Spécialiste et passionné de BD, d’animation et de jeu vidéo, auteur du livre “Art Ludique” (Sonatine Editions)
Après 25 ans passés à côtoyer les hommes politiques français et à enquêter sur eux, Gérard Davet et Fabrice Lhomme, grands reporters au journal “Le Monde”, restituent leurs souvenirs en bande dessinée.
BD – Gérard Davet et Fabrice Lhomme, grands reporters au journal Le Monde, sont de fins observateurs de la vie politique française. Des enquêteurs et des témoins au long cours dont le travail a peut-être fait basculer quelques élections: leurs révélations sur les “affaires” de Nicolas Sarkozy lui ont sans doute coûté sa réélection, de même que les polémiques soulevées par leur livre Un président ne devrait pas dire ça… semblent avoir été la cause du renoncement de François Hollande à se représenter à l’élection présidentielle.
En tout cas, Sarkozy et Hollande ont personnellement reproché aux deux journalistes leur responsabilité quant à l’échec de leurs projets de réélection. L’avenir dira si leur dernier ouvrage Le traître et le néant aura un impact sur les projets d’Emmanuel Macron car, à nouveau, le coup porté au Président actuel est très dur (rien que le titre est terrible).
L’obsession du pouvoir raconte en bande dessinée le parcours hors du commun de ces deux journalistes sous la forme d’une autobiographie critique. Fabrice Lhomme interviewe pour la première fois Nicolas Sarkozy en 1989 pour Le Parisien. Il travaille déjà en binôme avec Gérard Davet avec qui il obtient alors un premier scoop sur la culpabilité d’un ancien ministre, Alain Devaquet, soupçonné de détournement de fonds.
Leur carrière progresse assez vite, jusqu’à ce que Lhomme arrive chez Le Monde en 2000, rejoint par Davet l’année suivante. Leur binôme se reconstitue au sein du quotidien du soir pour se consacrer aux enquêtes politico-financières. Les révélations de leurs enquêtes seront tellement nombreuses, et souvent si fracassantes que leurs noms seront bientôt connus du grand public, comme ceux d’Edwy Plenel ou de Fabrice Arfi, personnages secondaires très présents de la bande dessinée.
En racontant les deux carrières qui s’entremêlent au fil des mandats et des scandales, l’album se veut surtout un hommage au métier de journaliste. Par la manière de présenter certaines des nombreuses enquêtes menées et leur impact parfois profond sur l’opinion publique, la bande dessinée s’inscrit dans les pas de quelques films célèbres comme Les Hommes du Président ou Pentagon Papers, qui montrent des journalistes anonymes affronter des hommes politiques bien plus puissants qu’eux. Comme dans ces films un peu paranoïaques, L’obsession du pouvoir prend le temps de montrer les planques, les rendez-vous avec les “gorges profondes” autant que les entretiens avec des personnalités malhonnêtes visant à manipuler les journalistes, obligés d’apprendre à séparer le bon grain de l’ivraie pour ne pas être piégés.
Dessinés par Pierre Van Hove, Davet et Lhomme se montrent le plus souvent à leur avantage, émules de Tintin plongés au cœur du volcan, mais parfois traversant de grands creux. Ils profitent de la longueur de l’album pour expliquer leurs principes, leurs méthodes, leurs valeurs et leurs limites, et font preuve d’une grande honnêteté sur leurs erreurs et leurs passages à vide. Ils partagent des moments drôles, comme lorsque leurs chemins se séparent le temps de quelques années et qu’ils se retrouvent toujours à chasser les mêmes scoops. Mais aussi des moments bien plus inquiétants, tout particulièrement pendant le mandat de Nicolas Sarkozy pendant lequel les journalistes se retrouvent suivis, menacés, mis sur écoute et parfois un peu trop approchés par des voitures, dont une qui prendra la fuite après avoir renversé l’un des deux journalistes.
A travers ce récit de leurs parcours respectifs reviennent en mémoire du lecteur tous les grands scandales politico-financiers des dernières années : les frégates de Taïwan, Clearstream, le sabotage de Tarnac, les affaires Julien Dray, Bettencourt, Woerth, Tapie, Balkany, Bygmalion, ou encore l’affaire des fonds libyens. Réaliser que les deux reporters ont été de tous ces combats pour faire surgir la vérité en de si nombreuses occasions donne une curieuse impression et provoque une sincère admiration. A l’heure où le métier de journaliste est souvent conspué et méprisé par la foule, voilà une bande dessinée qui fait du bien.
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