elle a été appliquée. C’est du gagnant-gagnant. Car c’est à la hausse, comme à la baisse. Oui, ça existe les chantiers à la fin moins chers » sourit Laurent Bourguignon. Le président, lui, prend le pari : « Je suis sûr que les marchés répondus aujourd’hui se factureront moins chers que l’offre, car aujourd’hui, on est sur le pic de la bêtise ». À voir en effet, demain, si, une certaine raison est retrouvée.
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