« À la sortie du boulot, on se retrouve avec les copains pour une partie de volley sur la plage, le week-end, on part se balader en montagne et quand on a trois jours, on est à Ibiza… C’est difficile de se plaindre. » À la fin de ses études de commerce, Clémentine avait décidé de tenter sa chance à Barcelone, « pour une sorte d’Erasmus prolongé, sans vrai plan d’avenir », dit-elle. Quatre ans plus tard, elle y est toujours. Elle travaille pour l’entreprise Payfit, spécialisée en softwares de gestion des payes et ressources humaines. « Un travail sans prise de tête, mais qui me va bien », assume-t-elle.
Dans l’est de Barcelone, l’ancien quartier industriel de Poblenou est devenu la Mecque des start-up venues s’installer dans les anciens ateliers, usines et entrepôts transformés en lofts. On circule en trottinette et les cafétérias servent du thé matcha. Et on entend de plus en plus fréquemment parler français.
« C’est vrai que nous sommes nombreux à nous installer dans les parages », reconnaît Philippe de la Chevasnerie, le cofondateur de Papernest, une jeune pousse qui se propose de simplifier en quelques clics les démarches administratives liées aux déménagements. Née à Paris en 2015, la petite entreprise a choisi de déplacer une bonne part de ses activités à Barcelone en 2018, à la recherche de plus d’espace et de moindres coûts. Son expansion se poursuit et elle a inauguré, il y a quelques mois, ses nouveaux locaux dans une ancienne fabrique de toile de jute. « L’avantage, c’est qu’il est facile de recruter sur place ou bien de décider des gens à venir, Barcelone est un argument en soi, explique-t-il. Ici, le marché du travail est plus agile et la destination est attrayante. »
Avec du soleil, un écosystème dynamique, un marché de l’immobilier assez abordable et un rythme de vie agréable, Barcelone séduit les fous de la tech des entreprises émergentes. Et la future loi espagnole sur les start-up qui entrera en vigueur au 1er janvier prochain devrait ajouter à ses charmes, avec une simplification des procédures pour la création des sociétés et des règles fiscales mieux adaptées. S’y ajoute aussi la nouvelle formule d’un visa sur-mesure pour les nomades numériques, cette frange de jeunes professionnels qui ont choisi de télétravailler depuis les quatre coins du monde, avec une préférence pour les lieux exotiques et les bords de mer au soleil.
Barcelone figure déjà en bonne place dans les listes de ces destinations et elle devrait sans doute gagner quelques points avec cette nouvelle loi. « On attend de voir le texte définitif, mais il pourrait répondre à un vrai problème pour les entreprises basées ici, qui se heurtent à des problèmes de procédures interminables quand elles veulent embaucher des non-Européens », estime Guillaume Rostand, président de l’association de la French Tech à Barcelone. « Mais pour les entreprises administrativement enregistrées en France, la loi ne changera pas grand-chose », calcule-t-il.
La cité est régulièrement désignée parmi les meilleurs écosystèmes d’Europe avec Paris, Berlin ou Amsterdam, souligne Lluis Juncà, le directeur général d’innovation du gouvernement catalan. « Ici, un tiers des professionnels de la tech viennent d’ailleurs. La ville est devenue le grand hub innovant en Europe du Sud. »
Si Barcelone est attractive pour les jeunes entrepreneurs, elle l’est plus encore pour ceux qui arrivent de l’Hexagone. Pour eux, à tous les atouts de la ville s’ajoute celui du voisinage de la France, à 160 kilomètres de là. Au départ, dans les années 2000, ils y étaient simplement venus profiter du coût du travail plus avantageux pour développer des services clientèle ou des call centers. « D’autant qu’il leur était facile d’embaucher sur place, parmi les jeunes Français, jeunes diplômés, plutôt polyglottes et flexibles, qui après leurs études passent quelques années à Barcelone avant de se lancer dans leur carrière professionnelle », précise Guillaume Rostand.
De fil en aiguille, certains sont restés, d’autres entreprises se sont implantées, pour y développer des activités de plus en plus qualifiées. Pour l’Espagne, la question est de savoir s’il est envisageable de démultiplier cet effet Barcelone, et de développer d’autres pôles d’innovation attractifs. Avec la pandémie, l’intérêt pour le Sud s’est accentué, et le développement du télétravail a fait le reste. En Andalousie, la ville de Malaga est particulièrement active et les îles Canaries sont très prisées par les nomades numériques et par les salariés en distanciel venus du nord de l’Europe pour chercher le soleil en hiver. Mais reste à savoir s’il sera possible de retenir les oiseaux de passage.

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