Une partie de ping-pong. Lundi 30 mai, Clotilde Gauci, avocate de l’Agglomération Pays basque, a répondu point par point à ses cinq homologues. Ces derniers défendaient les intérêts d’une vingtaine de sociétés et une cinquantaine de propriétaires de meublés de tourisme, devant le tribunal administratif de Pau. Les requérants demandaient la suspension en urgence de la délibération intercommunale du 5 mars 2022, qui instaure le principe de compensation des meublés de tourisme. Cela dans les 24 communes de la zone tendue. Elle doit entrer en vigueur…
Une partie de ping-pong. Lundi 30 mai, Clotilde Gauci, avocate de l’Agglomération Pays basque, a répondu point par point à ses cinq homologues. Ces derniers défendaient les intérêts d’une vingtaine de sociétés et une cinquantaine de propriétaires de meublés de tourisme, devant le tribunal administratif de Pau. Les requérants demandaient la suspension en urgence de la délibération intercommunale du 5 mars 2022, qui instaure le principe de compensation des meublés de tourisme. Cela dans les 24 communes de la zone tendue. Elle doit entrer en vigueur le 1er juin.
Le dossier est technique et politique. « Est-ce qu’on est sur un débat moral ? », questionne même Me Olivier Bonneau, défenseur de neuf conciergeries. Me Gauci venait d’évoquer la société Leyorra, qui « loue un bien 9 000 euros pour une semaine ». Les débats ont décortiqué les cas d’espèce. Il fallait entrer dans ces détails pour évaluer l’urgence à suspendre la délibération. C’est le premier critère d’une action en référé.
Alors Victor Steinberg présente les quatre gestionnaires de biens qu’il défend : « Ils vont perdre 100 % de leur chiffre d’affaires. Ces sociétés risquent la liquidation. » Me Bonneau éreinte « une décision violente » qui « porte immédiatement atteinte aux intérêts de (ses) clients ». Il mentionne Les Clés biarrotes et Les Clés de Saint-Jean-de-Luz, qui vont devoir « changer d’activité ».
« Ces deux entreprises travaillent avec des personnes physiques qui ont obtenu des autorisations pour trois ans », souligne Me Gauci. Référence au précédent règlement de l’Agglomération sur la transformation d’un logement classique en meublé de tourisme. Adopté fin 2009, il permettait aux propriétaires, hors entreprises, la location de tourisme pendant trois ans. Ces baux iront à expiration. « L’urgence n’est pas caractérisée. »
Manuel Velasco plaide pour « trois entreprises familiales qui ne bénéficient pas des trois ans d’autorisation, puisque les personnes morales n’y ont pas droit ». « Je vois là trois sociétés créées pour échapper à la règle des trois ans », contre Me Gauci. Car ce qui semble un sursis aujourd’hui était hier une limite. « Et vos clients viennent arguer de cela pour dire qu’il y a urgence à suspendre la compensation ! »
Me Steinberg insiste : ses clients comptent sur la location touristique pour payer leurs charges. CQFD, estime Me Gauci : le meublé de tourisme est devenu un élément de financement pour des investissements trop gros. Essentiellement des résidences secondaires. « Si vous louez 40 % du temps votre logement à Biarritz, c’est quatre fois plus rentable que la location classique. » L’inflation des prix s’en nourrirait.
Le tribunal doit aussi déterminer s’il y a « un doute sérieux » quant à la légalité de la délibération du 5 mars. Résumons : pour limiter le droit de propriété et le principe européen de libre prestation de service, une collectivité doit répondre à l’intérêt général et employer des moyens « proportionnés ». Les requérants contestent la compensation sur les deux fronts. « On n’a pas d’éléments concrets qui prouvent la pénurie de logements », résume Me Steinberg.
Me Gauci cite l’étude de l’Agence d’urbanisme Atlantique et Pyrénées sur laquelle l’Intercommunalité fonde sa mesure : « Le nombre d’annonces pour du meublé de tourisme sur les principaux sites a augmenté de 130 % entre 2016 à 2020. » D’environ 7 000 à plus de 16 000. « Le nombre d’annonces a baissé entre 2019 et 2020 », oppose Me Steinberg. Une inflexion due, selon lui, moins à la crise sanitaire qu’à l’instauration du précédent règlement sur les meublés de tourisme. Me Gauci rappelle qu’il n’est pas coercitif.
Les avocats coalisés tirent sur un « régime de quasi-interdiction ». Donc disproportionné. Tous rappellent les termes stricts de la compensation : pour pouvoir basculer un logement en meublé de tourisme, il faut en créer un autre à partir d’un local commercial ou de stockage, situé dans la même ville, en étage. « Il n’existe pas de possibilité concrète pour les loueurs de satisfaire à cela. » Ceux-ci ne seraient pas égaux d’une ville à l’autre. « Les stocks ne sont pas le mêmes à Biarritz qu’à Biriatou », soulève Me Steinberg.
Me Gauci renvoie à la tension sur le logement, au Pays basque. À l’intérêt général. Quand ses vis-à-vis s’évertuent à laisser le débat à sa dimension technique, elle conclut son propos par les attentes sociales qui le sous-tendent. Mentionne la manifestation du 20 novembre dernier, où 8 000 personnes ont défilé à Bayonne pour le droit à se loger. Le tribunal a mis sa décision en délibéré.

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