La date de remise de la déclaration pour l'impôt sur la fortune immobilière a été reportée au 15 juin. Et pour cause. Cet impôt est beaucoup plus complexe qu'il n'y paraît.
Par Marie-Christine Sonkin
L'IFI n'est pas l'ISF réduit à son expression immobilière. Les commentaires du « Bulletin officiel des finances publiques » (« BofiP) sont attendus avec une certaine inquiétude par les contribuables et leurs conseils. Ces derniers ont d'ores et déjà planché sur un certain nombre de difficultés. Quels sont les pièges qui guettent les redevables ?
En cas de détention de biens immobiliers par l'intermédiaire d'une société , seule la valeur de l'actif de la société représentative des immeubles imposables est soumise à l'IFI. Il n'est pas fait mention de la notion de prépondérance immobilière. « Une des difficultés majeures sera d'appréhender la valeur des biens immobiliers sous-jacents détenus par la société ou par une des filiales du groupe. Pour ce faire, ladite entité doit fournir à l'associé/actionnaire les éléments nécessaires. […] C'est donc sur les entreprises concernées que pèse, a priori, le fardeau de l'évaluation (que leur comptabilité à elle seule ne leur permettra pas nécessairement de déterminer), le législateur ayant pris le soin d'en décharger le contribuable… mais seulement s'il est minoritaire et de bonne foi », souligne David Tavernier, ingénieur patrimonial chez Oddo BHF Banque Privée.
A noter que « que s'il existe une chaîne de participations, la base taxable à l'IFI est inférieure à celle constatée lorsqu'il existe une seule société, relève Yvan Vaillant, directeur de l'ingénierie patrimoniale d'Edmond de Rothschild. Car le ratio d'immobilier taxable est le rapport immobilier non exonéré sur le total de l'actif réel de la société. Ce pourcentage sera ensuite multiplié par la valeur nette des parts de la société. Plus il existe d'actifs non immobiliers à l'actif brut du bilan, plus il y a dilution de l'actif immobilier taxable. »
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Par rapport à l'ISF, le passif déductible est considérablement réduit. Le principe, valable du temps de l'ISF, demeure : les emprunts souscrits pour l'acquisition, l'entretien, l'amélioration ou la construction d'immobilier viennent en déduction de l'actif imposable. Mais, comme le souligne Florianne Moussigné, ingénieure patrimonial chez Cyrus Conseil, diverses limitations ont été instaurées. Plusieurs concernent les crédits immobiliers. D'abord, les crédits in fine sont déductibles comme s'il s'agissait de crédits amortissables. « Seule la quote-part de capital limitée à due concurrence de la durée restant à courir sera déductible », explique-t-elle. « Ce n'est en revanche pas le cas lorsque l'immobilier est détenu via une SCI. Le prêt in fine n'est alors pas retraité », souligne Yvan Vaillant.
Par ailleurs, si l'immobilier détenu excède 5 millions d'euros et que les dettes immobilières dépassent 60 % de ce montant, « la fraction des dettes excédant cette limite n'est déductible qu'à hauteur de 50 % », précise Florianne Moussigné. Enfin, les prêts familiaux souscrits auprès d'ascendants, descendants, frères et soeurs ne sont plus déductibles, « sauf à démontrer le caractère des conditions : respect du terme des échéances, caractère effectif des remboursements… »
Elle souligne également la limitation du passif fiscal. Si les taxes foncières restent bien déductibles ainsi que l'IFI lui-même, « l'impôt sur le revenu, les prélèvements sociaux et taxes d'habitation ne le sont plus ».
Autre catégorie de dettes qui ne sont plus déductibles, celles afférentes aux sociétés détenant de l'immobilier, dont les crédits souscrits pour l'achat d'un immeuble dans le cadre d'OBO immobilier (« owner buy-out » ou vente à soi-même). Cette tactique permet au dirigeant de récupérer des liquidités. Dans un premier temps, il crée une société holding de reprise à laquelle il apporte une partie de capital. Cette société va s'endetter pour racheter au propriétaire des biens immobiliers qu'il détenait auparavant. « Dans le cadre du dispositif anti-abus mis en place avec l'IFI, cette dette n'est pas déductible sauf si l'objectif de l'opération n'est pas principalement fiscal, souligne Yvan Vaillant. Or, il n'existe pas à ce jour de définition claire de ce qui est considéré comme principalement fiscal. Ce n'est pas la même définition que celle de l'abus de droit qui se réfère à un but exclusivement fiscal. »
De même, les comptes courants d'associés ne sont a priori plus déductibles. Ici, le droit à déduction risque de faire débat. « Le compte courant peut très bien avoir servi à financer autre chose dans la société que les actifs immobiliers. Dans ce cas, il resterait déductible. Il faudra pouvoir le prouver, c'est une question de traçabilité », souligne Yvan Vaillant.
A priori, pour les non-résidents fiscaux français, l'IFI ne change pas grand-chose puisque les investissements financiers étaient déjà exonérés d'ISF pour les expatriés. Toutefois, « contrairement à l'ancien ISF, la prise en compte des  dans le calcul de l'IFI est désormais réalisée au prorata de leur détention réelle d'actifs immobiliers, qui peut par exemple être de 40 %, 70 % ou 90 %. Ce système remplace les modalités de l'ancien ISF pour les expatriés, qui réintégrait au calcul de l'impôt les 'sociétés à prépondérance immobilière'. Celles-ci désignaient les véhicules comprenant plus de 50 % d'actifs immobiliers. Les placements composés à moins de 50 % d'actifs immobiliers étaient quant à eux exonérés d'impôt, ce qui ne sera plus le cas avec l'IFI », souligne Olivier Grenon-Andrieu, président d'Equance.
L'un des pièges de l'IFI serait relatif à la résidence principale, plus exactement aux dettes afférentes à cette résidence. Stéphane Jacquin, responsable de l'ingénierie patrimoniale chez Lazard Frères Gestion, a relevé une curieuse disposition figurant dans la notice destinée à aider les contribuables à remplir leur déclaration d'impôt sur la fortune immobilière (IFI). L'administration fiscale indique, s'agissant des règles de déduction du passif, qu'« un abattement de 30 % étant pratiqué sur la valeur de la résidence principale, les dettes contractées pour son acquisition ne sont déductibles qu'à hauteur de 70 % de leur valeur ».« Cette position de l'administration – figurant à ce stade simplement dans une notice mais qui sera très probablement reprise dans une prochaine instruction administrative – est différente de celle retenue pour l'ISF », relève Stéphane Jacquin. Selon lui, il n'est « pas évident que la position adoptée par l'administration dans sa notice soit fondée en droit. Malheureusement, il est à craindre que les redevables qui ne s'y conformeront pas fassent l'objet de redressements et ce jusqu'à ce que la question soit tranchée par les juridictions. »
La déclaration simplifiée dont pouvaient se contenter certains assujettis à l'ISF a disparu. Tous les redevables de l'IFI doivent remplir les annexes déclaratives.
Marie-Christine Sonkin 
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