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Selon l’association Anticor, l’implantation de la future prison au Muy sur des terres agricoles serait le fruit d’un conflit d’intérêts au sein de Dracénie Provence Verdon agglomération. L’organisme a envoyé un signalement au Parquet de Draguignan. De son côté, Richard Strambio a lui aussi alerté le procureur.
La manière dont le projet a été amené et l’implication de certains intervenants laissent penser la présence d’un conflit d’intérêts », explique Jean Galli, référent d’Anticor 83, l’association qui dénonce la corruption au sein des élus et de l’administration.
Directement visés par ce constat, Richard Strambio, président de Dracénie Provence Verdon agglomération (DPVa) et maire de Draguignan (lire par ailleurs), et Frédéric Rannou, ancien directeur général adjoint de la collectivité.
“Le fait que l’Agence publique pour l’immobilier de la justice (Apij), ni l’agglomération, ni la mairie du Muy ne soit claire sur l’emprise envisagée de la prison pose question, s’interroge Jean Galli. Une emprise qui sera prochainement définie (voir ci-contre).
Représentante d’un des propriétaires qui sera à terme exproprié par le projet, Me Isabelle Lavignac est également plus que sceptique.
“Le projet s’étend sur un périmètre de 75 hectares, mais l’emprise réelle de la prison est de 15 hectares, selon les prévisions de l’organisme public”, note-t-elle. “Or, on ne sait pas si cette installation aura lieu au sud sur des terres agricoles en friches, ou au nord sur des terres agricoles cultivées qui produisent un Côtes de Provence sous appellation d’origine contrôlée.”
Au cours de leurs investigations, Jean Galli et Me Lavignac ont tous les deux estimé que l’implantation, a priori définitive au nord de la parcelle choisie, serait le fruit d’un conflit d’intérêts.
“Parmi les propriétaires des 75 hectares figurent plusieurs entités au sud des Ferrières: il y a Établissement public foncier Provence-Alpes-Côte d’Azur (EPF Paca), mais aussi la SCP HortiFrance et la société civile agricole Riviera Plant Company”, énumère l’avocate.
“Or, quand on s’attarde sur les personnes derrière ces sociétés, on trouve Alain Samson comme président des deux sociétés”, détaille Jean Galli. “Et chose plus intéressante encore, il se trouve que Frédéric Rannou est le directeur général de la société HortiFrance.”
Jusqu’en septembre 2020, Frédéric Rannou était directeur général adjoint au sein de DPVa, en charge du pôle développement économique, de l’aménagement et du patrimoine. Fonction qu’il a quittée pour devenir…promoteur immobilier. C’est le 30 septembre 2020 qu’il a d’ailleurs pris ses fonctions de directeur général de la société Hortifrance.
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Me Lavignac est allée encore plus loin dans ses recherches. “Quand on décortique les statuts de ces sociétés, toutes immatriculées dans le Calvados, on découvre qu’ HortiFrance et Riviera Plant sont toutes imbriquées les unes aux autres. Ces structures sont en réalité des dépendances d’une entité plus importante, toujours au nom de M.Samson: Samfi Invest dont le capital social est de 57,8 millions d’euros”, détaille-t-elle.
“Et en novembre 2020, Frédéric Rannou, à travers sa société CD conseil, a été nommé directeur général de Riviera Plant”, complète l’avocate marseillaise.
“Le conflit d’intérêts est clair”, estime Jean Galli d’Anticor 83, ajoutant qu’il pourrait y avoir eu également “du trafic d’influence.”
Si l’implantation de la future prison n’est pas encore définie, la mairie comme l’agglomération prônent une installation au nord de la zone, à proximité immédiate du Collet-Redon.
Le 21 décembre 2021, Richard Strambio a envoyé une lettre à Éric Dupond-Moretti, le ministre de la Justice. Dans le document, le président de l’agglomération (DPVa) demande au ministre que le projet soit réalisé au nord des 75 hectares retenus.
“J’ai pris bonne note, à regret, de votre décision d’implanter une maison d’arrêt sur le site dit d’Arc Sud, sur la commune du Muy”, débute Richard Strambio. “Cette décision me semble avoir porté une considération trop rapide aux alternatives que j’avais proposées dans un esprit constructif, afin de préserver un site identifié de longue date comme le poumon économique d’avenir de la Dracénie.”
Depuis l’émergence du projet de prison au Muy, l’agglomération souhaitait à tout prix qu’elle ne soit pas à l’entrée du territoire et ainsi y développer un lieu pour “les entreprises du territoire aujourd’hui situées en zone inondable”, comme l’explique Richard Strambio dans son courrier. Un lieu de choix avec “la nouvelle gare sur la ligne nouvelle Provence Côte d’Azur” à l’étude.
Ainsi, ces 75 hectares seraient constitués d’un nouveau centre d’activités multisectoriel au sud, ainsi que d’une gare accueillant une ligne à grande vitesse. Au nord serait implantée la prison, en lieu et place des vignes.
“Au final, c’est une décision qui bénéficierait d’une manière ou d’une autre à M. Samson et à M. Rannou”, estime Me Isabelle Lavignac. “Et à la fin, ce sont des petits particuliers qui seraient lésés.”
“La réalisation et la vente de projets immobiliers généreront des millions d’euros qui bénéficieront à ces entreprises”, ajoute Jean Galli. “Et ce courrier de M. Strambio favorise clairement M. Rannou et les sociétés pour lesquelles il travaille.”
Pour le référent d’Anticor 83, la situation est claire: “L’implication de certains intervenants pourrait créer des situations de conflits d’intérêts, prises illégales d’intérêts et de trafic d’influence. Ces faits relèveraient des dispositions des articles 432-12 et 433-2 du Code pénal.”
À savoir le fait, par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public ou par une personne investie d’un mandat électif public, de prendre, recevoir ou conserver, directement ou indirectement, un intérêt.
Des faits punis par la loi de cinq ans d’emprisonnement et d’une amende de minimum 500.000 euros.
“Nous avons fait un signalement au procureur de la République de Draguignan”, prévient Jean Galli. “Nous allons déposer plainte dans les prochains jours”, conclut Me Lavignac.
Contacté, Richard Strambio, président de DPVa et maire de Draguignan, a réagi au rapport émis par l’association et balaie les accusations le visant (voir ci-contre).
Malgré nos sollicitations, Frédéric Rannou n’a pas souhaité répondre à nos questions. “Je n’ai connaissance d’aucune information à ce sujet”, a-t-il indiqué refusant toute rencontre à ce sujet. “J’ai quitté DPVa le 20 septembre 2020 et n’ai jamais été en charge de ce dossier.”
Visé par le rapport d’Anticor 83, Richard Strambio, maire de Draguignan et président de Dracénie Provence Verdon agglomération s’estime dans son bon droit. “Je n’étais pas au courant des activités de M. Rannou. Quand un agent demande une disponibilité, je n’ai pas la curiosité de demander ce qu’il fait par la suite”, a-t-il réagi. “Quand j’en ai pris connaissance, j’ai alerté le service juridique de l’agglomération et je me suis immédiatement rapproché du procureur de la République de Draguignan.”
À propos du courrier envoyé au ministre de la Justice en décembre 2021, Richard Strambio campe sur ses positions. “Mon courrier a pour objectif de défendre les intérêts du territoire et de préserver sa porte d’entrée”, explique-t-il.
“Ce terrain choisi par l’Apij pose problème tant par son emplacement que par la présence de terres agricoles de qualité.”
Sans oublier de rappeler qu’il s’est toujours battu avec Liliane Boyer, la maire du Muy, pour que la prison ne se fasse pas à cet endroit.
“Nous avons multiplié les rencontres à la préfecture et proposé de nombreux endroits de substitution. En vain”, déplore Richard Strambio.
Et de conclure à propos de Frédéric Rannou. “Je ne sais pas quelles sont les intentions de ce personnage, mais cela jette le discrédit sur l’administration et sur les élus. Une chose inacceptable”, estime-t-il. “Que quelqu’un spécule sur le développement économique et agricole d’un territoire ne me convient pas éthiquement.”
Richard Strambio laisse désormais le soin à la justice de faire la lumière à ce sujet, et a d’ores et déjà pris attache avec un avocat.
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