Lire le
journal
Lire le
journal
Se connecter
Voyageuse. Artiste. Une vie à agir pour la culture et à côtoyer des monstres de la chanson
Sur les photos anciennes, le papier a un peu jauni. Les couleurs reprennent quand Françoise Miran raconte – un bout – de sa vie. Une vie millefeuille. Mille vies. Dans le bureau de son association « Les Alizés », aux studios de la Victorine, les clichés s’étalent sur les murs. Des instantanées où on la voit se « bidonner » avec Claude Nougaro avec qui elle faisait « la java jusqu’à 6 h du matin ». D’autres où elle joue de l’accordéon. Dans un coin, des dessins de Georges Moustaki sont presque cachés.
Et puis, un manuscrit, « L’inoxydable aventureuse », posé sur son bureau. C’est son autobiographie qui vient d’être publiée aux éditions l’Harmattan (1). « J’adore cette maison d’édition car elle emmerde tout le monde ». À 76 ans, cette femme a des convictions fermes. Et un esprit de révolte qu’on attribue plutôt aux gens de 20 ans.
Françoise Miran a soif d’idéal. Un idéal sociétal. Politique. Un idéal artistique surtout. « Dans tous les festivals, tout le monde passe la même chose », déplore-t-elle. Et les festivals, elle connaît bien.
En 1984, le festival brésilien débarquait aux arènes de Cimiez, à la demande du maire Jacques Médecin dans le cadre du centenaire du carnaval. Elle se charge de la programmation artistique. Quelques années auparavant, elle découvre le Brésil et tombe littéralement amoureuse du pays. Une passion qu’elle veut importer à Nice. Elle fait, entre autres, venir Gilberto Gil.
« C’était la folie ! Nous avions organisé la venue de 80 musiciens. Autant de danseurs de l’école de samba. Des colloques, des expositions etc. Le succès a été gigantesque ». Un festival qui n’a connu qu’une édition. « Il était programmé à quelques jours du festival de jazz, donc en – soit-disant – concurrence. Nous avons reçu d’énormes pressions ». Clap de fin. Pas du genre à baisser les bras. L’année d’après, c’est à Juan-Les-Pins que le « meilleur de la culture brésilienne » laisse son empreinte. Puis à Châteauvallon.
En 1994, elle est à l’initiative du Off du Festival de jazz niçois. « La création du off, c’est moi ! Pas les autres », dit-elle dans un sourire enfantin. « J’ai râlé pendant 20 ans parce qu’il ne se passait rien dans les rues. Le jour où la grande vedette Santana était à l’affiche, un grand bal cubain était donné sur la place du Palais de justice ».
Oui, parce qu’entre-temps, cette pasionaria de culture d’Amérique Latine est allée à Cuba, « sans piston », insiste-t-elle. 1 994. C’est cette année-là que son association « Les Alizés » s’installe dans les locaux de la Victorine. Vestige de la période éclatante des coulisses du Festival jazz. Puis en 1997. « C’est la rupture ».
Elle gardera son local de travail. Les Alizés ? Un nom évocateur. D’abord parce que Françoise Miran est un tourbillon. Tourbillon de fraîcheur. Tourbillon de mots. Toujours en mouvement. « En vadrouille », comme elle aime le dire. Ensuite parce que c’est un clin d’œil sentimental à ses origines créoles, puisque née d’une mère antillaise. Son papa, originaire de Bretagne était médecin de marine.
De fait, « mon enfance a été voyageuse. Un jour, ma mère a décidé qu’on ne bougeait plus ». Direction Toulon. « Je voyais mon père pendant les vacances ». Son goût pour l’évasion ne la quittera pas. C’est ce qui conditionnera sa vie entière. Son bac en poche à 15 ans et demi, elle suit des études en hypokhâgne à Toulon, puis à Nice dans une école de tourisme. Elle monte à Paris « mariée mais sans projet professionnel précis ».
Elle donne naissance à son premier enfant, Patrice, l’année de ses 21 ans. Didier puis Corinne vont naître dans la foulée. C’est, notamment, dans la capitale qu’elle fait la connaissance de Georges Moustaki, lors d’une soirée anniversaire d’amis en commun. « On a très vite sympathisé ». Une amitié qui durera toujours. Elle fait aussi la rencontre d’un certain Léo Ferré, dont elle garde une admiration folle. « Notre relation a été moins proche, mais il y avait énormément de respect ».
En mai 2013, elle dit adieu à son métèque. « Après son décès, j’ai pensé que beaucoup de choses allaient être organisées à Paris pour lui rendre hommage. Cela n’a pas été le cas ». Ni une, ni deux, elle organise, dans la région, des concerts par-ci, des expositions par-là.
« C’est vrai que beaucoup d’amis à moi sont décédés », lâche-t-elle. Silence intense. « Oh et puis ces derniers mois, ils tombent vraiment tous comme des mouches ! ».
Françoise Miran, c’est ça. Une sorte de détachement constant. À contre-courant. À contretemps. Côté vie privée, en revanche, elle n’est pas très bavarde. Son époux, travaillera dans une société multinationale. Elle le suit et débarque à Nice. Puis, accepte un poste dans l’industrie pharmaceutique. Un métier qu’elle exercera pendant 19 ans. Elle y rencontrera, notamment, Jean-Claude Viodé, collègue, devenu ami. « C’est une femme de conviction, courageuse qui se bat pour faire ce qu’elle veut », explique-t-il. Sa passion est ailleurs, de la musique au 7e art, elle enchaîne les petits rôles ; comme dans Les félins, au côté d’Alain Delon ou encore Est-ce bien raisonnable de Georges Lautner. « Avec les cachets de l’époque, j’aurais pu m’acheter une machine à laver mais ça m’a payé un voyage au Brésil ». Aujourd’hui, Françoise Miran estime avoir « fait le tour de la culture latino ». Pour autant, elle n’est pas dépourvue de projets : elle va mettre sur pieds un événement « Joseph Kosma ». Son court-métrage relatif au livre qu’elle a rédigée en 2009 « Un voyage historique avec le Che » a été selectionné pour la compétition « Regard indépendant ». Françoise Miran, ne regarde pas dans le rétro. Elle a ce passé qui la nourrit. Une nostalgie joyeuse – sans une once de regret ou de mélancolie.
Un sentiment, difficilement traduisible, cher aux pays d’Amérique Latine : la saudade.
SAHRA LAURENT
“Rhôooooooooo!”
Vous utilisez un AdBlock?! 🙂
Vous pouvez le désactiver juste pour ce site parce que la pub permet à la presse de vivre.
Et nous, on s’engage à réduire les formats publicitaires ressentis comme intrusifs.

source

Catégorisé: