Depuis le début de l’année, les magasins discount, ces enseignes dont les prix sont particulièrement bas, ont clairement le vent en poupe. Selon le cabinet d’expertise et de conseil Kantar, Aldi a conquis plus de 385 000 nouveaux clients en mai. Même tendance, chez Lidl qui recense 325 000 foyers supplémentaires dans sa clientèle en un an. Plusieurs raisons peuvent expliquer ce phénomène.
Ces hausses s’expliquent en partie par l’ouverture de nouveaux magasins…
Ces hausses s’expliquent en partie par l’ouverture de nouveaux magasins, notamment pour la chaîne Aldi particulièrement conquérante. Mais la baisse du pouvoir d’achat des Français pousse davantage ces derniers vers ces enseignes depuis quelques mois. Sur la dernière année, 61 % des Français ont acheté chez Lidl. Ils n’étaient que 45 % en 2015. « Ces magasins proposent des gammes de produits limitées, analyse Franck Lehuédé, directeur d’études au Credoc [Centre de recherches pour l’étude et l’observation des conditions de vie]. Quand on veut gérer son budget, cela permet de freiner les dépenses. Et avec les prix chocs qu’ils pratiquent, on peut aussi craquer pour un achat coup de tête. »
Cet engouement pour le hard discount ne date pourtant pas d’hier et s’est accéléré en 2015, lorsque Lidl, leader allemand sur ce créneau du « pas cher » a opéré un virage stratégique. Lorsqu’ils sont apparus au début des années 1990, ces magasins ne proposaient que des produits de marque distributeur et s’adressaient exclusivement aux consommateurs les plus modestes avec une moyenne de 1 600 références, quand les hypermarchés en promettent dix fois plus aux chalands. Mais la riposte de la grande distribution, qui a créé ses propres gammes à prix cassés, a obligé les spécialistes du discount à évoluer.
Lidl a commencé par élargir sa gamme en mettant en rayons des produits plébiscités par les Français comme le Coca-Cola ou des marques réclamées par les enfants, Nutella, pour ne citer que ces deux produits. « L’autre élément important, ce sont les prix chocs. Une fois par semaine, on vend un produit à un prix complètement imbattable, précise Franck Lehuédé.
L’exemple le plus connu, c’est le concurrent du Thermomix chez Lidl. Là, on fait venir une nouvelle population qui recherche l’achat malin, qui ne se retrouvait pas dans l’offre des hard discounters. Le positionnement des magasins, qui était identique de l’un à l’autre, se modifie pour s’adapter aux caractéristiques socio-démographiques de la clientèle avec des produits qui répondent à ce qu’attend la classe moyenne. C’est ce que Lidl a appelé le ‘‘soft discount’’. »
Pour accompagner ces changements, les enseignes de hard discount ont engagé des campagnes de communication massives. Par exemple, la publicité de télévision, dans laquelle on peut entendre le « on est mal » du concurrent qui va espionner chez Lidl, inonde les écrans. Avec cette campagne, entre autres, le géant allemand est devenu le premier annonceur du secteur en 2021, avec un budget de 472 millions d’euros sur l’année, selon Kantar.
Aldi lui a emboîté le pas en consacrant plus de 200 millions d’euros à la publicité cette même année. À eux deux, les principaux acteurs du hard discount représentent ainsi un quart des dépenses publicitaires sur les produits alimentaires, alors qu’ils ne pèsent même pas 10 % de part de marché. « La communication permet de faire connaître le nouveau positionnement de ces enseignes, rappelle Franck Lehuédé. On fait découvrir les magasins à des gens qui n’auraient jamais mis les pieds chez Lidl », en les attirant avec des prix chocs et des produits en quantité limitée. Comme les baskets aux couleurs de la marque qui sont devenues ultra-tendance et se sont arrachées sur les sites de revente en ligne.
Pour contrer cette déferlante du discount, hard ou soft, les distributeurs classiques sont une nouvelle fois contraints de s’adapter. Carrefour développe l’enseigne Supeco et a déjà ouvert 25 magasins en France. Netto est relancé par Intermarché. Toujours à l’affût de ce qui se passe, les leaders de la grande distribution modifient ainsi leur stratégie en réaction.
Dans les années 1990-2000, ils avaient déjà trouvé la solution pour couper les ailes au hard discount, ils trouveront cette fois encore une parade. Dans cette nouvelle bataille, « les indépendants comme Super U ou Intermarché font preuve de plus de réactivité, note Franck Lehuédé. Ils savent faire évoluer leurs formules rapidement grâce à leur proximité ». Dans tous les cas, la stratégie des prix bas s’avère toujours payante. Elle bénéficie notamment à Leclerc qui continue de gagner des parts de marché en basant toute sa communication là-dessus.

source

Catégorisé: