Oui, il est possible d’aller chercher du bois de chauffage dans les forêts sous certaines conditions. Et elles sont restrictives. Se chauffer au bois à pas (trop) cher n’est pas si simple.
Avec ses 450 hectares de forêt, la commune de Gouffern-en-Auge peut offrir un joli cadeau à ses habitants. 
Equipés de tronçonneuses, mais aussi de tenues et de matériels de protection adaptés, ils vont devenir  bûcherons amateurs. Juste le temps d’une coupe. Et s’ils abattent par eux-mêmes les arbres marqués par l’office national des forêts, c’est que le prix en vaut la peine.
15 euros le stère de bois au lieu de 90 euros en moyenne
Le stère est vendu 6 fois moins cher que sur le marché. Profiter de l’aubaine n’est pas donné à tout le monde : il faut habiter la commune et avoir été tiré au sort. Un contrat est alors signé avec la mairie.

Les habitants qui vont chercher du bois sur pied s’engagent à ne prélever que ce qui leur a été attribué par la mairie. Autrement dit 30 stères maximum par foyer et par an. Et pas question de le revendre au plus offrant. L’usage doit être domestique et personnel.
Le code forestier précise  toutes les conditions de ce genre d’opération. 
Les habitants de Gouffern-en-Auge profitent d’une pratique très ancienne, qui remonte au Moyen-Âge. L’affouage permet aux habitants de venir prélever du bois communal.
La réponse est « non ». Jean-François Cheny de l’Office National des Forêts (ONF) de Rouen s’explique : ” depuis le XIXe siècle la surface de la forêt française a certes doublé. Mais les collectivités ne possèdent que 15% de cette surface. Et c’est à mettre en regard de la pression des besoins énergétiques de 68 millions de Français aujourd’hui.”
Très rare en Normandie, la tradition est plus vivace dans les forêts du Jura.
Dans l’Est de la France, les surfaces de bois sont bien plus importantes. Il faudrait au moins 200 hectares pour que l’affouage soit possible en maintenant une gestion durable du bois. Les forêts communales normandes sont souvent trop petites ou le terrain ne se prête pas à ce type de pratique”, souligne Jean-François Cheny. 
Sur les 420 000 hectares de forêts normandes, 320 000 hectares appartiennent à des propriétaires privés. Odile Lobreaux de la Draaf précise qu’ “il est possible d’aller chercher son bois dans ces parcelles, mais il est évident qu’il faut au préalable un accord avec le propriétaire. Celui-ci peut se réserver le bois de chauffage qu’il revend ensuite à des particuliers. Il faut dans ce cas qu’un contrat soit passé.”
La technicienne de la Draaf nuance. “Une fois le contrat signé, dans le cas où l’on vient couper soi-même du bois, la situation n’est pas toujours souhaitable : on ne regarde la forêt qu’en fonction de notre besoin de bois-bûche.”

 
Quand on n’est pas sylviculteur, on peut faire des dégâts, couper un arbre qu’il aurait fallu laisser sur pied. Les marquages faits par les propriétaires pour indiquer quel arbre prendre ne sont pas toujours faits, ça leur prend du temps

Pour les forêts publiques, prélever du bois peut sembler quasiment impossible. La pratique est rare mais autorisée en campagne au cas par cas. La première condition est bien entendu d’avoir signé un contrat avec l’ONF via le garde forestier. Et des règles strictes sont établies, comme de ne pas couper de bois d’un diamètre inférieur à 7 cm (pour préserver les jeunes branches et arbres) ou supérieur à 30 cm (pour des raisons de sécurité lors de l’abattage). 
Il est aussi interdit de ramasser du bois mort ou tombé au sol pour alimenter votre cheminée ou poêle à bois. Jean-François Cheny, de l’Office National des Forêts de Rouen explique que  “ces arbres morts ou qui semblent l’être jouent un rôle essentiel en tant qu’habitat pour la faune. Même les branches déjà tombées au sol sont indispensables à l’écosystème puisqu’elles vont venir enrichir le sol.”

Et le bois de haies?
Dans la région, une autre source d’approvisionnement en bois découpe le paysage du bocage. Les haies ont toujours aidé les agriculteurs et leurs voisins à se chauffer.  “Il y a eu une déprise de cette tradition”, note Rémi Picavet de Bois Bocage Haienergie. “L’arrivée des combustibles fossiles dans les années 70 a fait perdre de son intérêt à cette ressource qui était primordiale.”
Il faut prévoir d’y mettre un peu de sueur pour récupérer du bois à pas cher

En moyenne dans l’Orne, les éleveurs possèdent 10 à 15 km de haies. Aujourd’hui, le bois de chauffe que produisent ces haies agricoles suscite un regain d’intérêt. Interrogé sur la question, Hubert Marin, agriculteur estime que “des agriculteurs seraient prêts à revendre du bois de haie à des particuliers. Vu le manque de main d’œuvre dans le monde agricole, il faut que ce soit un chantier clef en main. C’est au particulier de venir avec son matériel pour tailler les haies et récupérer des stères à un prix raisonnable“. À charge aussi à l’acheteur de stocker ce bois afin de le faire sécher. Cela rappellerait bien l’affouage, mais la pratique est ici moins encadrée. 

Le bois de chauffe est souvent vendu au noir. D’ailleurs, sur 50 millions de stères brûlés pour se chauffer dans les cheminées et poêles, les ventes déclarées en France ne dépassent pas les 7 à 8 millions de tonnes.
Certes, l’autoconsommation existe bien. Mais pour ce qui est du bois vendu au marché noir, “les deux problématiques que l’on peut rencontrer, c’est le taux réel d’humidité du bois, et les essences qui sont vendues. Des facteurs déterminants pour le rendement en kilowatt-heure du bois brûlé” , précise Rémi Picavet de Bois Bocage Haienergie. Or, il est difficile d’être certain des essences de bois vendues par des particuliers.
Enfin, aller chercher son bois en forêt ou dans les haies bocagères reste une bonne idée. Seulement si la distance avec votre cheminée ou poêle à bois est raisonnable.  

 

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