Le camp présidentiel a vu les oppositions détricoter la loi de programmation des finances publiques et rejeter un article essentiel du budget 2023. Bruno Le Maire promet de « prendre le temps » pour le débat, mais les circonstances pourraient décider du contraire. Le Conseil des ministres a donné son feu vert pour le recours inéluctable au 49.3.
Par Renaud Honoré
Le débat n'avait pas démarré depuis 15 minutes que Bruno Le Maire s'est senti obligé de le préciser : « Nous prendrons tout le temps nécessaire pour examiner ce budget. » Mais n'est-ce pas déjà du temps perdu pour le très littéraire ministre de l'Economie ?
Alors que l'examen du projet de loi de finances (PLF) pour 2023 vient tout juste de débuter ce mercredi à l'Assemblée nationale, le gouvernement et la majorité présidentielle sont confrontés à une forme d'impuissance face aux oppositions. De quoi rendre un peu plus pressant le recours à l'article 49.3 de la Constitution pour l'adoption sans vote du texte. Surtout après le feu vert accordé par le Conseil des ministres un peu plus tôt dans la journée « si la situation devait l'exiger », pour reprendre les termes du porte-parole de l'exécutif, Olivier Véran.
Ils sont sans doute quelques-uns dans la majorité, le moral dans les chaussettes, à se dire que la situation l'exige, après avoir accumulé les revers depuis 24 heures. Il y a d'abord eu cette loi de programmation des finances publiques 2022-2027, taillée en pièces par les oppositions après une nuit mouvementée mardi soir . En tout, ce sont 8 articles sur les 26 contenus par le texte qui ont été rejetés, le rendant complètement inopérant.
La séance a donné un avant-goût de ce qui attend le gouvernement et la majorité pour les jours qui viennent sur le budget 2023, si jamais ils devaient repousser le recours au 49.3. Creusant chacune leurs propres sillons, les oppositions n'ont guère réussi à faire adopter les amendements qu'elles proposaient. Il faut dire qu'il était difficile de combler le fossé séparant une Nupes criant à l'austérité, et la droite et l'extrême droite stigmatisant la dérive des comptes publics.
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En revanche, tous ces groupes se sont unis pour faire tomber plusieurs articles de la loi de programmation. Avec chaque fois la droite parlementaire en groupe charnière susceptible de faire basculer des votes extrêmement serrés. « Clairement, c'est LR qui a pris un malin plaisir à nous planter », explique un député de la majorité.
Dans une ambiance électrique, avec un hémicycle exceptionnellement garni de plus de 400 députés en pleine nuit, la majorité relative a pris les allures d'une citadelle assiégée. Gabriel Attal, le ministre délégué aux Comptes publics, a eu beau dénoncer « une coalition du laisser faire pour que les déficits explosent » et « l'irresponsabilité » des oppositions, rien n'y a fait : les élus LR, LFI, PS, EELV et RN ont voté ensemble pour dégommer plusieurs dispositions du texte, notamment toutes celles consacrées aux finances des collectivités locales, un des sujets les plus sensibles du débat parlementaire. « C'est une coalition baroque, qui ne mène à rien », a dénoncé Eric Woerth, désormais député Renaissance.
Plus étonnant, LR a aussi voté contre l'article encadrant l'évolution des effectifs de l'Etat. « Depuis quelques jours, LR propose un plan de sobriété bureaucratique visant une baisse du nombre de fonctionnaires, et pourtant ils ont voté contre cet article. Comprenne qui pourra… », s'est lamenté un élu Renaissance. « Les efforts de maîtrise de la dépense sont insuffisants, raison pour laquelle nous votons contre », justifie-t-on au sein de la délégation.
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L'atmosphère n'avait pas réellement changé ce mercredi, cette fois pour le PLF 2023. Le premier vote de l'examen du texte s'est ainsi conclu par le rejet de l'article liminaire, celui qui fixe les prévisions de déficit public pour l'an prochain (-5 % du PIB), par 192 voix contre 175. « Vous êtes dans le mirage, une toute-puissance, et nous venons de vous rappeler que vous ne pouvez pas décider seuls », a tonné David Guiraud (LFI) dans l'hémicycle.
L'article a ainsi réussi à coaliser contre lui une Nupes jugeant que le gouvernement appuyait bien trop fort sur le frein pour la dépense publique, mais aussi une droite et une extrême droite alertant contre des économies insuffisantes. « On ne peut pas fonder une politique par des illusions et des mensonges », a attaqué Jean-Philippe Tanguy (RN).
Cette « majorité de circonstance » – pour reprendre la critique de Jean-René Cazeneuve, le rapporteur général du Budget (Renaissance) à l'Assemblée – peut-elle prospérer au-delà ? David Guiraud a en tout cas tendu la main à tous ceux qui voudraient contrer le 49.3 à venir du gouvernement. « Je le dis aux groupes d'opposition : nous avons les moyens de nous faire entendre avec la motion de censure. La motion de censure, ce n'est pas pour renverser le gouvernement, non plus pour être d'accord avec LFI, mais pour rappeler que ce sont les parlementaires qui décident », a lancé le député Insoumis.
Face à cela, le gouvernement serre les rangs. « Vous êtes réunis Nupes, Rassemblement national, LR, pour priver la France de tout cap. Nous prendrons nos responsabilités pour ne pas priver la France d'un budget », a averti Gabriel Attal. « Personne ne sait dire quand arrivera le 49.3. Cela dépendra de la (bonne ou mauvaise) dynamique du débat », juge un député de la majorité.
Renaud Honoré
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