Le long du parking du centre Juno Beach, dédié aux Canadiens pendant la Seconde Guerre mondiale, les graffitis sur les pancartes du projet immobilier des Dunes rappellent un long combat. Celui contre cette résidence de près de 70 logements, qui, selon le calendrier initial, aurait déjà dû être debout aujourd’hui. Mais cela n’arrivera pas. « C’est une bonne nouvelle, saluent Annick et Maurice, deux familiers de la ville. Ça paraissait aberrant par rapport à l’environnement historique et l’environnement tout court ».
Le 30 septembre dernier, la municipalité a voté le rachat du terrain à Foncim, le promoteur englué depuis des mois dans un feuilleton devenu public, juridique et diplomatique. Anne-Marie Philippeaux, la maire, retrace les derniers mois : « Depuis le début de l’année, le sujet avait pris une autre tournure. La justice avait donné à Foncim un droit de passage vers le terrain par la route du centre Juno Beach. Le chantier devait commencer en septembre. Ça risquait de mal tourner, donc il fallait réussir une médiation ». Au printemps, la ville, le musée et Foncim avaient été conviés à des temps d’échanges, sous l’égide d’une magistrate puis du préfet.
Et si une autorité officielle s’est mêlée aux débats, c’est qu’en coulisses, « la diplomatie est entrée en jeu », indique Nathalie Worthington, la directrice du centre Juno Beach. « Dès le mois de janvier, quand la justice a donné raison à Foncim, nous avons tiré la sonnette d’alarme. Au Canada, 90 000 personnes ont écrit à leurs élus. Une campagne intitulée « Save Juno » a été lancée », narre la responsable. Le 13 avril dernier, le ministre des Anciens combattants canadiens, Lawrence MacAulay, s’était même rendu sur le site, accompagné par des députés de tous bords politiques. Une visite bien au-delà du symbole.
Cette mobilisation découlait de la menace vitale, aux yeux du musée, incarnée par le projet immobilier. Pour Nathalie Worthington, rien que le chantier aurait « entraîné une thrombose du site. La route d’accès, financée par les Canadiens en 2003, est petite. Le centre n’aurait plus été irrigué par les visiteurs. Les cars touristiques seraient venus une fois et ne seraient plus revenus ensuite ». La bataille de la route avait d’ailleurs été au cœur de procédures judiciaires. « Les actions devant les tribunaux ont permis de gagner du temps », confie la directrice, qui dit ressentir aujourd’hui « un soulagement progressif, qui sera total quand tout sera acté d’ici la fin d’année ».
« Le droit était avec Foncim mais ils ont compris que tout le monde risquait d’être contre eux, analyse la maire. Le centre Juno Beach et le promoteur avaient finalement tout à perdre. Il fallait être intelligent ». Les négociations ont pris un autre tournant au début de l’année, pour aboutir au renoncement du projet.
Contacté, l’opérateur immobilier n’a pas souhaité faire de commentaire. Courseulles-sur-Mer rachète le terrain pour 1,45 million d’euros. La communauté de communes contribue à hauteur de 100 000 euros, le département à hauteur de 150 000 euros. La ville, elle, a contracté un emprunt, justifié par Anne-Marie Philippeaux : « Ce n’était pas prévu, mais c’était une promesse électorale en 2020. Bien sûr, nous n’étions pas certaines de réussir à faire annuler le projet. C’est un soulagement ». Les gouvernements français et canadiens mettent également la main au portefeuille pour solder cette affaire. Radio Canada indique notamment que le Canada verse quatre millions d’euros. La contribution française n’est pas révélée.
Tué dans l’œuf, le projet laisse quelques regrets à une restauratrice du centre-ville : « La résidence était jolie et elle aurait apporté du monde, d’autant que certains acheteurs avaient pour projet d’y vivre à l’année. C’est dommage ».
Se pose désormais la question de l’avenir de cette péninsule du centre Juno Beach, délimitée par les bras de mer du port. « Nous travaillons pour réorganiser le bail emphytéotique du centre Juno Beach, reprend la maire de la ville. Il n’y aura bien sûr pas de construction habitable ». Ce que partage Nathalie Worthington, déterminée à « sacraliser les lieux. On va revenir à la vision des fondateurs du site. Notre logique, déjà à l’œuvre, c’est la Mémoire et l’environnement ».
Un projet imbriquant Histoire et développement durable sera développé ces prochaines années, sur les hauteurs de la plage Juno, où débarquèrent les Canadiens le 6 juin 1944.
Guide Shopping Le Parisien
Annonces légales
Codes promo
Annonces auto
Profitez des avantages de l’offre numérique
© Le Parisien

source

Catégorisé: