Des crânes et des fémurs, par millions. Empilés en murets dans le plus grand ossuaire de France. La visite des catacombes de Paris, sous la place Denfert-Rochereau (XIVe), laisse rarement indifférent. Elle impressionne par la masse de squelettes démembrés entassés à 20 m sous terre. On pénètre dans le cœur des ténèbres avec le tournis, après la descente de 120 marches d’un étroit escalier en colimaçon. Une fois maîtrisés le taux d’humidité (au-dessus de 60 %) et l’éventuelle sensation de malaise des premiers instants, on s’habitue très vite à cette décoration mortuaire. Les catacombes s’étirent sur un dédale d’1,5 km de carrières du Moyen Age.
La pierre calcaire des sous-sols parisiens était extraite pour les constructions des monuments, des églises. « Tout le Paris médiéval s’est construit à partir de la terre d’ici, les ossements ont commencé à être transférés à la fin du XVIIIe, pour désengorger les cimetières », éclaire Frédéric Franck, administrateur des Catacombes de Paris.
Les premiers transferts de squelettes remontent à 1785. Le cimetière des Saints-Innocents, aux Halles, lance le bal. « Les transferts ont été nombreux jusqu’à l’ouverture du site au public, en 1809 », précise Sylvie Robin, conservatrice des Catacombes. A partir de 1788, l’ossuaire sert de lieu de sépulture aux victimes des révolutions parisiennes. Ouvriers, prisonniers massacrés et émeutiers tombent aux catacombes. Des plaques indiquent les provenances : Blancs Manteaux, Saint-Eustache, Saint Landry, Saint-André-des-Arts…
Pour ne pas froisser les religieux, les cercueils étaient déposés de nuit. Les squelettes étaient jetés par des puits, dans un fracas d’os desséchés. Les millions de crânes exposés ont perdu leur mâchoire dans cette chute brutale.
Les fémurs ont été méticuleusement posés les uns sur les autres, comme un parement, entrecoupés de rangées de crânes. Par endroits, les murets (appelés hagues) ressortent, bombés, comme prêts à tomber. Pour d’autres, ils sont parfaitement droits. « Nous démontons et remontons les hagues qui s’affaissent, explique Sylvie Robin. Il faut une semaine, à deux personnes, pour en refaire une. C’est rapide parce que les ossements servent de parement. Derrière, ce sont des remblais de carrière. »
Au XXe siècle, l’Inspection générale des carrières, qui gérait le site (lire l’encadré) jusqu’à ce que le musée Carnavalet prenne la relève en 2001, versait du ciment sur les ossements. Au lieu d’un effet colle escompté, les hagues se sont alourdies et affaissées.
Au fil de la visite, les allées s’élargissent, s’ouvrent sur des espaces plus aérés. Ici les os forment comme un gros tonneau. Là repose une lampe sépulcrale, une lampe à huile où brûlait une flamme permanente. L’air chaud provoquait ainsi des mouvements d’air dans les galeries souterraines. Une trouvaille ingénieuse pour aérer les catacombes.
Plus loin, le couloir s’élargit sur un tombeau (vide) près duquel on peut lire « silence êtres mortels, vaines grandeurs, silence. » Le long du parcours, agrémenté de lumière, des citations sont gravées sur des plaques en latin ou en français. Toutes en lien avec la mort, elles alourdissent l’atmosphère ou prêtent à sourire. « C’est ici que le plus grand des maîtres, le Tombeau, tient son école de vérité », ou « Dispose de tes biens parce que tu mourras. »
Une trentaine de gardiens veillent sur les Catacombes. Quand les fanatiques du morbide comprennent qu’ils seront fouillés à la sortie, ils jettent discrètement crâne, sacrum ou cubitus du haut de l’escalier en colimaçon. L’os se fracasse une nouvelle fois, au cœur des ténèbres. Ces morts ne trouveront-ils jamais le repos éternel ?
Catacombes de Paris, 1, avenue du Colonel Henri-Rol-Tanguy (XIVe). Ouvert tous les jours sauf lundi de 10 heures à 20 h 30. Tarifs : 11 € à 13 €, gratuit pour les moins de 18 ans. Visite guidée tous les jeudis à 13 heures (5 à 7 € supplémentaires). Tél. 01.43.22.47.63. Rens : https://www.catacombes.paris.fr
Héricart de Thury est nommé à la tête de l’inspection générale des carrières en 1807. C’est à lui qu’on doit l’aménagement des catacombes. Ils range les ossements, organise la circulation de l’air, consolide les galeries. Pour donner un aspect imposant à l’ossuaire, il fait élever des piliers de soutènement en forme de pyramides, qu’il fait peindre de blanc et de noir. D’autres sont en sarcophages antiques. Il fait construire un tombeau vide.
«Il était très pieux et scientifique, analyse Sylvie Robin, conservatrice des Catacombes. Il a été très sollicité pour des visites avant l’ouverture au public, je pense qu’il a voulu laissé sa marque en valorisant le site. » Héricart de Thury est aussi à l’origine des plaques de citations qui accompagnent le visiteur, parce que la mort se pare de romantisme à cette époque.
Le service dirigé par Héricart de Thury est né en 1777, pour consolider la voie publique et les galeries une fois les carrières exploitées. Les sous-sols de Paris sont un gruyère et les effondrements de maisons se multiplient. Les galeries souterraines forment un labyrinthe de plus de 250 kms !
Aujourd’hui, l’IGC encadre tous les travaux dans les sous-sols et apporte une assistante technique. Elle renforce aussi la sécurité des accès des carrières, dans lesquelles la police a verbalisé plus de 1 500 personnes l’année dernière. Les adeptes du morbide aiment, eux, se retrouver dans l’ossuaire. Au jour de l’an 2017, des fêtards avaient inscrit sur une bouche d’accès, dans la rue, l’accès à la soirée. L’IGC a découvert le message et a scellé la plaque. Les fêtards déçus avaient recouvert l’invitation par «les carottes sont cuites».
A l’entrée de l’ossuaire, jusqu’à la fin 2019, les catacombes expose « Histoire de squelettes », la fouille menée par Isabelle Abadie, archéologue à l’Inrap (Institut national de recherches archéologiques préventives) sur l’ancien cimetière de l’hôpital de la Trinité. Sous le Monoprix du boulevard Sébastopol, les fouilles ont mis à jour 315 morts répartis dans neuf fosses communes. On pensait ce cimetière du Moyen Age entièrement vidé aux catacombes, mais non !
Les découvertes montrent les squelettes posés tête-bêche et en quinconce, pour gagner de la place. Des hommes, des femmes, des enfants, qui ont succombé en masse. L’étude de l’ADN des dents permettra de savoir si ces personnes ont été victimes de la peste au XIIIe siècle, de la variole au XVIIe… Rares sont les occasions offertes aux archéologiques d’étudier des hôpitaux médiévaux et leur cimetière. Cette découverte permettra de mieux connaître les Parisiens entre le XIIIe et XVIIe siècle.
Déjeuner au Comptoir des catacombes, un bistrot juste en face, au 18, avenue René Coty (XIVe). La formule midi entrée-plat ou plat-dessert est à 15 €. Sur la façade, la street-artiste Miss. Tic a graffé « sourire nuit gravement à la morosité ». Ouvert tous les jours. Tél. 01.43.22.61.91
Se promener dans le joli parc Montsouris (XIVe) agrémenté d’un lac artificiel. Ce jardin public à l’anglaise, de 1869, s’étend sur 15 ha. Il est riche en arbres, oiseaux et rongeurs.
Découvrir les Grands-Voisins, un lieu convivial aménagé jusqu’en 2020 dans un ancien hôpital. On y découvre des expositions d’art éphémères, des start-up innovantes, on boit un verre à la terrasse de la Lingerie. Au 74 avenue Denfert-Rochereau (XIVe). Entrée libre.
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