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Il est encore tôt à la terrasse du café, en face de l’église de Craponne-sur-Arzon. La lumière matinale fait briller d’un éclat vif la croix en fer forgé qui trône sur le parvis.
8 h 30, les cloches se mettent à sonner. Quelques fidèles poussent la porte de l’édifice religieux pour assister à la messe du jour, célébrée par le Père Patrice Missonnier.
Nous les rejoignons pour cette liturgie qui « va durer une demi-heure », annonce l’homme d’Église, dans son habit d’un vert profond. Avant d’achever son office, le prêtre récite un Je vous salue Marie , respectueusement tourné en direction d’un tableau représentant la Vierge à l’Enfant. Alors que l’église se vide, nous interpellons le Père Patrice Missonnier afin de solliciter une entrevue avec lui. Nous souhaitons en savoir plus sur une fonction bien précise qu’il exerce au sein de l’Église : il est exorciste.
Loin des clichés véhiculés par les films d’horreur
Nous le suivons dans une pièce de la cure au plafond bas, chichement décorée : une banquette, quelques icônes et, encadrant la fenêtre ouverte, des voiles fins ondulant sous l’effet d’un vent chaud. Les chaises et la table en bois autour de laquelle nous prenons place sont sobres, voire spartiates. Tout invite au dépouillement et à l’introspection. Sans préambule particulier, nous commençons notre échange.
Le Père Patrice Missonnier, originaire de Brioude, est ordonné prêtre en 2007 et commence à pratiquer l’exorcisme en 2017, sous l’autorité de l’évêque du diocèse. « L’exorcisme, explique-t-il d’une voix douce, se pratique généralement quand tout le reste a échoué. Nous arrivons en bout de chaîne. »
Loin de nos représentations venues tout droit des films d’horreur, il s’agit en réalité d’un rituel plutôt commun. Et pour le pratiquer, nul besoin de brandir un crucifix au milieu de meubles défiant les lois de la gravité et des obscénités proférés par une adolescente contorsionniste. Le premier des outils est l’écoute.
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Nous faisons ce qui dépend de nos compétences mais, en aucun cas, nous ne pouvons remplacer psychologues ou psychiatres
Le Père Missonnier
La première étape d’un exorcisme consiste à échanger avec la personne en souffrance : « Chaque histoire est différente », affirme le Père Missonnier. Il ne reste d’ailleurs pas insensible à tout ce que les fidèles lui confient : « Les gens qu’on rencontre vivent des situations compliquées, des drames humains très lourds. Bien sûr que ça me touche. »
Heureusement, l’homme d’Église n’est pas seul sur la ligne de front, car l’exorcisme est un travail d’équipe. Dans les séances d’échanges comme de rituels, il est toujours accompagné d’une personne laïque, pour équilibrer. « Jésus envoyait bien ses disciples deux par deux », justifie-t-il avec un sourire bienveillant.
« En fonction de ce que la personne accepte de partager, on arrive à discerner de quel “mal” il souffre, si ça relève de la dimension psychique, psychiatrique ou spirituelle, explique le Père Missonnier. Parfois, les trois sont liées et c’est plus difficile. Nous faisons ce qui dépend de nos compétences mais, en aucun cas, nous ne pouvons remplacer psychologues ou psychiatres. »
Chacun ses clés, et c’est d’ailleurs ce que semblent penser les professionnels du milieu médical, qui n’hésitent pas à envoyer des patients aux prêtres exorcistes : « Parfois, ils estiment que nous pouvons les aider sur les questions relevant de la spiritualité. »
L’exorcisme, « ce n’est pas un sacrement ponctuel mais un cheminement »
Il est tout de même recommandé à la personne souhaitant bénéficier d’un rituel d’exorcisme d’avoir un minimum avancé sur son chemin de foi chrétienne, « parce qu’on demande une aide du Christ par les prières de l’Église. »
Certaines personnes qui font appel au prêtre viennent pour guérir un Mal – au sens chrétien du terme – dont ils sont frappés, comme une malédiction. Dans d’autres cas, la personne ne subit pas ce Mal mais y participe : le Père Missonnier évoque du bout des lèvres le souvenir de l’exorcisme d’une personne ayant versé dans la drogue et les rituels de magie noire.
« Les gens qu’on reçoit, dans 95 % des cas, ne relèvent pas de l’exorcisme au sens fort », tempère l’abbé, même si les prêtres sont formés aux cas d’exorcisme les plus spectaculaires. « Des cas sérieux existent mais je n’en ai jamais vu. L’exorcisme se passe très simplement la plupart du temps », assure le prêtre.

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