C’est un peu par hasard qu’ils ont trouvé leur chemin : celui qui les a menés à l’art et à la montagne. Enfant de Corrèze et d’agriculteurs, Bertrand Genier croit sa voie tracée en filière de Physique à Limoges, après un bac scientifique. Une réunion d’information sur les métiers à Brive le fait basculer vers l’école d’architecture de Bordeaux, une trouvaille du hasard « pour rencontrer ma chérie ! » lance-t-il avec un clin d’œil à son alter ego, Marie Bruneau.
La Landaise, avec a un pied dans les Pyrénées par sa maman béarnaise, est passée par un bac philo avant les Beaux-arts de Bordeaux, que Bertrand Genier quitte le temps d’effectuer son service militaire et de surmonter le « différentiel culturel » entre ses condisciples et lui.
Revenu en Corrèze, le diplômé de l’école d’architecture…
La Landaise, avec a un pied dans les Pyrénées par sa maman béarnaise, est passée par un bac philo avant les Beaux-arts de Bordeaux, que Bertrand Genier quitte le temps d’effectuer son service militaire et de surmonter le « différentiel culturel » entre ses condisciples et lui.
Revenu en Corrèze, le diplômé de l’école d’architecture met les choses avec sa famille : « Je vais faire de la création, pas de la construction ! » Marie Bruneau et lui se feront un nom dans le graphisme.
Longtemps fidèles à Bordeaux avant de s’installer à Pau, Marie Bruneau, grande tige mince aux cheveux gris, et Bertrand Genier, haute stature et regard malicieux derrière ses lunettes, créent en 1981 leur atelier de graphisme « Presse papier », qu’ils ferment il y a dix ans qui. Ils « galopent », s’exclame Bernard Genier, entre de multiples projets et des commandes des villes de Bordeaux -beaucoup- de Bayonne -un peu- du parc naturel de Gascogne et d’une poignée d’entreprises.
En 2006, ils dévident dans un premier livre intitulé « Travaux en cours » leur parcours créatif et culturel, qui doit beaucoup dans les années 1970 au CEAPC et à Sygma. Il est ancré dans le graphisme et les images qui « transmettent des pensées ». Leurs « profils complémentaires » facilitent un travail commun enrichi de collaborations avec des sociologues, des architectes… et traversé d’idées qui naissent lors de balades dans les Pyrénées, ce « grand ailleurs » auquel ils ont été initiés par un ami pyrénéiste. Ils phosphorent en marchant, plutôt que de sécher devant la planche ou d’empiler des maquettes.
Chaque mois d’août, ils programment des randonnées et finissent par consacrer un livre à l’une d’elles, effectuée en 2011 d’Hendaye à Banyuls : 55 jours d’ouest en est, sacs sur le dos et itinéraires préparés, ponctués de rendez-vous avec des amis pour faire provision de linge propre et se ravitailler.
Après ce livre « à leur image », qui mêle des extraits de leur carnet de voyage et des dessins de Marie Bruneau, un second ouvrage racontera en seize textes leur parcours du nord au sud, sur le dos de ces Pyrénées « qui séparent et unissent », rappellent-ils reprenant à leur compte « la jolie formule d’Henri Lefebvre ».
Préfacé par Florence de Mecquenem, directrice du Bel Ordinaire à Billère, le livre est primé au salon du livre pyrénéen de Bagnères-de-Bigorre en 2015.
De 2009 à 2015, ce duo de personnalités « atypiques » transmet son expérience et des points de vue parfois différents aux étudiants de design graphique de l’École supérieure des arts de Pau, alors dirigée par Odile Biec. Ils emmènent les étudiants à Bedous et Huesca, partagent avec eux leurs interrogations autour de l’art et de la montagne, incarnées par le britannique Richard Long qui a fait « de la marche un art » et mêle la pratique à la théorie.
L’artiste aux multiples talents est au centre de leur ambitieux projet artistique gigogne « Ici commence le chemin des montagnes » : un titre emprunté à Hanish Fulton, ami de Richard Long : « The way to the mountains starts here ».
Initié en mars 2020 à la Maison de la Montagne par une première exposition à l’élan coupé par la crise du Covid 19, ce projet artistique interrégional met en lumière des images des Pyrénées, transfigurées par le regard de peintres, sculpteurs, écrivains… « Ils nous aident à voir des choses qu’on ne verrait pas sinon… » s’enflamme Marie Bruneau.
Bertrand Genier et elle ont jalonné leur projet de publications, de randonnées, d’un livre réalisé de A à Z, et d’expositions, élaborées en partenariat avec des lieux éclectiques : la Maison de la montagne à Pau, Le Bel Ordinaire à Billère, le musée des Beaux-Arts de Pau, le Musée pyrénéen de Lourdes, et le Frac Nouvelle-Aquitaine Meca à Bordeaux, où ils découvrent une œuvre de Richard Long qui n’avait pas vu le jour depuis 25 ans !
À la Maison de la montagne, il aura fallu une après-midi et sept personnes pour assembler en cercles et dans le bon ordre les pierres polies par l’eau ou aux arêtes vives, collectées par le sculpteur qui crée avec des matériaux trouvés sur place. Photo de l’œuvre in situ ou exhumées du passé, vidéo… alimentent les réponses ou interrogations sur l’origine et le motif des créations.
« Le livre, c’est notre expérience. Les expositions, c’est la confrontation, les balades, c’est le retour sur le terrain », résume le duo, parti dans les Pyrénées sur les traces de Richard Long et de sa création éphémère de pierres, photographiée face au majestueux pic de la Maladeta lors de sa « marche de monstre » : 50 kilomètres par jour plombés par le soleil, de Huesca à l’Ariège. Près des Eaux-Bonnes, ils ont renoué avec Eugène Delacroix, qui pestait contre son séjour en cure dans ce coin paumé. Il croisait le Tout-Paris qu’il détestait, et enrageait parce que « la montagne était trop grande pour la faire entrer dans un dessin… »
Dans leur livre, ils racontent « ces histoires de quête… » à travers 25 œuvres et les lieux (1) qui ont suscité la création. Elles confrontent images actuelles et anciennes, mêlent artistes contemporains et d’hier, comme le géographe et ingénieur du roi François Flamichon.
En 1880, il reproduit sur des cartes les plissements de la montagne, l’étudiant de l’intérieur comme sur une coupe de biologie : « Ça décale le regard ! » Comme un nouveau chemin entre l’art et la montagne.
Livres :
« 55 jours, une traversée des Pyrénées de l’Atlantique à la Méditerranée » (Cairn, 2012).
« Passages, les Pyrénées du nord au sud, et réciproquement (Cairn, 2014, prix Binaros du salon du livre pyrénéen, Bagnères-de-Bigorre 2015).
« Ici commence le chemin des montagnes, artistes aux Pyrénées », Éditions Cairn.
(1) : Eugène Delacroix aux Eaux-Bonnes, Rosa Bonheur au pic Bergons, Hubert Damelincourt à Ansabère, Jean Le Gac autour de Cauterets, Philippe Fangeaux dans les Aldudes, François Flamichon face au Pic du Midi d’Ossau, Franz Schrader au pic du Midi de Bigorre, Lucien Briet et Albert Gusi dans le cañon d’Ordesa, Hamish Fulton à Porto, Georg Hoefnagel à San Adrián (Alava) Dani Karavan et Walter Benjamin à Portbou, Richard Long face à la Maladeta, Claude Lagoutte à Gourette, Bernard Cazaux dans le vallon d’Ets Coubous, Louis Ramond de Carbonnières dans le cirque d’Estaubé, Wolfgang Laib au Roc del Maure, un cerf dans la sierra de Guara, Pierre Bernard au cœur du Parc national des Pyrénées, Christine Dzecknuydt en estives, en Bigorre, Fernando Casás dans le désert des Monegros, Pierre Brune à Céret, Jean Dieuzaide dans le vall de Boí, Antoine-Ignace Melling dans les gorges de Galamus, Suzanne Husky à Aulus-les-bains et Victor Galos à Pau.
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