Une centaine de produits chimiques vient d’être identifiée dans des eaux de montagne en Ariège et Haute-Garonne par des scientifiques installés à Toulouse. Cette pollution d’origine humaine a entraîné la disparition de planctons et serait potentiellement dangereuse pour l’Homme.
En 2016, Adeline Loyau et Dirk Schmeller, tous deux scientifiques au sein du laboratoire écologie fonctionnelle et environnement de Toulouse ont constaté que les planctons présents dans l’eau des lacs de la région mouraient de façon rapide et inexpliquée. Ils décident d’entamer des analyses pour évaluer la qualité des eaux et tenter de comprendre les raisons de cette mortalité. Six ans après le début de leurs investigations, les deux chercheurs sont formels : l’eau des lacs est polluée. Un composé toxique complexe, qui résulte d’un mélange de plusieurs produits chimiques dans l’eau, empoisonne et menace l’écosystème.
En Occitanie, au moins quatre points d’eau sont concernés dont l’Ayès dans l’Ariège et le lac de Madamètte dans les Hautes-Pyrénées. Pesticides, herbicides, antiparasitaires : selon les scientifiques toulousains, c’est un véritable “cocktail” toxique qui pollue l’eau des lacs. Pour l’heure, les ils ignorent ses effets sur l’Homme. 
Pour réaliser leur étude, les scientifiques ont placé des plaques en silicone dans l’eau. Changées toutes les huit semaines, ces plaques absorbent les composantes de l’eau avant d’être analysées par les scientifiques. “Le silicone permet d’imiter le gras des corps présents dans l’eau. C’est sur ce gras que viennent se poser les composés toxiques”, détaille Dirk Schmeller. 
Lorsque l’on a une concentration très importante de toxicité dans l’eau, tous les planctons meurent

Au cours de ces analyses, les scientifiques ont pu identifier les différents composés chimiques présents dans l’eau. “On s’est rendu compte que plus il y avait de produits chimiques, moins il y avait de planctons, d’algues et de crustacés”, assure Dirk Schmeller. “Lorsque l’on a une concentration très importante de toxicité dans l’eau, tous les planctons meurent”, renchérit Adeline Loyau. 
La mortalité du plancton peut avoir des effets néfastes conséquents sur l’ensemble des écosystèmes naturels comme la prolifération d’algues toxiques dans l’eau, indiquent les scientifiques. 
Parmi les centaines de molécules identifiées au cours de cette étude et responsables de la disparition de plancton par endroit, “141 sont confirmées toxiques”, selon les scientifiques. Une toxicité basse ou élevée qui menace d’abord la survie des planctons dans l’eau. 
Ce mélange, on ne sait pas ce que ça peut donner sur l’Homme
D’après l’étude, la présence de toutes ces molécules dans l’eau pourrait aussi avoir des effets sur l’Homme. “Personne n’a connaissance d’effets que peuvent avoir toutes ces substances sur les animaux ni sur nous. Quels genres de maladies cela peut provoquer ?” interrogent les scientifiques. Impossible, pour l’heure, de le savoir avec précision. “Quand les fabricants de ces molécules créent les produits, ils font une analyse des molécules toxiques de façon indépendante. Ils analysent molécule par molécule.”, indique Adeline Loyau. “Ce mélange, on ne sait pas ce que ça peut donner sur l’Homme”, alerte Dirk Schmeller. 
Comment ces 141 composés chimiques toxiques ont pu se retrouver dans l’eau des montagnes ? Selon Dirk Schmeller et Adeline Loyau, l’activité et la présence de l’Homme dans les montagnes est à l’origine de cette pollution. “On a pu identifier de la perméthrine, un antiparasitaire que l’on trouve dans les colliers anti puce des chiens, des pesticides que les fermiers utilisent pour protéger les bétails, des insecticides que les randonneurs pulvérisent sur eux avant d’aller en montagne”, listent les scientifiques. 
Si la pollution durable des eaux des lacs est avérée, les scientifiques indiquent qu’il n’existe aucun moyen de la contrecarrer. “Il n’est pas possible de nettoyer cette eau, on prendrait le risque de détruire complètement l’écosystème des lacs”, avertit Adeline Loyau. “On peut espérer que les gens arrêtent d’utiliser des produits chimiques et on essaie de faire de la sensibilisation à ce sujet”, explique Dirk Schmeller. À la tête de la chaire AXA écologie fonctionnelle des montagnes, il tente notamment d’alerter sur la fragilité des écosystèmes. 

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