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[CE JOUR-LÀ] Après 70 années de travaux, le boulevard Haussmann à Paris était inauguré le 15 janvier 1927 par Gaston Doumergue. Avec des ciseaux de vermeil, le président de la République française coupait le ruban symbolique tendu entre travers de la voie nouvelle, décriée par certains.
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15 janvier 1927, l’inauguration du boulevard Haussmann à Paris
Au niveau du Printemps, une partie du boulevard Haussmann déjà achevé, photographié par Charles Marville vers 1870.
State Library of Victoria
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CONTEXTE
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Lorsque Napoléon III revient de son exil londonien, en 1848, pour se faire élire quelques mois plus tard à la tête du pays, il a déjà dans l’esprit quelques projets pour la capitale. Paris est vieille, largement insalubre, les fiacres s’y croisent difficilement, le centre en est congestionné. Les doléances des notables parisiens et des élus d’arrondissement finiront de le convaincre : Paris mérite un nouveau plan.
La transformation de Paris, pensée par Napoléon III et dessinée par l’architecte Deschamps, est exécutée par le préfet Haussmann. Entre 1853 et 1870, Paris constitue un chantier continuel. 120 000 logements insalubres sont détruits, remplacés par 34 000 immeubles sur de larges voies bordées de trottoirs. En l’espace de vingt ans, pas moins de 70 boulevards ont été tracés.
Parmi eux, le boulevard Haussmann. Il aura fallu soixante-dix ans, pour que cette large avenue, qui a faillie être rebaptisée boulevard de la Convention en 1885, soit achevée et pour que soit prolongé jusqu’au boulevard Montmartre le boulevard Beaujon, aujourd’hui avenue Friedland, ouvert en 1857. Jusqu’en 1925, le boulevard Haussmann était resté inachevé et se terminait abruptement à la rue Taitbout.
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ARCHIVES
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(La Croix du 15 janvier 1927)
Par Jean Guiraud
Le 15 janvier 1927 – des locataires finauds ne manquent pas de remarquer la coïncidence du terme de janvier, le premier terme de l’année, avec le terme d’un long cauchemar municipal – a lieu l’inauguration du boulevard Haussmann, amorcé depuis de longues années, abandonné, repris, puis enfin terminé et, livré à la circulation.
La dénomination même du boulevard Haussmann a passé par des vicissitudes.
En juin 1885, le Conseil municipal de Paris – à qui le Pèlerin d’alors avait décerné sans prétention, mais avec succès, le naïf surnom de Kaperdulaboul, – décidait, sur la proposition d’Édouard Vaillant, de débaptiser le boulevard Haussmann et de l’appeler boulevard de la Convention.
Bien entendu, le préfet de la Seine ne signa jamais l’imbécile arrêté.
Quant au baron Haussmann, il s’était montré assez indifférent à cette mesquine vexation. « Je n’ai qu’une préoccupation, écrivait-il, c’est qu’on termine, selon mes plans, le boulevard dont on veut appauvrir mon mince héritage. »
Voilà le boulevard termine suivant les plans du baron. Une longue et large percée, bordée de façades opulentes, n’est pas un vilain spectacle et donne une belle impression de grande ville.
Impression acquise au détriment du pittoresque, certes ! Le néologisme « haussmaniser » est devenu, pour les artistes, synonyme du mot massacrer. C’est ainsi que les architectes ont abimé, par exemple, la ville d’Alger, en perçant de belles rues droites à travers les vieux et sales quartiers indigènes.
Tant pis pour l’art. Avant tout, les villes veulent vivre leur vie.
On entend gémir chaque jour sur la décadence intellectuelle du boulevard, d’où les affaires ont chasse ce qu’on appelait l’esprit parisien. Si ce boulevard-là est mort, un autre boulevard se crée. On n’y flânera plus, espérons qu’on n’y écrasera pas’avantage.
Inauguration du boulevard Haussmann le 15 janvier 1927.
Il aura fallu soixante-dix ans, pour que cette large avenue soit achevée et pour que soit prolongé jusqu’au boulevard Montmartre le boulevard Beaujon, aujourd’hui avenue Friedland, ouvert en 1857.
C’est en 1853 que Napoléon III fit mander au château de Saint-Cloud le nouveau préfet de la Seine, Eugène-Georges Haussmann, et, de là, lui montrant Paris, lui dit : « Je veux une capitale moderne ».
Haussmann convoqua des architectes, des artistes, et arrêta une série de premiers travaux.
On traça les Bois de Boulogne et de Vincennes, les parcs Montsouris et des Buttes-Chaumont.
Au cœur de Paris furent ouverts le boulevard de Strasbourg et de Sébastopol, le boulevard Richard-Lenoir, en même tempe qu’étaient créées les Halles et arrêté le tracé du boulevard aujourd’hui achevé.
Un décret de 1861 avait amené le boulevard au croisement de la rue du faubourg Saint-Honoré, puis, le 27 décembre 1865, jusqu’à la rue de la Chaussée-d’Antin.
C’est en 1901 que fut décidé l’achèvement de cette avenue.
On décida de prélever 30 millions sur un récent emprunt de la Ville de Paris pour les expropriations et le percement, mais il fallut dépenser 100 millions.
Enfin, la Lutèce moderne a réuni les tronçons du boulevard et commandé aux maisons :
– Halte ! – A droite, alignement – Fixe.
Tout est prêt pour la cérémonie d’inauguration.
Chantier de construction du boulevard Haussmann en 1926
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(La Croix du 16 janvier 1927)
L’achèvement du boulevard Haussmann a été inauguré ce matin par la municipalité de Paris, en présence de M. Doumergue, président de la République, qui visite tout d’abord la nouvelle station du Métropolitain Drouot-Richelieu. Les honneurs ont été rendus par la garde républicaine. Alors que M. Doumergue prend place dans la tribune officielle, deux discours sont prononcés par M. Pierre Godin, président du Conseil municipal, et par M. Bouju. préfet de la Seine. Au cours de la cérémonie, le président de la République coupe avec des ciseaux de vermeil un ruban aux couleurs de la Ville de Paris tendu en travers de la voie nouvelle.
Ce n’est que dans quelques jours que le boulevard sera ouvert à la circulation des voitures.
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La première exécution du plan d’Haussmann dont nous voyons aujourd’hui l’aboutissement eut pour objectif le percement de deux grandes artères perpendiculaires l’une à l’autre et qui devaient se couper à angle droit, au centre même de la capitale. C’est ce qu’on appela la grande croisée de Paris. L’une de ces voies, se dirigeant du Nord au Sud et partant de la gare de l’Est, aboutissait à l’Observatoire. C’est celle qui est suivie de nos jours par le tramway de Montrouge à la gare de l’Est.
L’autre voie, allant de l’Ouest à l’Est, le demandait, pour être complétée, que l’achèvement de la rue de Rivoli, dont on allait relier rapidement les tronçons commencés, de manière à la conduire jusqu’à la rue Saint-Antoine. C’est, en surface, la direction que s’est appliquée plus tard à suivre, en sous-sol, la ligne du Métropolitain Porte Maillot-Vincennes. Le point d’intersection de ces deux grandes artères allait se trouver au pied d’un monument historique, la Tour Saint-Jacques. Ces deux grandes voies furent comme l’ossature à laquelle tout le reste vint. se souder.
Voici la liste des églises de Paris qui ont été construites ou achevées sous l’administration du grand préfet.
Il fit d’abord achever les églises Sainte-Clotilde et Saint-Vincent-de-Paul ; puis, dans l’ancien Paris, édifia d’après les plans conçus sous sa direction : la Trinité, Saint-Augustin, Saint-Ambroise, Saint-Joseph, Saint-François-Xavier, Notre-Dame-des-Champs ; de plus, le temple réformé de la rue Roquépine, les temples israélites des rues de la Victoire et des Tournelles.
Enfin, dans la zone annexée, il ouvrit au culte : Notre-Dame de Clignancourt à Montmartre ; Saint-Bernard, à La Chapelle ; Saint-Jean-Baptiste, à Belleville ; NotreDame-de-la-Croix, à Ménilmontant ; Saint-Pierre, à Montrouge ; Saint-Lambert, à Vaugirard. En outre, il fit racheter par la Ville les églises Saint-Eugène, Saint-Martin-des-Champs, Saint-Eloi, Saint-Marcel, Saint-Honoré et Saint-Michel des Batignolles. C’est également pendant la préfecture d’Haussmann que Viollet-le-Duc construisit la flèche du transept de Notre-Dame et qu’on répara douze églises.
Nous avons connu des préfets catholiques, tout au moins d’étiquette, dont les catholiques ont eu moins à se louer que du protestant Haussmann.
Haussmann est né en 1809, non loin de l’endroit où commence l’avenue Friedland et où le boulevard Haussmann finit. La ligne inflexible qu’il devait tracer, en prolongement du boulevard projeté, passait sur sa maison natale. Cette maison ne trouva pas grâce, plus tard, devant l’exécution du plan d’Haussmann.
Le père d’Haussmann, collaborateur d’un journal libéral qui s’appelait déjà le Temps, était de ceux qui signèrent sous Charles X la protestation contre les Ordonnances. Aux journées de Juillet, le jeune Haussmann, âgé d’une vingtaine d’années, avait pris le fusil et la cocarde pour faire les commissions paternelles aux membres des Comités. Il fut légèrement blessé, près du Louvre, en se rendant chez Laffitte pour porter un pli de son père. Il y fut remarqué par Casimir-Perier qui dînait ce jour-là chez Laffitte. Quelques mois après, Casimir-Perier, ministre de l’Intérieur, le nomme d’emblée conseiller de préfecture. Voilà comment Haussmann prit pied dans l’administration préfectorale. Vingt-deux ans plus tard, il était préfet de la Seine.
On connait le reste de sa vie, dans les grandes lignes, qui se confondent, d’ailleurs, avec celles de son plan.
En dehors de la haute protection de l’empereur, ce qui encourageait Haussmann dans ses entreprises, c’est la conviction terme où il était de travailler pour les intérêts publics et le bien moral de son pays. À ce propos, disons que le cardinal Morlot, archevêque de Paris, fut un des grands appuis du préfet de la Seine. Il le lui dit un jour publiquement et le félicita d’exercer un apostolat, en combattant indirectement, mais sûrement, la misère morale.
A vrai dire, de son côté, Louis Veuillot flétrissait « le préfet Haussmann, violateur du dimanche ». Faisant allusion à des travaux de démolition auxquels on procédait aux portes de Saint-Germain-des-Prés, l’intrépide journaliste écrivait : « II démolit de toute sa force les commandements de Dieu en même temps que les maisons de Paris. »
Bien que luthérien, Haussmann comprenait l’importance de la religion dans les écoles et favorisa autant qu’il put les maîtres congréganistes. Dans chacun des quatre-vingts quartiers de Paris, il établit parallèlement deux écoles communales de garçons et de filles, l’une laïque, l’autre congréganiste. De même il créa deux asiles communaux, l’un tenu par une laïque, l’autre par une religieuse, laissant les parents parfaitement libres de choisir la maison qui leur convenait.
L’émission « C’est pas sorcier » explique les travaux du baron Haussmann
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