Il y a encore quatre mois, Amandine Antunez vivait à Lagor. Puis elle a quitté le Cœur de Béarn pour la Forge Moderne, « village d’artisans festif » près de la gare de Pau. Elle adore ! Lorsqu’ils ne sont pas à l’atelier, elle et ses voisins se retrouvent pour échanger et imaginer toutes sortes de collabs au Barn’s, le café du « village », qu’animent Sylvain et Pierre Garms. Et l’on ne peut s’empêcher de sourire en la voyant mener cette vie de créatrice d’aujourd’hui avec le savoir-faire, vieux de plusieurs siècles, qui est le sien.
C’est à l’école européenne de l’art et des matières d’Albi que le maître stucateur Patrick Tranchart lui a fait découvrir le stuc-marbre, technique venue d’Italie qui eut son heure de gloire dans l’Europe du XVIIe siècle, quand mettre du vrai marbre dans les églises et les palais était certes à la mode, mais parfois très cher et complexe. Puis la mode du marbre s’en est allée. Seules deux écoles enseignent encore…
C’est à l’école européenne de l’art et des matières d’Albi que le maître stucateur Patrick Tranchart lui a fait découvrir le stuc-marbre, technique venue d’Italie qui eut son heure de gloire dans l’Europe du XVIIe siècle, quand mettre du vrai marbre dans les églises et les palais était certes à la mode, mais parfois très cher et complexe. Puis la mode du marbre s’en est allée. Seules deux écoles enseignent encore l’art du stuc-marbre en France, à Avignon et à Albi.
Le principe de base est simple : du plâtre, un peu de colle pour ralentir la prise, afin de pouvoir le teinter, le découper, le travailler. Amandine, elle, va plus loin et expérimente avec toutes sortes de plantes tinctoriales qui lui donnent, après un lent travail de ponçage, 50 nuances de marbre plus vraies que nature ou complètement psychédéliques !
Ce travail méticuleux ne lui permet de réaliser chaque année que quatre grands plateaux de table, beaux comme des tableaux, mais elle crée aussi des coupes, des bols, des carreaux. Le succès n’a pas traîné. La Design Web l’a invitée à exposer l’an dernier, et des collaborations sont en cours avec des architectes d’intérieur renommés comme Pierre Yovanovitch, Laura Gonzalez ou Chloé Nègre, soucieuse de design durable.
Pour Mylène Niedzialkowski, la créatrice de Georges Store, le succès est venu d’un coup. À peine lancée au salon Maison & Objet de janvier 2018, sa suspension Pale s’est vendue comme des petits pains : elle en expédie toujours 200 par semaine aux quatre coins de la planète. C’est la naissance de son fils Jules, en 2010, qui lui a donné envie de retrouver « l’usage de [s] es mains ». Car, enfant, elle fabriquait et meublait des maisons miniatures, elle cousait, brodait, tricotait, encouragée par une grand-mère tapissière et un grand-père bijoutier. Comme ses parents ne cessaient de déménager, elle a aussi appris très tôt à manier scie, perceuse et rabot, et à ne jamais garder les deux pieds dans le même sabot.
Après Paris, Hyères, Pau, où elle étudie à l’école supérieure d’art et de design des Pyrénées, il y a eu Salies, puis Sauveterre. « Elle a commencé par fabriquer ses lampes dans son garage, se souvient Dalila, sa directrice d’exploitation. Nous étions trois, et il fallait en faire 10 par mois, au milieu des gouttières l’hiver. Puis nous nous sommes installés dans un ancien bureau de tabac. Là, nous étions 10, puis 15, à la fabrication. » En juillet 2020, le Covid et des ventes en ligne exponentielles convainquent Mylène de pousser une nouvelle fois les murs. Elle achète le château de Méritein à un couple d’Anglais qui avait eu la bonne idée de refaire toutes les fenêtres avant de divorcer…
Une trentaine de personnes (sur 40) travaillent aujourd’hui dans ce castelet jaune banane où chaque pièce est réservée à une étape de la fabrication. Dans le parc, un potager pour l’équipe, un jardin de fleurs pour les compositions florales et des plantes tinctoriales, car Mylène ne jure que par les teintures végétales, appliquées à la main sur de fines étamines de coton normandes pour ses lampes, mais aussi pour son linge de maison et ses vêtements.
À la rentrée, la marque présentera du mobilier en bois de chêne ou en alu, réalisé par des artisans du département, des vêtements en lin ou en soie chinés et customisés, des voilages colorés, de la vaisselle et même des carreaux de crédence qu’elle cuit à Bayonne.
Dans le village voisin de Castetnau-Camblong, Jérémy Martinez et Florine Husband, aussi, rêvaient de décroissance et d’un changement de vie radical. Pendant la pandémie, Jérémy, shaper et menuisier nautique de formation, a retrouvé sa collection de petites voitures pour son fils Marcelo. Leur robustesse l’a surpris et, sans rien de numérique, juste un bon vieux pantographe, il a commencé à fabriquer une série de petites voitures avec du hêtre d’Iraty, fourni par une scierie voisine. L’atelier Rookie-roule était né, et réalise désormais neuf déclinaisons épurées de standards de type Land Rover, DS ou Tube Citroën.
« Ce sont des modèles que tout le monde connaît, et reconnaît, car, même si je simplifie l’objet au maximum, je suis très rigoureux sur les proportions », explique-t-il. Pour reconnaître la Jaguar type D, la Porsche 356 ou la Ferrari 250 GTO, il faut un œil plus averti, mais petits et grands ont vite adopté ces petites « roues qui roulent ». Parce qu’elles sont stylées et parce qu’elles restent les jouets dont rêvent tous les parents : sans vernis, sans plastique, à peine un coup de peinture écolo (à base d’algues bretonnes), et déclinable en 15 coloris !
Dans son atelier caché sur les hauteurs de Salies, la céramiste Gaëlle Guingant-Convert aussi a retrouvé son âme d’enfant il y a deux ans. Elle qui avait une production très déco, à base de spores géantes et de madrépores frôlant l’abstraction – ses séries Carbone ou Chimères auraient pu inspirer à Georges Store quelque spectaculaire suspension XXL –, a basculé vers un bestiaire plus figuratif et personnel. « Faire des bestioles en terre, c’était le truc que je faisais sans réfléchir pour me défouler ou m’amuser », sourit-elle. La pandémie et un profond besoin de se réinventer l’ont poussée à suivre cette pente naturelle.
« J’observe beaucoup l’animal dans son environnement et je le dessine dans un maximum de postures, pour que mon geste soit le plus intuitif possible en phase de réalisation. » Ainsi, si elle donne parfois une intention à la terre, c’est souvent la bestiole qui émerge toute seule de l’argile. Du coup, elle tape juste. Ses animaux ont l’air si vivants qu’on a envie de les caresser et de les adopter. Elle s’attache ensuite à modeler leurs muscles, marquer leurs rides, souligner leur grain de peau grâce aux différents émaux qu’elle applique sur les argiles des Grès du Colombier, à Orriule, qu’elle cuit à 1 280 °C. « J’ai un faible pour les animaux ingrats : crapauds, morses, rhinocéros ou corneilles, s’amuse-t-elle. Je pensais que j’étais la seule, mais, étonnamment, ils ont beaucoup de succès, bien plus que mes précédentes créations ! »

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