Johnny Hallyday s’est battu pendant un an contre le cancer, entre espoir et découragement. Des proches racontent.
Ce soir-là, Johnny Hallyday est resté allongé. A l’extérieur, la neige tombe à gros flocons comme un avant-goût de Noël. Ce jeudi 30 novembre, le rocker et sa femme reçoivent des intimes : le manager Sébastien Farran, le compositeur Maxime Nucci (Yodelice), la productrice Anne Marcassus, le chef Claude Bouillon et Pierre Billon, indéfectible complice de Johnny depuis quarante ans pour lequel il a notamment écrit J’ai oublié de vivre. Dans la journée, une rumeur a annoncé la mort de Johnny. Une de plus.

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Mais Johnny est bien là, certes amaigri de 15 kilos, alité et contraint de prendre régulièrement de l’oxygène pour respirer. Après le dîner, il trouve la force de se lever pour accompagner ses convives dans la salle de projection. Dans la villa de Marnes-la-Coquette, comme à Los Angeles et à Saint-Barth, le rocker cinéphile possède son cinéma privé. Dans les fauteuils en velours rouge, il adore revoir les chefs-d’œuvre d’Elia Kazan, des westerns ou des films d’horreur, selon l’humeur.

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Au menu de cette dernière séance, un documentaire inédit immortalisant son road trip à moto sur la Route 66 à travers les Etats-Unis en septembre 2016. Des images de liberté dans les paysages majestueux de cette Amérique qui le fascinait tant. “Je me souviens de son sourire quand on est partis vers 1 heures 30 du matin, persuadés qu’on le reverrait le jeudi suivant, a raconté Pierre Billon. Il n’avait absolument pas envie de partir. Et aucun de nous ne pensait qu’il partirait. On refusait d’y croire.” Comment pouvait-il en être autrement avec Johnny, éternel Phénix capable de renaître de ses cendres. “La mort, je lui fais des pieds de nez”, rugissait-il déjà en 1985 dans Rock’n’roll attitude, écrit par Michel Berger.

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En studio pour un nouvel album Fuck the Cancer! pic.twitter.com/T4e1TgPujn
 
La Grande Faucheuse, il l’avait si souvent toisée. Accidents de voiture, roulette russe, tentative de suicide, infarctus sur scène, coma de trois semaines en 2009. “La première fois que je suis mort, je n’ai pas aimé, alors je suis revenu”, avait-il commenté deux ans plus tard. Il avait toujours eu le dernier mot jusqu’à cet ultime combat d’un an contre le crabe. Toujours aller de l’avant, multiplier les projets et vivre comme si de rien n’était. Le 12 mars, quatre jours après l’officialisation de son cancer sur Twitter, il rassure ses fans en publiant une photo de lui, le majeur tendu, entouré de ses musiciens : “En studio pour un nouvel album. Fuck the cancer.” Dans la foulée, il annonce une tournée pour 2018. Sans prendre la peine d’avertir son tourneur.

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Au début de l’été, il faut déjà assurer les 17 dates des Vieilles Canailles, avec ses potes Eddy Mitchell et Jacques Dutronc. “Si je ne le fais pas, c’est là que je meurs”, avait-il dit à Laeticia, opposée à cette nouvelle aventure. Lors de la première date à Lille, deux jours après une séance de chimiothérapie, il apparaît fatigué, le souffle court, la voix toujours racée, mais sans la puissance habituelle. Il chante le plus souvent assis sur un tabouret, s’absente parfois de la scène pour filer dans sa loge où un appareillage respiratoire a été installé. Au fil de la tournée, il retrouve de sa superbe, galvanisé par le public venu en masse.
Les Vieilles Canailles se séparent après un dernier concert à Carcassonne, le 5 juillet, où Johnny, ému, a fait monter sur scène ses deux filles, Jade et Joy. “C’était difficile, je lui tire mon chapeau, il envoyait vraiment la patate, dira Dutronc sur RTL. Il a eu un courage énorme. Je savais qu’il souffrait énormément, c’était terrible. Le côté ‘coulisses’ n’était pas beau à voir, ça faisait mal pour lui. Mais ça lui a fait un bien énorme, c’était une bonne chimio.” Eddy Mitchell parle aussi d’une expérience “formidable” mais d’une “bataille de tous les jours”.
Cette bataille, Johnny va continuer à la livrer, sans oublier de prendre le temps de vivre et de le montrer. Déguster un pot-au-feu concocté par Jean Imbert. Se déguiser pour Halloween avec Laeticia et les petites. Fêter les anniversaires du clan. Déjeuner avec son ancien producteur Jean-Claude Camus avec lequel il s’était réconcilié… A chaque fois, des photos ou des vidéos témoignent de ces moments de bonheur partagés.
Il m’a juste dit : ‘Quand je chante en ce moment, je ne prends plus le même plaisir’. Il sentait que chaque chanson était une vraie épreuve
“Il avait encore plein d’envies, se souvient Claude Lelouch, invité à l’anniversaire du rocker, le 15 juin. Il voulait construire une maison à Tahiti, il m’avait même montré les photos du terrain. Il me disait : ‘Ça va être génial, on va être peinards!’ Je ne l’ai pas senti déprimé, au contraire, il a bien bu et la soirée s’est terminée tard dans la nuit. Il m’a juste dit : ‘Quand je chante en ce moment, je ne prends plus le même plaisir’. Il sentait que chaque chanson était une vraie épreuve.” Fin juillet, Johnny se met au vert en famille à Quiberon, avant de passer une batterie d’examens à l’Hôpital américain de Neuilly. Il est autorisé à retrouver Saint-Barth, son coin de paradis aux Antilles.
A peine arrivé, il donne des nouvelles sur Instagram. Une photo devant la piscine : “Bonjour Saint-Barth, le bonheur d’être là en famille.” La fête d’anniversaire de Jade et Joy est organisée par Laeticia sur le thème Fast & Furious. De retour à Paris le 31 août, Johnny retrouve les studios avec Maxime Nucci pour enregistrer, entre deux chimios, dix titres pour son 51e album. Des chansons d’amour. Il n’est jamais question de maladie ou de mort. Pas le genre du Taulier, pudique sur ses souffrances, même avec ses intimes.
Les rares témoins confirment qu’il pouvait arriver fatigué en studio pour se transfigurer devant le micro. “En l’écoutant, je n’avais pas du tout l’impression qu’il était affaibli. Je pensais qu’il allait une nouvelle fois rebondir”, dit l’auteur-compositeur Pierre-Dominique Burgaud. Bertrand Lamblot, directeur artistique des derniers albums, parle “des meilleures séances voix” jamais enregistrées par ce chanteur perfectionniste qui a demandé de refaire certaines prises.
Mais la maladie progresse, inexorablement. Le 13 novembre, le rocker est hospitalisé en urgence à la clinique Bizet pour détresse respiratoire. C’est le début de la fin. Il en ressort, à sa demande, au bout de cinq jours, refusant l’acharnement thérapeutique. Une pièce médicalisée avec un appareillage respiratoire est installée au rez-de-chaussée de la villa de Marnes-la-Coquette. Un médecin loge sur place et trois infirmières se succèdent jour et nuit. “J’ai fait en sorte qu’il puisse vivre autant que c’était possible et dans les meilleures conditions”, explique son oncologue, David Khayat. “Mon homme n’a plus la force de se battre contre la maladie”, dira Laeticia aux proches qui vont se succéder à son chevet pendant ces trois dernières semaines. Eddy Mitchell, pour un tête-à-tête de 2 heures 30 “entre mecs”, Jean-Claude Darmon, Sylvie Vartan, Nathalie Baye, Laura et David bien sûr.
Les nouvelles sur Instagram se font de plus en plus rares. Le 21 novembre, il poste une photo de Jade. “Ma Jade a repris ses courts de tennis. Top.” Tous ses proches confirment : Johnny tenait à regarder vers l’avant. “Jusqu’au dernier moment, il a cru au futur”, assure Claude Lelouch. “Il voulait produire une suite de L’Equipée sauvage avec son pote Mickey Rourke!”, confie Gilles Lhote, ami et auteur de Johnny le guerrier (Robert Laffont). Samedi dernier, il rassurait encore Maxime Nucci : “Bon, encore dix jours que je me requinque, il faut qu’on finisse cet album.”
Une exposition, se tiendra à Paris porte de Versailles à partir de janvier 2024, permettra d’entrer dans les coulisses de la vie et de la carrière de Johnny Hallyday. La commissaire de l’expo-événement, qui ouvre le 20 décembre à Bruxelles, dévoile ce qui attend le visiteur.
Cinq ans après la mort du chanteur, un livre revient sur ses tournées et son rapport à la scène. Une exposition à Bruxelles dès le 20 décembre permettra d’entrer dans les coulisses de la vie et de la carrière de la star. 
Un bouquiniste et biker pas spécialement fan de Johnny Hallyday a rassemblé une centaine de portraits de l’idole, peints avec plus d’amour que de talent. Le résultat tient du livre d’art.
EXCLUSIF – L’ingénieur du son Bob ­Clearmountain, qui a mixé l’album posthume de Johnny Hallyday, qui sort cette semaine, raconte au JDD leur collaboration. L’Américain se souvient également de quelques-uns de ses 250 autres illustres clients.
Deux sociétés se disputent le droit d’usage des images de Johnny Hallyday. Le spectacle de reprise des chansons voulu par sa veuve Laeticia est menacé.
Laeticia Hallyday raconte pour le JDD les coulisses du grand hommage à Johnny Hallyday qu’elle organise dimanche à l’Olympia. Deux ans après la mort du rockeur, elle raconte son projet de musée et sa reconstruction personnelle.

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