Les promoteurs immobiliers et la Ville de Montréal sont-ils condamnés à ne pas s’entendre ? La présidente de Prével, Laurence Vincent, juge pour sa part que la lourdeur bureaucratique de l’appareil municipal transforme en « chemin de croix » la réalisation de projets immobiliers dans la métropole.
« Les pouvoirs publics sont devenus des machines à contraintes », résume Laurence Vincent, qui s’est vidé le cœur à l’occasion du Forum stratégique sur les grands projets métropolitains organisé vendredi par la Chambre de commerce du Montréal métropolitain au Palais des congrès.
La femme d’affaires a relaté le laborieux cheminement du projet Esplanade Cartier que Prével souhaite réaliser dans le quartier Centre-Sud, au pied du pont Jacques-Cartier. Le complexe immobilier prévoit jusqu’à 2000 unités résidentielles, des commerces de proximité, des rues partagées, un parc central, un projet d’agriculture urbaine, en plus d’accueillir la maison du Y des femmes.
À l’automne 2018, Prével a fait l’acquisition d’un immense terrain bétonné de 400 000 pieds carrés. Laurence Vincent fait valoir que son entreprise, sensible aux enjeux de cohabitation, a mené des consultations locales et soigneusement élaboré son projet.
Mais un tel « projet exemplaire » ne garantit pas une approbation rapide de la part des autorités, a-t-elle souligné en citant trois obstacles majeurs : les très longs délais de traitement des dossiers, la « peur politique de la densité » et le syndrome « pas dans ma cour » qui « permet à quelques citoyens de priver des milliers d’autres d’un logement ».
Laurence Vincent en veut à la Ville d’avoir réduit les hauteurs autorisées et limité les superficies de plancher permises dans le Programme particulier d’urbanisme (PPU) des Faubourgs malgré l’accueil favorable de l’Office de consultation publique de Montréal quant à ces éléments. Ballottée d’un service de la Ville à l’autre, l’entreprise risque même de devoir se plier à un processus référendaire, a-t-elle déploré.
« Le problème vient de la rigidité administrative », a-t-elle dit en reprochant à la Ville d’imposer un « chemin de croix » aux promoteurs plutôt que de les considérer comme de « vrais partenaires ». « Ça va prendre un changement de culture et beaucoup de courage politique pour réussir à offrir de l’habitation à la hauteur des besoins de notre métropole. […] Je crois qu’on se doit de faire mieux, surtout en pleine crise du logement. »
Au passage, elle signale que Prével a pris soin de protéger les vues sur le pont Jacques-Cartier dans ses plans. « Et après avoir mis autant d’efforts, on retient notre souffle parce qu’il va peut-être y avoir un REM [Réseau express métropolitain] qui va passer pour couper la vue qu’on avait tellement travaillé à préserver. »
L’exaspération de Laurence Vincent n’est pas sans rappeler celle exprimée récemment par les promoteurs immobiliers impliqués dans le développement du secteur Bridge-Bonaventure. Dans une sortie commune, les représentants de Devimco, du Groupe Mach et de COPRIM avaient reproché à la Ville de ne pas les écouter et de n’en faire qu’à sa tête dans la planification de ce secteur en réduisant les densités permises, ce qui, selon eux, ne permettra pas de rentabiliser les projets de construction. « Le privé est tenu de côté, bâillonné, diabolisé », s’était insurgé Serge Goulet, président de Devimco.
Présent lors de l’événement, le responsable du développement économique au comité exécutif de la Ville de Montréal, Luc Rabouin, a rappelé que la Ville travaillait à la mise sur pied d’une « cellule facilitatrice » afin d’accompagner les promoteurs dans le cheminement des projets immobiliers. Cette unité, qui a déjà commencé ses travaux, regroupe notamment des représentants des services de la Ville, des membres de l’Institut de développement urbain du Québec (IDU) et des promoteurs immobiliers.
« On sait que les processus sont laborieux », a reconnu l’élu. « On discute vraiment de notre vision des choses afin d’établir un canal de communication parce que, des fois, on a de la difficulté à se comprendre. On a déjà fait une analyse des principales difficultés ».
Luc Rabouin soutient qu’un plan d’action sera déposé à l’automne. Selon lui, les promoteurs immobiliers souhaitent connaître, plus tôt dans le processus d’élaboration de leurs projets, les attentes de la Ville de manière à ne pas se retrouver, après des années de préparation, face à de nouveaux obstacles avec le sentiment d’avoir perdu leur temps. « Il faut trouver des façons de se parler dès le début », insiste-t-il tout en soulignant la nécessité, pour les élus, de se protéger des activités de lobbying.
Voulez-vous activer les alertes du navigateur?

source

Catégorisé: