Ces derniers mois, plusieurs dizaines d’attaques de troupeaux attribuées à des loups ont eu lieu en Haute-Vienne, Creuse et Corrèze. Les indemnisations des éleveurs et les mesures de protection mises en place représentent un coût non négligeable.
C’est désormais une certitude : le loup est bien présent sur le territoire du Limousin. Depuis décembre 2021, les attaques de cheptels se sont multipliées dans nos trois départements. Après expertise de l’OFB (Office français de la biodiversité), la présence du loup est avérée et le prédateur est bien responsable de la mort de plusieurs dizaines de brebis sur notre territoire.
En Creuse, 11 attaques de troupeaux, imputables au loup, ont été recensées depuis fin décembre 2021. La plupart ont eu lieu dans le sud du département, à la lisière du plateau de Millevaches, notamment sur la commune de Gentioux-Pigerolles où les derniers cas, très récent, remontent au 29 avril et 1er mai 2022.

Mais des éleveurs de Féniers, Vallière, Sous-Parsat et La Brionne ont aussi été touchés. Au total, sur le département, 34 brebis ont été tuées et 21 blessées. A noter qu’à ce jour, aucun dommage sur les troupeaux de bovins n’a été relevé.
En Corrèze, 17 attaques de troupeaux, pour lesquelles la responsabilité du loup n’est pas écartée, ont été recensées depuis le 14 décembre. 4 cas sont toujours en cours d’expertise pour savoir si le loup est, ou pas, impliqué. Au total, 45 bêtes ont été tuées et 20 blessées. Les communes concernées sont notamment Tarnac, Chaumeil, Pérols-sur-Vérère, St Yrieix-le-Déjalat, Meymac et Chavanac.
En Haute-Vienne, 6 attaques sont attribuées au loup depuis le 1er décembre, à chaque fois sur des exploitations différentes. 11 brebis ont été tuées et 4 blessées.

L’attaque la plus meurtrière a eu lieu sur la commune de Vallière, mi-février. Sur un troupeau de 145 bêtes, 15 brebis avaient été mortellement égorgées et 10 blessées. Toutes étaient pleines. Seuls 4 agneaux ont pu être sauvés. « Les brebis ont été tellement stressées par l’attaque qu’il y a eu beaucoup d’avortements spontanés », déplore Caroline Juillet, l’éleveuse.
Près de 3 mois après, elle n’a toujours touché aucune indemnisation. « Le dossier est en cours, mais il est long à constituer. Il faut recenser tous les frais vétérinaires, et faire un devis pour les mesures de protection. Il va falloir surélever mes clôtures à 1m50 sur au moins 30 hectares, ça devrait coûter environ 8000€ ».
Sans attendre, néanmoins, des protections ont été mises en place quelques jours après l’attaque. La DDT (Direction départementale des territoires) a prêté à l’éleveuse 11 filets électriques qui permettent de clôturer un espace de 2 hectares, ainsi que des « foxlight » qui émettent des flashs lumineux aléatoires pour dissuader les prédateurs. « Du coup, je dois déplacer les filets dès que je change le troupeau de champ. Et le soir, je mets les bêtes près de la bergerie, pas loin de la maison. Je dors les fenêtres ouvertes, je ne suis pas tranquille, c’est fini ce temps-là… »

Le Plan Loup 2018-2023 a renforcé les mesures visant à concilier les activités d’élevage avec la présence du loup. En 2019, la population du prédateur était estimée à 500 loups adultes en France, ce qui correspond tout juste au seuil de viabilité démographique de l’espèce.

Réapparu en France en 1992, le loup est une espèce protégée et l’abattage de ces prédateurs est très encadré.
Il s’agit donc à la fois de protéger la proie et le prédateur. Le Plan Loup prévoit une aide aux éleveurs, sous condition qu’ils mettent en place des mesures de protection (clôtures, chiens de garde…). Ces coûts sont indemnisés à hauteur de 80% par l’Etat et l’Union Européenne (dans le cadre du FEADER, le Fonds européen agricole pour le développement rural), 20% restant à la charge de l’éleveur.
En 2019, 26,8 millions d’euros avaient été alloués pour mettre en place des mesures de protection. A quoi il faut ajouter 3 millions d’euros d’indemnisation des éleveurs pour les pertes engendrées par les attaques. Au total, chaque loup coûte donc environ 60 000 euros par an aux contribuables.

Concernant les indemnisations, un nouveau barème a été fixé par un arrêté du 9 juillet 2019. Pour les ovins, l’indemnisation peut aller de 58€ pour une brebis de réforme (âgée) à 720€ pour une brebis fromagère en bio.

Dans notre région où il s’agit principalement d’élevages ovins viande, l’indemnisation moyenne est d’environ 200€ par animal tué ou blessé. Elle prend en compte les pertes indirectes (stress, avortement, perte de poids, …) et les soins et frais vétérinaires en lien avec l’attaque.
Ainsi, en Corrèze, environ 17 000€ vont être débloqués pour les éleveurs concernés par des attaques, dont un peu plus de 4000€ déjà versés.
En Haute-Vienne, 5 éleveurs ont déjà été indemnisés pour un montant de 2200€. Un éleveur devrait toucher prochainement 1100€.
En Creuse, les indemnités devraient s’élever à 6000€ environ.

Sur ce département, une dizaine de dossiers est en cours d’instruction pour la mise en place de mesures de protection. Des aides financières sont allouées pour l’achat de chiens de protection (plafonnées à 375€ par chien) et de parcs électrifiés (plafonnées à 6500€ par exploitation), ainsi que pour l’accompagnement technique relatif au chien de protection.
Pour Michel Bataille, le président de la Fédération ovine de Creuse, le compte n’y est pas : « Nos élevages sont souvent organisés par lots de 100 à 150 brebis, il faut donc un chien de protection par lot, cela coûte beaucoup trop cher. Sans compter que ces animaux peuvent être dangereux car ils attaquent tout ce qui passe près du troupeau : promeneurs, cyclistes, chiens… ».

Idem pour les aides concernant les filets de protection : « On ne peut pas couvrir tous nos espaces de pâturage. Il faut donc déplacer les brebis en permanence. Et ces filets ne sont pas toujours efficaces »
Pour Fabien Marcilloux, président du MODEF Corrèze, il s’agit de mesures d’urgence, nécessaires, mais qui ne suffisent pas : “Le loup est un animal très intelligent, qui saute haut. Ces filets ne sont efficaces qu’à 50%”.

Ce qui l’inquiète par dessus tout : plusieurs éleveurs corréziens ont déjà annoncé qu’ils allaient arrêter la production de moutons. “La cohabitation avec le loup est impossible. Ce que l’on demande, c’est une protection plus efficace de nos troupeaux, avec notamment la mise en place d’une brigade loups dans le Massif Central.”
En Corrèze comme en Creuse, des arrêtés préfectoraux ont été pris autorisant des tirs de défense simple. Mais aucun loup n’a été abattu à ce jour en Limousin.

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