Des participants à la sixième marche fesses nues sur la plage de Zandvoort au Pays-Bas, le 27 août 2006. (Photo Cynthia Boll. AFP)
Le conseil de Paris a voté lundi un vœu du groupe écologiste d’expérimenter un espace ouvert aux naturistes dans la capitale. Que les mères-la-vertu se rassurent, personne ne devrait a priori se promener zizi à l’air au marché aux fleurs, ni sortir tous nichons dehors prendre un verre en terrasse. Un espace dédié, probablement dans un parc, sera déterminé pour installer cette zone de naturisme. L’occasion de faire un point sur cette pratique.
Selon le site de la Fédération internationale naturiste«le naturisme est une façon de vivre en harmonie avec la nature, caractérisée par la pratique de la nudité collective avec l’intention d’encourager le respect de soi-même, le respect des autres et de l’environnement». L’intérêt de cette pratique, précise Yves Leclerc, chargé de communication de la Fédération française du naturisme, est aussi de faire tomber les barrières sociales : «Le vêtement est un marqueur social. Le banquier ne les achète pas dans le même magasin que l’ouvrier. Quand on s’en débarrasse, on est tous faits pareil, deux bras, deux jambes, un tronc, une tête.»
Deux millions de Français sont des pratiquants réguliers, soit dans le cadre associatif, soit pendant les vacances. Il faut ajouter à cela deux millions de touristes étrangers, qui viennent profiter des 460 espaces naturistes de France. Parmi ces espaces, 155 sont des campings commerciaux, 155 des associations qui possèdent un camping ou un terrain de loisirs, et 73 plages (au bord de la mer ou de lacs) autorisent le naturisme. «Il y a moyen de pratiquer partout en France, sourit Yves Leclerc, il y a par exemple 3 plages naturistes dans le Cotentin !»
«La France, c’est la première destination naturiste mondiale ! explique-t-il encore. On a deux côtes, Atlantique et Méditerrannée, qui sont assez emblématiques du tourisme en Europe. Le naturisme s’est développé surtout dans les campings, ça tient au climat. Et puis il y a quarante ou quarante-cinq ans, l’Etat s’était préoccupé du développement touristique parce que les gens partaient plutôt en Espagne. Il fallait les retenir. C’est comme ça qu’est née la mission “Racine”, d’aménagement du littoral du Languedoc-Roussillon, et cette mission avait décidé qu’il fallait faire une place au naturisme. Le Cap-d’Agde [Hérault, ndlr] ou Port Leucate [Aude] se sont développés à ce moment-là.»
Quant au profil des naturistes, il est difficile à établir, justement parce que «lorsqu’on est nu, on ne sait pas si vous êtes PDG ou ouvrier !» selon Yves Leclerc, pour qui, à moins de repérer si les gens roulent en Twingo ou en BM, vous ne pourrez pas déterminer l’origine sociale des pratiquants. «Il y a 1 % d’agriculteurs mais la statistique n’a pas été refaite depuis longtemps. L’été, ils ont les moissons, mais il y a beaucoup de personnes du corps enseignant, qui ont de longues vacances… Il y a aussi des banquiers et des routiers qui prennent l’apéro ensemble et qui ne le savent pas !»
On ne remontera pas jusqu’à Adam, Eve, la pomme, le serpent, la faute, la honte, tout ça, mais l’idée que la nudité est à cacher est bien ancrée dans notre société. Slate rappelle que «des thèses anthropologiques montrent que l’être humain, contrairement aux autres animaux, a choisi de s’habiller. Pour avoir moins froid, peut-être. Mais aussi pour ne pas être perpétuellement tenté par le désir sexuel». Selon l’article 222-32 du code pénal, qui ne date donc pas de l’Antiquité, «l’exhibition sexuelle imposée à la vue d’autrui dans un lieu accessible aux regards du public est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende».
Mais qu’est-ce qui différencie l’exhibition de la simple nudité ? C’est aux juges d’apprécier le contexte, selon Slate : si montrer son sexe est considéré comme de nature sexuelle pour les hommes comme pour les femmes, il n’en est pas de même pour les torses, par exemple, ceux des femmes étant vus comme potentiellement excitants contrairement à ceux des hommes (et on se demande toujours pourquoi). Dans certains contextes, comme lors de manifestations, les personnes se montrant seins nus ne seront pas verbalisées. Le reste du temps, à Toulouse ou à Paris, par exemple, vous en serez quitte d’une amende de 38 euros si vous vous baladez seins nus ou en string.
Oui. A Paris, cela existe même déjà : on peut, sur certains créneaux horaires, se baigner nu à la piscine Roger Le Gall, dans le XIIe arrondissement, mais c’est un peu contraignant puisqu’il faut passer par l’Association des naturistes de Paris. Dans d’autres villes européennes, notamment en Allemagne, la pratique du naturisme est plus répandue : à Munich, où la pratique a été légalisée en 2014, ou Berlin, des espaces, non pas réservés aux naturistes mais où les personnes habillées et dévêtues cohabitent, sont prévus dans des parcs. Selon la correspondante du Point à Berlin, les habitants de la capitale allemande sont autorisés à se déshabiller quand le thermomètre dépasse les 25°C, et une partie du lac de la ville est réservée aux naturistes. Pas étonnant que les photos d’Angela Merkel pratiquant elle-même le naturisme dans sa jeunesse n’aient guère ému outre-Rhin.
A Barcelone, où la mer et le sable s’invitent jusque dans la ville, la plage de Mar Bella dispose d’un segment naturiste, accessible en métro. En Suède aussi, certaines villes disposent de plages naturistes à peine éloignées du centre. A Malmö, il est autorisé d’être seins nus à la piscine, rappelle Madame Figaro. A Stockholm, la plage de Frescati, située près de l’université, est ainsi mixte. La Suisse, elle, n’a pas de législation pour tout le pays ; ce sont les règlements municipaux qui prévalent. A Bâle ou à Genève, il n’est pas interdit de se promener nu, tant qu’on ne s’exhibe pas ou qu’on n’importune personne, selon le Matin. Par ailleurs, s’il n’y existe pas formellement de zone accessible aux naturistes en ville, certains pays comme le Royaume-Uni ne considèrent pas la nudité comme délictuelle.
© Libé 2022
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