L’augmentation du taux de crédit a contribué à la baisse des transactions immobilières. (Magali Cohen/Hans Lucas.AFP)
«Il s’est enfin passé un truc dans l’immobilier», a répété Charles Marinakis, le président de Century 21 France à l’occasion d’une conférence de presse organisée ce mardi, à Paris, pour faire le bilan de l’année 2022 du marché immobilier. «C’est l’année du retournement du marché», a-t-il affirmé. Le plus grand réseau d’agences de l’hexagone a ainsi confirmé un net recul de 4 % de son activité immobilière, à savoir du nombre de transactions réalisées par ses franchisés. De quoi présager un déclin des prix en 2023.
Pourtant, à l’échelle du pays, les prix moyens au mètre carré ont encore bel et bien augmenté l’an passé. Ils ont atteint 2 619 euros pour les maisons (+7,1 % par rapport à 2021) et 4 288 euros pour les appartements (+4 % par rapport à 2021). Mais le nombre de transactions a, lui, chuté, tout particulièrement pour les maisons (-8,2 %). Un chiffre qui explique, pour Century 21, le fort recul de l’activité immobilière en 2022. Et qui montre surtout qu’à un niveau de prix encore très élevé – notamment dans les grandes métropoles – les acheteurs commencent à se faire plus rares, entre inflation et inquiétudes pour l’avenir, hausse des taux et net resserrement des conditions de crédit.
Paris n’est cette fois pas épargné par le retournement du marché. Les prix moyens au mètre carré sont déjà passés à deux reprises sous la barre symbolique des 10 000 euros en septembre et en novembre. Et sur l’année 2022, le prix moyen des appartements a connu, à partir du mois de juin, une chute de 2,4 % par rapport à 2021 pour atteindre désormais 10 339 euros le mètre carré. Ce qui reste encore très cher. En Ile-de-France, l’activité immobilière est aussi en net recul (-6 %). La Seine-Saint-Denis, où les prix sont les moins élevés de la petite couronne, fait cependant exception : les transactions y ont augmenté de 2,2 % et le prix moyen d’un appartement a baissé de 4 % par rapport à 2021 (4 185 euros le mètre carré). Dans les Hauts-de-Seine, département le plus cher de Paris, les prix moyens ont également baissé : de 5,8 % (6 627 euros) pour les maisons et de 1,7 % pour les appartements (7 415 euros).
«L’Ile-de-France est une photographie subjective du marché immobilier», décrit Charles Marinakis. La tendance qu’elle connaît pourrait ainsi s’étendre progressivement dans les autres régions. Pour ce dernier, «donner des prix au mètre carré annuel n’a plus de sens». En effet, si l’on observe l’évolution annuelle des prix moyens au mètre carré des appartements en France, on passe de 3 878 euros en 2021 à 4 288 euros en 2022. Mais du côté de l’évolution mensuelle, Century 21 observe un pic à 4 480 euros en juillet, descendu à 4 167 euros en décembre. Soit une baisse de 2,4 %. Le plafond de verre aurait-il été atteint ? Pour Charles Marinakis, cela ne fait aucun doute.
S’il pourrait avoir été atteint à Paris, ce n’est pas encore le cas sur le reste du territoire : «Il n’y a pas un, mais des marchés immobiliers», avec de fortes disparités, rappelle le président de Century 21. Cela se vérifie en régions. Au sud-ouest de la capitale, l’attractivité est toujours forte. Particulièrement à Chartres (Eure-et-Loir), où le prix moyen au mètre carré a connu une forte hausse, que ce soit pour les maisons et les appartements (respectivement de 15,6 % et 9,7 %). Dans le Rhône ou en Gironde, départements où l’activité immobilière est en baisse, les prix ont aussi augmenté entre 2021 et 2022 (entre 2,5 % et 7,7 %). Quant aux départements du Sud, les plus éloignés de Paris et les plus ensoleillés, les prix ont explosé. Dans l’Hérault par exemple, le prix moyen au mètre carré a bondi de 15,5 % pour les maisons et 10,8 % pour les appartements.
D’après les prévisions de Century 21, les prix pourraient chuter de 5 à 7 % au niveau national en 2023, et le nombre de transactions baisser de 3 à 5 %, par rapport à 2022, autour de 1 050 000 de ventes. Les raisons de cette bascule du marché sont multiples : l’augmentation du taux de crédit d’abord, proche de 2,50 % sur vingt ans. Le télescopage avec le taux d’usure (taux maximum légal du crédit immobilier) ensuite : ce dernier a finalement été augmenté par la Banque de France et est passé au 1er janvier de 3,05 % à 3,57 % pour un emprunt de vingt ans et plus. Une augmentation tardive pour Charles Marinakis. Enfin, la crise énergétique et les «contraintes de mise en conformité énergétique» dues à la loi climat font aussi partie des explications de ce retournement du marché immobilier.
«C’est un dispositif louable», explique Charles Marinakis, en référence à la progressive interdiction des passoires énergétiques. Mais c’est plutôt le calendrier imposé par la loi qu’il remet en cause, s’appuyant sur le manque d’artisans disponibles pour rénover les logements. Pour autant, le président de Century 21 France minimise les conséquences de cette loi sur le marché immobilier : «Les vendeurs ne semblent pas prêts à décoter des biens sous motif qu’ils sont classés F ou G» au diagnostic de performance énergétique. «Il n’y a pas de drame, nous allons passer d’un marché de la valeur à un marché du prix.» Et d’ajouter : «La vraie problématique, c’est la disparité entre la demande et l’offre.» Autrement dit la capacité d’emprunt des acheteurs qui s’éloigne de plus en plus des prix auquel se cramponnent encore les vendeurs.
© Libé 2022
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