Les Etats-Unis, l’Australie et la Nouvelle-Zélande craignent que l’équipementier télécoms chinois se livre à des activités d’espionnage. En Suisse, Huawei travaille avec Sunrise et Swisscom et veut se développer à Lausanne et Zurich
Il y a eu les Etats-Unis, puis l’Australie et désormais la Nouvelle-Zélande. Et ce sera peut-être bientôt le tour de l’Allemagne et du Japon. Ces pays ont banni de leur sol les équipements de Huawei pour les réseaux fixe et mobile, ou s’apprêteraient à le faire, craignant des activités d’espionnage de la part de Pékin. Le spécialiste télécoms chinois est en train de se voir interdire l’accès à plusieurs marchés. Mais en Suisse, c’est le contraire. Fournisseur de Swisscom et de Sunrise, il veut s’étendre dans le pays.
C’est en Nouvelle-Zélande qu’une nouvelle fronde est apparue. Mercredi, Spark, principal opérateur télécoms du pays, annonçait que les services de sécurité néo-zélandais lui avaient interdit d’utiliser des équipements de Huawei pour développer son réseau 5G en invoquant des «risques significatifs pour la sécurité nationale». Jeudi, le ministre néo-zélandais de la Justice Andrew Little livrait une autre version des faits. «Il ne s’agit pas du pays, et même pas particulièrement de l’entreprise. Il s’agit de la technologie qui est proposée», affirmait-il, sans donner de détails.
A 2000 kilomètres de là, Canberra avait été plus claire en août dernier, lorsqu’elle décidait d’interdire à Huawei et ZTE d’édifier des réseaux 5G. L’Australie avait alors affirmé que les sociétés liées à des gouvernements étrangers présentaient un risque pour la sécurité. Ce pays suivait ainsi les Etats-Unis, qui dès 2012 – soit sous l’ère Obama – avaient interdit à leurs opérateurs de téléphonie mobile de se fournir chez ZTE et Huawei, jugeant ces entreprises trop proches de Pékin. Huawei avait été fondée en 1987 par Ren Zhengfei, ancien haut responsable de l’armée chinoise. La société, non cotée, appartient officiellement à sa direction et à ses employés.
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En Suisse, on ne partage pas ces craintes. Huawei gère et développe le réseau mobile de Sunrise et s’apprête, dès 2019, à édifier son réseau 5G de ce dernier. Contacté, l’opérateur défend son choix. «La décision du gouvernement australien ou américain est une décision politique, affirme sa porte-parole. Nous ne voyons aucun impact sur nos infrastructures techniques et nos services, et nous ne voyons aucune raison pour les autorités suisses d’en arriver à la même conclusion.»
Sunrise, «pleinement satisfait» de son partenaire, rappelle que la société chinoise est «l’un des principaux fournisseurs de technologies au monde. Huawei a déjà mis en œuvre plus de 1500 réseaux dans le monde, ce qui signifie qu’environ un tiers de la population mondiale dépend de ses technologies.» BT, Vodafone, France Télécom, Deutsche Telekom ou encore Telefonica O2 se fournissent déjà chez Huawei. La société revendique 22% du marché mondial des équipements télécoms, devant Nokia (13%) et Ericsson (11%).
En Suisse, Huawei, basée à Dübendorf (ZH), compte 350 employés. «Nous avons une relation de confiance avec nos clients et nos partenaires et ne nous sentons pas discriminés par les milieux politiques, les autorités ou d’autres entreprises», affirme un porte-parole du groupe chinois, qui précise que Huawei est membre de toutes les associations suisses liées à la technologie.
Pour son réseau mobile, Salt fait principalement appel à Nokia. Swisscom se fournit chez Ericsson, mais utilise certaines technologies de Huawei pour son réseau fixe. Jeudi, l’opérateur historique n’a pas été en mesure de répondre à nos questions (mise à jour: lire ci-dessous). La société chinoise dispose, en plus de son activité réseau, de deux autres unités en Suisse. L’une fournit des services aux entreprises, l’autre vend des smartphones – sa part de marché est estimée à 8% par Comparis.
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Mi-août, à l’occasion de la visite de Doris Leuthard à Shenzhen, Eric Xu, directeur de Huawei, avait promis des «investissements massifs» en Suisse, avec la volonté d’ouvrir deux centres de recherche et de développement, à Lausanne et Zurich. Le but serait de se rapprocher des écoles polytechniques. Contacté jeudi sur ce point, Huawei a affirmé «être encore en phase de négociation pour ces deux centres».
Mise à jour vendredi:
Vendredi, Swisscom a répondu à nos questions. L’opérateur ne prend pas «position au sujet des reproches et spéculations autour de Huawei. Nous n’avons pas encore d’informations qui permettraient d’étayer les préoccupations en matière de sécurité au sujet de Huawei», affirme l’opérateur. L’opérateur se veut rassurant: «Swisscom sélectionne soigneusement ses fournisseurs et mise sur leur professionnalisme, quel que soit leur pays d’origine. Les aspects liés à la sécurité sont déjà pris en compte dans les procédures d’appel d’offres et lors de la conclusion ultérieure des contrats. Les processus et architectures de Swisscom permettent également de minimiser les risques, quel que soit le fabricant».

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