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LA TRIBUNE – Votre homologue de la Fédération française du bâtiment (FFB), Olivier Salleron, vient d’alerter sur une « cassure » dans le logement neuf en 2023. Confirmez-vous une telle perspective de marché ?
PASCAL BOULANGER – Je n’emploie pas ce terme, mais je vous confirme que 2023 sera une très mauvaise année. La chute amorcée en 2022 va se poursuivre. Après une baisse de nos mises en vente de 12% entre le troisième trimestre 2021 et le troisième trimestre 2022, nous devrions atteindre les -20% à la fin de l’année, comparé à l’an dernier. Une petite baisse des ventes a commencé au 1er juillet et s’est accélérée depuis le 1er septembre.
Qu’en est-il de vos mises en chantier ?
Ce n’est guère mieux. Pour des raisons économiques, 20% des projets ne sortent plus. Les promoteurs obtiennent les permis de construire, mais les coûts de revient deviennent supérieurs aux prix de vente. Sachant que les coûts de construction représentent 50% des coûts de revient, quand ils augmentent de 10%, nos marges après impôts ne sont plus de 5% mais de zéro.
Les acquéreurs ne peuvent plus supporter une augmentation des prix de vente ?
Avant, le marché pouvait accepter des petites hausses de 2, 4 voire 5%, mais aujourd’hui, nous sommes arrivés au plafond des prix. Résultat, nous ne pouvons pas nous rattraper là-dessus et nous n’avons pas de solutions. Même lorsque nous poussons auprès de nos services commerciaux, ils nous rétorquent que cela se joue à 100-150 euros du mètre carré. Nous sommes dans l’impasse.
Faut-il donc changer les règles sur la durée de l’emprunt, limité à 25 ans, et le taux d’effort ?
Comme tout le monde, nos clients subissent l’inflation. Rien que dans l’alimentaire, les prix ont grimpé de 12% en 2022. L’immobilier n’est donc pas une priorité, sachant que c’est un investissement qui rime avec long-terme et sérénité. Le taux de désistement, à la suite du délai des dix jours ou du fait d’un refus de prêt, a doublé : il était de 12-13% et est passé à 27%. Quant au taux d’usure, qui exclut de nombreux ménages de l’accession, il n’a pas d’impact sur l’inflation. Nous risquons de perdre sur tous les tableaux : moins d’acquéreurs et une inflation sans économie.
Comment inverser la tendance ?
En réalité, il s’agit d’un vrai problème d’offre. Plus il y en a, plus il existe de la demande. Je réitère mon appel de Strasbourg [au congrès annuel de juillet, Ndlr] : fléchons une partie de la TVA vers les maires bâtisseurs. Je ne dis pas qu’il faut le faire dès le premier logement, car sinon cela risque de créer un effet d’aubaine. Prenons la moyenne des trois dernières années et, pour les logements produits au-dessus de cette moyenne, affectons une partie de la TVA aux villes qui construisent. Tout le monde sera gagnant, ces ressources complémentaires permettant de rénover une crèche, de construire une école… Quand je discute au quotidien avec les maires, sur le terrain ou au téléphone, je me rends compte qu’ils n’ont aucun intérêt à signer des permis. Avec une part de l’impôt national, ils pourraient, au contraire, passer en force. Je voudrais d’ailleurs que tous ceux qui font capoter les projets soient stigmatisés et ne soient plus considérés comme des vedettes. Ce sont ces derniers qui devraient prendre tous les coups de la population.
Comme la FFB, considérez-vous également qu’il faille « assouplir » le principe de non-artificialisation des sols ?
Je suis pour la non-artificialisation des sols, si et seulement si nous pouvons construire dans les villes denses. Bien sûr qu’il faut laisser des terres naturelles, mais nous avons peur d’être punis doublement si nous ne pouvons pas reconstruire la ville sur la ville et/ou monter. Aujourd’hui, les plans locaux d’urbanisme (PLU), qui ne sont déjà pas très généreux, ne sont utilisés qu’à 65% de leur capacité. Laissez-nous densifier !
Et les entrées de ville, qui permettent de reconvertir des fonciers déjà aménagés ?
Nous ne les avons jamais désertés, mais il existe, comme partout, des entrées de villes « sympas » et d’autres « moches ». Ce n’est pas un sujet en tant que tel, mais une réponse aux questions habituelles : est-ce que l’endroit mérite une promotion immobilière ? est-ce attractif ? est-ce qu’il y a des commerces, des écoles et des transports à proximité ? Ce qui compte pour notre profession, c’est l’emplacement !
Confirmez-vous par ailleurs que la réglementation environnementale des bâtiments neufs dite « RE2020 », entrée en vigueur, occasionne un surcoût de 8 à 10% ? La responsabilité élargie des producteurs (REP) lié aux produits et matériaux de construction du bâtiment (PMCB), censée s’appliquer le 1er janvier 2023, va-t-elle permettre d’accélérer l’économie circulaire du secteur ?
Nous sommes évidemment prêts à réemployer et/ou à réutiliser des matériaux de construction, mais est-ce que cela coûte moins cher ou plus cher ? Attention à force d’empiler les normes de ne pas arriver à l’insolvabilité de nos clients. Le patron final, c’est l’acquéreur. Nous pouvons lui proposer des choses formidables, mais s’il n’y a plus personne pour acheter du logement à un prix abordable, à quoi bon ? Revenons à la réalité et évitons que le mieux devienne l’ennemi du bien.
Le logement abordable, c’est le cœur de métier d’Action Logement, le premier bailleur social et premier producteur de logements sociaux et intermédiaires. Comprenez-vous la ponction de 300 millions d’euros sur son budget inscrit dans la loi de finances 2023 ?
En tant qu’administrateur d’Action Logement, je le regrette, mais ce n’est pas vraiment le sujet de la Fédération des promoteurs immobiliers.
L’organisme paritaire co-finance pourtant l’opération de revitalisation des villes moyennes « Action Cœur de ville » en co-promotion avec des professionnels comme vous…
Les promoteurs aiment bien « Action Cœur de ville », mais 75-80% de leur métier se fait dans les zones denses, pour l’essentiel les zones A et B1 [Paris, 75 communes d’Île-de-France (situés dans le 78, le 92, le 93, le 94 et le 95), une partie de la grande couronne parisienne, la Côte d’Azur, la partie française de l’agglomération genevoise et plus généralement des communes où les loyers et les prix des logements sont (très) élevés, Ndlr] . Personnellement, cela m’arrive de faire 25 logements dans une ville moyenne, mais cela reste marginal.
La Covid-19 n’a-t-elle donc pas rebattu les cartes de la géographie du logement ?
50% de nos clients sont des investisseurs qui regardent les zones A et B1, et non la zone B2 [villes-centres de grandes agglomérations, grande couronne autour de la capitale et communes de Corse, Ndlr]. Je dois quand même vous avouer que le zonage est trop binaire. Chez moi dans les Hauts-de-France, des villes comme Valenciennes et Béthune sont éligibles au Pinel [dispositif de réduction d’impôt sur le prix d’achat d’un logement mis en location, Ndlr], mais pas Arras, pourtant préfecture du département du Nord. L’exemple du Pinel breton n’est pas idiot : les pouvoirs publics et les promoteurs se mettent d’accord sur telle ou telle commune. C’est plus intelligent comme démarche plutôt que de créer cette France à deux vitesses qui risque de faire mourir certains territoires.
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