7 février 2002. Un temps d’hiver surplombe le pays de Brest. La soirée « Planète Ibiza », au parc des expositions de Penfeld, à Guilers, est donc une promesse de chaleur pour les étudiants qui se pressent aux portes. C’est la veille des vacances et l’ambiance est joyeuse : sable, palmiers et DJ sont promis pour cette fête préparée par plusieurs étudiants en gestion administrative et commerciale (Gaco) de l’Institut universitaire de technologie (IUT) de Morlaix. La salle a une capacité de 3 500 personnes mais l’organisateur, Borgia Bafounta, à la tête de la société rochelaise Mell, a indiqué à l’agence de sécurité Poséidon Protection que la jauge serait de 2 000 à 2 500 personnes. Seuls 17 agents de sécurité sont prévus, dont quatre seulement à l’entrée.
Vers 0 h 30, la foule grossit, s’impatiente. Peut-être, certainement même, dopée par une alcoolémie de présoirée conséquente chez certains. Puis, c’est l’averse, à 1 h, qui encourage les jeunes à pousser un peu plus, beaucoup plus même, pour enfin entrer et s’amuser. L’excitation est à son comble, le service d’ordre, débordé, abandonne son poste et s’enferme dans le bâtiment. La suite est une scène d’horreur. Alors que les portes sont fermées, des dizaines de jeunes sont écrasés dans l’immense entonnoir. Quelque 80 d’entre eux tombent, inanimés.
On comptera plusieurs dizaines de blessés et deux morts : Maryline Gourmelon, 19 ans, de Plouvien, et Elena Rumyantseva, 21 ans, étudiante russe. Trois autres décéderont quelques jours plus tard : Nicolas Urhy, 25 ans, de Grenoble et en études à Lannion ; Loïg Péres, 19 ans, de Saint-Urbain, et Claire Pochic, 22 ans, qui habitait Saint-Renan. La cause est la même : l’asphyxie, la cage thoracique écrasée par la foule. À 2 h, le DJ coupe la musique et demande aux fêtards de rester calmes. À l’extérieur, les pompiers dégagent des corps. Scène apocalyptique.
Un responsable du Samu de Brest comparera les lésions observées à celles du stade du Heysel de Bruxelles, en Belgique, le 29 mai 1985, après la bousculade qui avait fait 39 morts et des centaines de blessés.
On apprendra à la faveur de l’enquête qu’en cette soirée funeste, 4 615 billets avaient été proposés, 3 624 en prévente et 990 vendus sur place. Loin de la jauge prévue. Trois jours avant, une étudiante avait interpellé Borgia Bafounta des lacunes en termes de sécurité.
On saura également que le jour de « Planète Ibiza », un professeur de l’IUT présent avait « supplié un collaborateur [de Borgia Bafounta] d’arrêter les ventes » vers 23 h 30. La réponse avait été sans ambages : « On continue, il y a du fric à se faire ».
À l’époque des faits, l’ancien footballeur professionnel Borgia Bafounta traîne sa fête itinérante partout en France, pour des soirées estudiantines. Dix-neuf villes avaient accueilli « Planète Ibiza », avec des incidents dans au moins cinq d’entre elles. Déjà à Bordeaux, le manque de sécurité avait entraîné la fin anticipée de la fiesta. Idem à Pau, comme le confiera au procès un ancien stagiaire qui avançait bagarres et vols alors que 4 000 personnes étaient venues devant une salle ne pouvant en contenir que 2 500. À Perpignan, des factures avaient été impayées et un incendie s’était déclaré dans un des palmiers de décoration à Strasbourg.
À deux reprises, Borgia Bafounta s’était vu refuser une licence d’organisateur de spectacles.
Le 26 septembre 2005, cinq prévenus comparaissent devant le tribunal de Brest pour « homicides et blessures involontaires » : Borgia Bafounta ; Jacques Moal, directeur de la Sopab, société d’économie mixte chargée de l’exploitation du parc des expositions de Penfeld ; Jacques Sévellec, directeur général de la Sopab (gestionnaire du parc de Penfeld) ; Joël Inizan, responsable de l’agence de sécurité Poséidon Protection ; Éric Crignon, bras droit de ce dernier.
D’abord condamné à deux ans de prison ferme, Borgia Bafounta écopera d’une peine moins lourde en appel : dix-huit mois, dont douze avec sursis. Idem pour Joël Inizan. Des peines confirmées en cassation, en 2007.

Pour les trois autres prévenus, la cour d’appel de Rennes aura également été moins sévère : relaxe pour Jacques Moal (condamné néanmoins à 20 000 € d’amende ; en première instance, il avait écopé de dix-huit mois avec sursis), Éric Crignon (condamné en première instance à six mois avec sursis) et Jacques Sévellec (mais avec une amende de 2 000 € confirmée en appel).

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