Le jeune guinéen n'avait que 15 ans lorsqu'il a été obligé de quitter son pays, avec sa copine enceinte, également adolescente. Après un périple entre la Guinée et le Maroc, il a embarqué sur un petit bateau gonflable,  avec 68 autres migrants,  dans l'espoir de rejoindre l'Europe. Aujourd'hui, il travaille au restaurant le Coq de la place, à Rodez. 
" Je suis issu d'une famille pauvre. Mon rêve n'était pas de venir en France. Chez nous en Guinée, il est réservé à ceux qui ont de l'argent", explique  Bachir Sow, qui a trouvé un poste de serveur au Coq de la place, à Rodez. 
Il avait 15 ans, à Conakry, la capitale de la Guinée. Il finissait son année au collège, dans l'enseignement privé, grâce à ses bons résultats et notamment à un classement dans un concours en langue française. Pour un enfant qui n'avait jamais vu la France et qui n'avait pas de quoi se payer des livres, cela relevait du miracle. Il  fréquentait sa petite copine, Saran Kaba (âgée de 15 ans aussi). La jeune fille qui se destinait à une carrière dans le médico-social, était en réalité promise à un homme beaucoup plus âgé qu'elle. Mais amoureuse de Bachir et têtue, elle tient tête à son père qui accuse, à son tour le jeune homme. "Il m'a menacé de mort, moi et ma famille", se souvient Bachir Sow, les yeux emplis de peur. 
Le père de Saran Kaba est puissant. Il est militaire. Il ne compte pas s'amuser longtemps, ni avec la parole donnée à son futur gendre, ni avec l'honneur de la famille. Face à une ultime menace, la mère de Bachir donne toutes – et ses maigres  économies à son fils, lui enjoignant de quitter le pays. "J'ai appelé ma copine. Elle a pris quelques affaires et nous sommes partis", raconte-t-il. Saran Kaba est à ce moment-là enceinte de quatre mois. 
L'argent servira  à payer les transports. Direction le Sénégal, la Mauritanie et le désert marocain, avant de retrouver la grande ville, Casablanca et Tanger. Entre le Sénégal et la Mauritannie, les adolescents sont régulièrement rackettés. Au Maroc, la police les repousse régulièrement de la frontière. Ils y reviennent, rôdent et finissent par trouver un moyen de quitter la porte de l'Afrique. "On était plusieurs à vouloir quitter le continent. On s'est cotisé pour payer un passeur et acheter un zodiac", confie-t-il.  
Saisissant une opportunité, le jeune couple embarque, avec  68 personnes sur un petit bateau gonflable. "On se relayait pour ramer. Et dès qu'on avait passé les eaux territoriales marocaines, on était soulagé. Les Espagnols ne pouvaient plus nous refouler". L'appel du large finit par devenir réalité. Le "Salvamento Maritimo", le service espagnol de secours en mer arrive.
"Boza, boza !", crie de joie Saran Kaba, comme un soulagement. Mais un soulagement de courte durée. La police espagnole les sépare. Les foyers pour migrants ne sont pas mixtes. Lui est envoyé à Cadix, elle à Llena. Ils restent cependant en contact. "Nous avons commencé à apprendre l'espagnol. Mais nous n'étions pas à l'aise avec la langue. On préfère le français, car on le parlait déjà en Guinée. Nous avons demandé à l'équipe qui nous encadrait de pouvoir partir vers la France", dit-il. 
Les voilà repartis pour une autre destinée. Bayonne, Toulouse, Bordeaux…L'argent vient à manquer. Ils décident de s'arrêter et de rejoindre une petite ville. "Nous sommes arrivés à la gare de Rodez. Ma copine vomissait ses tripes. Un homme a pris  connaissance de notre situation et nous a indiqué le 115", se souvient Bachir. Ensuite, il  a fallu réaliser toutes les démarches administratives, passer devant le juge des enfants, avant la prise en charge par le service départemental des mineurs non accompagnés. 
Mais Bachir ne se plaint pas. Il est heureux d'intégrer un lycée technique en Prépa pro, à Mende. À Rodez il n'y avait pas de place dans les foyers, à ce moment-là. Il entre ensuite en apprentissage au centre de formation. Durant deux ans, il alterne l'école et la restauration. "J'ai obtenu mon CAP et j'ai trouvé tout de suite trouvé un CDD", ajoute-t-il en souriant. Entre-temps, le couple accueille leur premier bébé. Ils attendent un deuxième, aujourd'hui. 
Saran Kaba avait aussi des aspirations professionnelles. "Elle voulait absolument devenir aide-soignante et rêve d'entrer à l'hôpital de Rodez". C'est pourquoi, ils décident de reprendre leurs valises, pour revenir sur l'Aveyron. Aujourd'hui,  Bachir travaille comme serveur,  au  restaurant le Coq de la place. Benjamin Bergès, le patron des lieux l'a embauché en CDI et l'a aidé à trouver une location. 
"Avec le recul je me dis :  j'étais vraiment inconscient. J'allais me faire tuer. Si j'avais été plus mature, je n'aurais peut-être jamais fait tout ça. Mais est-ce que j'avais le choix ? Le père de Saran voulait me tuer !", redit-il dans un souffle. 
S'il ne peut revenir à Conakry pour l'instant, le jeune homme aide sa mère restée au pays, et son plus jeune frère, étudiant. "Je lui ai dit que partout où tu seras, tu auras toujours besoin d'une éducation.", assure-t-il dans un sourire éclatant. Quant à sa femme (le couple s'est marié), elle a réussi son CAP, petite enfance  et n'a pas abandonné l'idée de devenir aide-soignante. 
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