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Sesterces, potins, fibules et même silex… Le quinquagénaire écoulait ces morceaux d'histoire sur Le Bon Coin. Il risque gros. D'autant que les policiers niçois ont saisi un stock d'armes chez lui.
«On ne peut pas appeler ça un trésor. Plutôt un pillage… » A travers ce constat acide, Xavier Delestre, conservateur régional de l’archéologie, donne le ton d’une affaire pour le moins insolite. Un dossier qui nous ramène à l’Antiquité, et même la préhistoire.
Sesterces, potins, fibules, silex… Plusieurs centaines d’objets façonnés voilà plusieurs milliers d’années viennent d’être découverts chez un Grassois de 55 ans. Un collectionneur du passé qui risque de futurs ennuis judiciaires.
Ironie de… l’histoire: c’est grâce aux nouvelles technologies que les enquêteurs ont remonté le temps. Plus précisément sur Le Bon Coin, où des objets inhabituels ont attiré l’attention de la DRAC (Direction régionale des affaires culturelles). Des pièces âgées de deux mille ans, lointains vestiges de la Gaule et de la Rome antique.
Deux utilisateurs proposaient ces pièces à la vente. Deux profils administrés, en réalité, par un seul et même vendeur, qui leur avait associé ses nom et prénom. De quoi faciliter quelque peu la tache des policiers. Mais l’enquête s’est aussi appuyée sur un minutieux travail d’exploitation de la téléphonie, des comptes bancaires, de recherches en ligne…
Des fouilles technologiques, en quelque sorte, menées par la section financière de la sûreté départementale, de concert avec l’antenne niçoise du service national des douanes judiciaires, sous la houlette du parquet de Grasse.
Et c’est dans la cité des parfums, précisément, qu’un suspect de 55 ans a été interpellé chez lui la semaine passée. Avec des perquisitions pour le moins fructueuses à la clé.
Dans cette grande maison divisée en deux, l’étage était réservé à l’épouse, tandis qu’un vaste bazar régnait au rez-de-chaussée. Les policiers ont saisi là environ quatre cents pièces antiques en bronze et en argent. Des potins gaulois (monnaies moulées et non frappées), des sesterces romains, façonnés entre le 3e siècle av. JC et le 4e siècle de notre ère. Ainsi que quelques pièces médiévales ou modernes.
Dans cette caverne d’Ali Baba à certains égards préhistorique, les enquêteurs ont encore saisi des fibules, sortes d’épingles à nourrice romaines. Mais aussi des silex datant du néolithique (jusqu’à 10.000 ans av. JC), voire du paléolithique, avec des «bifaces» potentiellement âgés de 300.000 ans!
Au total, ce sont près de cinq cents objets qui ont été saisis. Il faudra du temps à la DRAC pour évaluer leur valeur patrimoniale. La valeur marchande, elle, oscille entre 50 et 200 euros pièce. A l’arrivée, l’affaire risque de coûter cher à leur détenteur. Ce dernier a récolté l’essentiel de ses trophées à l’aide d’un détecteur de métaux, le reste lors de brocantes. Le voilà poursuivi pour vol, recel et vente de biens culturels.
La passion du passé s’est-elle conjuguée à l’appât du gain? Plausible. Reste que ce collectionneur bien particulier s’intéressait en outre à des objets plus modernes: les armes. Il détenait pas moins de treize armes de poing et longues: deux revolvers 22 Long Rifle, un pistolet semi-automatique, un pistolet à poudre noire, un revolver à grenailles, deux fusils de chasse, un flash-ball… et cinq pistolets d’alarme détenus librement. Avec près de 1.500 cartouches pour compléter le tableau.
Ce mercredi, le suspect est retourné s’expliquer à ce sujet à la caserne Auvare. Expliquant ne pas avoir trouvé d’acquéreur pour ces armes. Il a été remis en liberté en attendant les suites de l’enquête, et la décision du parquet de Grasse sur son avenir.
Un cadre législatif strict. Si l’Histoire appartient à tous les hommes, on ne peut s’approprier ses vestiges impunément ! C’est ce que rappelle Xavier Delestre à la DRAC PACA. « Ce dossier est en cours d’étude, on y verra plus clair quand la justice aura tranché, rappelle prudemment le conservateur régional de l’archéologie. Une chose est cependant acquise : « Cette personne détenait de manière illégale des biens archéologiques, résultant pour leur quasi-totalité de fouilles non autorisées. Or, depuis la loi de 1941 validée en 1945, la République française est dotée d’un arsenal législatif, complété en 2004 par le Code du patrimoine. Pour réaliser des fouilles, il faut deux autorisations : celle du propriétaire du terrain et celle du ministère de la Culture. Si on ne les a pas, on est hors-la-loi. » En l’espèce, loin de saluer une heureuse découverte, Xavier Delestre déplore « un acte de délinquance et une perte patrimoniale, ces objets ayant été arrachés à leur site. »
Un vaste éventail de sanctions. Le code du patrimoine sanctionne l’utilisation d’un détecteur de métaux d’une amende de 1 500 e, et des fouilles sans autorisation, de 75 000 e. La destruction, dégradation ou déterioration d’un bien archéologique relève du code pénal. Et là, l’addition peut grimper à sept ans de prison et 100 000 e d’amende. Même tarif pour un vol de bien archéologique. Le recel, lui, est passible de cinq ans de prison et… 350 000 e d’amende. Enfin, le code des douanes réprime l’importation ou exportation par trois ans de prison et une amende équivalant à une à deux fois sa valeur. Avis aux amateurs…
Un trafic très prisé. Derrière les armes et de stups, le trafic de biens culturels est le troisième au monde, rappelle Xavier Delestre. « On y est d’autant plus sensibles dans notre région frontalière avec une façade maritime, et dans le contexte international actuel… » Une référence aux filières terroristes qui, à l’instar de Daesh, se nourrissent allègrement du trafic de vestiges culturels.
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