Romain Granal et Jordi Pleindoux sont là, attablés, à siroter l’un une bière, l’autre une eau gazeuse. Ils se connaissent depuis quinze ans, ont livré tant de batailles ensemble, chez les jeunes à l’USAP, jusqu’à ce titre Gaudermen en 2009. Et dimanche, les deux potes de 33 ans, vont disputer leur premier match face à face. Pour un derby gourrmand, SCR-ESC à Canet-en-Roussillon ce dimanche 13 novembre (15h). Rencontre tout en tendresse et complicité.
Quels sont les qualités et défauts de l’autre ?
J.P. : En fait Romain, a tout ce que je n’ai pas.
R.G. : "Doody" (le surnom de Jordi Pleindoux, référence à un dessin animé), est un peu borné, mauvais perdant. Il a un côté solitaire, il fait sa vie, mais ça ne me gêne pas.
J.P. : C’est vrai que Romain est un peu le ciment de cette génération USAP 2009. C’est lui, avec Gilles Arnaudiès, qui organise chaque année notre repas "Tapis", du nom de ce restaurant en Espagne où nous retrouvons tous, les Pull, Barcia….
R.G. : Jordi, c’est un romantique, un poète. Il a Bac + 5 en histoire de l’art, dans le rugby où on voit ça. Un doux rêveur. Me revient en mémoire avant la finale Reichel, où dans le vestiaire, il était allé voir un coéquipier un peu touché par l’enjeu du match en lui disant, "mais tu sais il y a pire dans la vie, regarde on est en bonne santé".
J.P. Allez on sort les dossiers je vois. C’est fou, ça fait quinze ans cette histoire, et chaque année on rajoute une phrase à cette simple phrase. "La famine en Afrique", "le tremblement de terre en Haïti"… C’est le jeu quoi.
R. G. : Pour en revenir au joueur qu’il est, Jordi est un travailleur. Un gars sur qui on peut compter dans le combat. Une grosse activité. Une vraie tondeuse.
J. P. : Sur un terrain, je suis admiratif de son explosivité. Sur un placage, il peut faire basculer un match. Quand nous sommes champions Gaudermen avec l’USAP en 2009, en quart de finale contre Bourgoin, je revois ce "8" lancé comme un obus qui prend un de ces placards. Il l’a éteint. Il nous a remis dans le sens de la marche. C’est un talonneur sécurisant, très solide aux lancers. E puis dans la vie, il est fidèle, loyal, fédérateur.
Jordi, à l’intersaison, il n’avait pas été question de signer à la Salanque CR ?
J.P. : J’avais rencontré, avec Romain, le président Louis Carles qui recherchait "des tauliers pour la saison en Fédérale 2". J’ai alors signalé au président qu’il en avait un là, dans la pièce en désignant Romain, qui, lui, hésitait à poursuivre sa carrière. "Ok, c’est bon je rempile une saison" lui a-t-il alors lancé. Du coup, là, j’ai quelque part contribué à sa resignature, même si, personnellement, je suis parti sur un autre projet pour des raisons professionnelles.
R.G. : C’est vrai que j’ai hésité. Lors de la finale de Fédérale 3, mon corps m’a lâché. La saison avait été longue et éprouvante. Aujourd’hui, je ne le regrette pas. La Fédérale 2 me convient mieux. C’est plus propre. Davantage de défi physique.
J.P. : C’est vrai qu’à nos âges, on préfère le frontal plutôt que la vitesse.
Vous fréquentez-vous beaucoup aujourd’hui ?
R.G. : On se voit plus souvent oui. Je l’ai aidé à déménager en pleine féria de Céret, à 8 h du matin vous imaginez. Il m’a fait ça. Cela aurait été sympa de finir ensemble à la SCR, mais que voulez-vous il a privilégié les étoiles aux potes.
Comment imaginez-vous ce derby ?
J. P. : Ce sera mon tout premier, un vrai baptême à 33 ans. Ce sera serré c’est sûr. Un révélateur de l’état d’esprit de cette équipe. Il nous faut nous resserrer, nous retrouver collectivement. Au-delà du résultat.
R.G. : (en regardant son portable) : Nous avons un groupe whatsapp avec Romain Anglade (Prades). On a commencé à se chambrer il y a une dizaine de jours déjà. Je lui ai dit de faire attention à ses mollets. Mais, pour en revenir au match, nous sommes à la maison, comme contre Prades, interdiction de perdre. Ce sera un match ouvert, c’est sûr. Mais victoire du petit promu sans grand moyens 28-23.
Et ce premier placage entre potes ?
R.G. : Il n’y en aura pas, nous avons signé un pacte de non-agression (rires).
J.P. : Arrête "Grano" (le surnom de Romain Granal), si nos présidents lisent ça…
R.G. : Vieux comme nous sommes, on se préserve maintenant. Je ne vais pas taper contre caillou non plus. Ce qui est sûr, c’est que j’ai davantage de chance que lui de prendre un "cul".
J.P. : Tu parles, tu es plus malin que moi. Moi je suis un naïf.
Vous ne vous êtes jamais perdus de vue ?
R.G. : Non, nous sommes toujours restés en contact même quand il est monté à Paris faire sa carrière. Après l’USAP, quand il avait signé à Narbonne, nous allions, avec Romain (Anglade) le voir joué à domicile. Après chaque match, nous allions manger au restaurant chinois, tu te souviens ?
J.P. : Et comment.
R.G. : Quand le patron voyait arriver Jordi, il se disait pas lui. Il dévorait tout. Il lui mangeait tout le bénéfice.
Qu’est ce qui a forgé votre amitié ?
J.P. : On se connaissait des sélections du Roussillon déjà. Dès les minimes. Moi j’arrivais de Cérét, lui de Sainte-Marie. Et puis nos années USAP ont fait le reste. Avec Romain Anglade, originaire de Codalet, on formait la Triade. Pourtant, nous débarquions tous d’horizons différents. Et puis nous avons partagé pas mal de tournées, aux Fidji, en Italie, en Irlande… Ensemble, nous avons disputé quelques finales aussi.
R.G. : Notamment celle des Gaudermen en ouverture de la finale de la Pro D2 à Toulouse (Albi-Dax). Face au Stade Français qui nous avait battus une semaine auparavant lors d’une autre finale. Ce jour-là, tu te souviens, nous n’avions pas pu jouer avec nos maillots, mais avec ceux du Stade Toulousain. Une semaine plus tôt, les Parisiens nous avaient dominés à Brioude et le club leur avait offert leur tunique rose, comme c’est de coutume. Et du coup, ils nous sortent leur tenue bleu. Comme nous. Et comme nous étions le club le plus proche géographiquement, c’est nous qui devions trouver un autre jeu de maillots. Voilà pourquoi nous avons été titrés, 37-12, en portant les couleurs toulousaines. En face, c’était pourtant la grosse équipe avec les Camara, Valençon, Slimani, Bezy, Flanquart…
J.P. : Et c’est amusant mais ces gars-là, on les retrouve aussi en finale de sélection île de France la même année. 8-8, titre partagé. A l’USAP, nous n’avions pas une génération exceptionnelle dirigée par Philippe Cadenat et Dominique Drevet, mais soudée et homogène. La preuve nous avons eu de bons résultats, avec trois finales et un titre. Peu ont percé, excepté Guillaume Namy. Romain, lui, aurait pu devenir un joueur de Pro D2, facilement. Il avait le potentiel. Sinon, personne n’avait le niveau Top 14. Nous n’étions pas invités. L’USAP n’avait pas besoin de nous. C’était aussi l’époque où il n’y avait pas de Jiff, le monde pro s’articulait sur un jeu très physique. Nous avons tous atteint une maturité sportive assez tardivement.
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