Le gouvernement italien a accepté le débarquement en Sicile d'une partie seulement des migrants sauvés par un bateau humanitaire. Trois autres navires restent bloqués en mer.
Par Olivier Tosseri
« Enfin, nous avons recommencé à protéger nos frontières ! », a exulté Matteo Salvini sur Twitter, évoquant l'époque où, ministre de l'Intérieur, il faisait preuve d'intransigeance pour interdire aux navires des ONG sauvant des migrants en Méditerranée l'accès aux ports italiens.
Comme un air de déjà-vu, seuls 144 migrants mineurs et malades secourus par le navire « Humanity 1 », ont pu débarquer dans le port sicilien de Catane, dimanche matin. Une trentaine d'hommes ont été contraints de rester à bord. Au large, trois autres bateaux, transportant 900 migrants, attendent toujours de pouvoir accoster, certains depuis deux semaines.
La crise migratoire, qui avait disparu des principales préoccupations des Italiens, refait la une des médias. D'après le ministère de l'Intérieur, plus de 87.000 personnes ont débarqué en Italie depuis le début de l'année contre près de 55.000 l'an dernier et plus de 29.000 en 2020. Un chiffre certes en hausse constante, mais encore en dessous du record des plus de 111.000 arrivées en 2017. L'Italie est la quatrième nation européenne ayant reçu le plus de demandes de droit d'asile derrière l'Allemagne, la France et l'Espagne.
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Giorgia Meloni évoquait, pendant la campagne électorale, son intention d'instaurer un « blocus naval des côtes libyennes d'où partent les migrants ». Son gouvernement envisage maintenant de rétablir les « décrets sécurité », adoptés par Matteo Salvini lorsqu'il était ministre de l'Intérieur, qui « criminalisaient » les ONG. Son successeur, Matteo Piantedosi, tout en déclarant que l'Italie remplirait ses obligations humanitaires, insiste pour que les migrants soient pris en charge par l'Etat auquel chaque bateau qui les sauve est rattaché par son pavillon. Concernant la crise actuelle, il s'agit de l'Allemagne pour deux navires et de la Norvège pour les deux autres.
L'opposition en Italie promet de « livrer une bataille très dure à la dérive sécuritaire » de Giorgia Meloni. Un décret de la présidente du Conseil prévoit seulement une prise en charge des mineurs, des femmes et des personnes malades après un contrôle sanitaire. Les autres devront retourner dans les eaux internationales.
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Aboubakar Soumahoro, député du Parti démocrate, dénonce « l'inhumanité de l'exécutif qui sélectionne parmi les migrants naufragés ». Une ONG a présenté un recours au tribunal administratif de Rome, accusant le gouvernement de ne pas respecter le droit international.
« Bruxelles doit faire preuve de solidarité » : c'est l'injonction unanime qui s'élève depuis Rome. L'exécutif de Giorgia Meloni « fustige une inertie qui favorise le commerce des êtres humains », tandis que le Pape demande à « l'Europe de ne pas laisser les pays du Sud seuls ». Il insiste en outre sur le fait que « l'exclusion des migrants est criminelle. On les fait mourir devant nous, et ainsi, aujourd'hui, nous avons la Méditerranée qui est le cimetière le plus grand du monde ».
Parmi les partenaires européens, les réactions diffèrent. Viktor Orban remercie Giorgia Meloni qui, « finalement, protège les frontières de l'Europe ». Alors que l'Allemagne et la Norvège refusent de céder aux pressions italiennes, la France est disposée à accueillir une partie des migrants de l'« Ocean Viking ». Rome souhaite renforcer la coopération au sein du groupe Med 5 avec Chypre, Malte, la Grèce et l'Espagne. Le but est l'abolition pure et simple du « règlement de Dublin » qui responsabilise les pays où les migrants font leur première entrée dans l'UE.
Olivier Tosseri (Correspondant à Rome)
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