Mardi 18h07, Beyrouth, Liban. Après une première explosion dans le port de la ville, une longue colonne de fumée obscurcit le ciel de la capitale libanaise. Dans les tours alentour, sur mer, dans les rues de la ville, les objectifs des caméras de téléphone se braquent vers le lieu de la déflagration. À cet instant précis, une seconde explosion fait trembler la ville entière et est ressentie à plus de 200 km à la ronde. Une flamme immense, puis un souffle de gaz et un champignon de fumée se forme instantanément, avant qu’une épaisse fumée rouge et un nuage de poussière recouvrent les quartiers du centre de la cité portuaire millénaire. Les vidéos de cette tragédie font rapidement le tour de la planète. En moins de temps qu’il faut pour le dire, on cherche un responsable sur les réseaux sociaux. L’usine à fake news est lancée. Alors même que ce mercredi midi, l’origine précise du désastre est inconnue, retour sur ce phénomène.
Dès les premiers instants, le « champignon de fumée » qui est apparue sur les écrans du monde entier, permet à certains d’accréditer la thèse d’une bombe nucléaire lancée sur Beyrouth.
I’m not an expert on explosives but damn, that looks like a nuke going off. That mushroom cloud…. #Lebanon #Beirutpic.twitter.com/fheXVz0l9W
Breaking: Israel Nukes Beirut, Russian Embassy Hit, Evidence In (updating) – A general in the Lebanese Army reports that Israel dropped a tactical nuclear weapon on the port of Beirut today.  He reports that this was done to collapse the current political regime there and revo… pic.twitter.com/2RsJwINd5b
L’effet du « nuage de Wilson », ou nuage de condensation est uniquement le résultat d’une onde de choc qui comprime et raréfie l’air en fonction du taux d’humidité dans l’air. L’absence d’un flash aveuglant de lumière blanche prouve ici que l’explosion n’est en aucun cas nucléaire, mais entre guillemets le « mal est fait » pour un spécialiste de la rumeur.
« Ces messages sont avant tout des messages spéculatifs et le problème c’est que les médias s’en font le relais. Autant les organes de presse que les réseaux sociaux. En quelque sorte, ce sont les premiers à alimenter la rumeur en lui donnant corps » explique Pascal Froissart, maître de Conférences à l’Université Paris-8 en sciences de l’information et de la communication.
« L’histoire de l’attaque nucléaire se comprend, les images qu’on a vues, nous qui ne sommes pas des artificiers, ressemblent à des images qu’on a seulement vues issues de bombe nucléaire. Le contexte influe alors sur le cerveau » analyse l’auteur de « La Rumeur » aux éditions Belin. « La spéculation n’est pas mauvaise en soi. Ce qui est embêtant c’est d’en faire une thèse à charge, et de nourrir une idéologie par exemple » décrypte l’universitaire.
En effet la rumeur, la fake news s’appuie toujours sur le réel, et parfois les premiers à la nourrir ne sont pas toujours ceux que l’on imagine. Dans le contexte des explosions de Beyrouth, le premier à avoir alimenté la machine à fantasme d’une « attaque », c’est le président des Etats-Unis, lui-même, lors d’une conférence de presse mardi soir.
Donald Trump a ainsi affirmé que des généraux américains lui avaient dit que les puissantes explosions qui ont secoué Beyrouth semblaient avoir été causées par une « bombe quelconque ». « Cela ressemble à une terrible attaque » a déclaré Donald Trump aux journalistes de la Maison Blanche. « Ce n’était pas une sorte d’explosion d’une bombe artisanale. Il semble que ce soit le cas, selon eux – ils le sauraient mieux que moi – mais ils semblent penser que c’était une attaque. C’était une sorte de bombe, oui » a affirmé avec aplomb le locataire de la Maison Blanche. Une fake news rapidement contredite par le Pentagone.
« L’attaque » devient alors très rapidement une « attaque d’Israël » sur les réseaux sociaux. Là aussi le contexte comme l’explique Pascal Froissart, favorise cette thèse. « La spéculation sur l’implication d’Israël est parfaitement attendue vu le contexte déplorable dans la région. Ils ont bombardé la Syrie lundi soir » rappelle le maître de conférences. Résultat en quelques heures près de 300 000 tweets pointent du doigt la responsabilité de l’Etat israélien dans l’explosion spectaculaire, le double de tweets ayant trait aux explosions elles-mêmes.
La « fake news » prend même des formes inédites, le compte parodique de Robert De Niro, suivi par plus de 200 000 personnes accrédite ainsi cette thèse sur la base de la déclaration de Donald Trump ! Preuves en images à l’appui, bien sûr. La cible étant une cache d’arme supposée du mouvement terroriste Hezbollah.
Israel attack @ #Beirut ? pic.twitter.com/12mvcVRusE
S’ensuit une litanie de tweets et autres commentaires basculant dans l’antisémitisme primaire, alors même que le Hezbollah, par l’intermédiaire de ses réseaux médiatiques a démenti toute frappe israélienne contre une éventuelle infrastructure du mouvement, 16 minutes après la première explosion… Un peu plus tard le gouvernement israélien proposera même son aide logistique au gouvernement libanais.
مصادر مطلعة مقربة من حزب الله لل otv: لا صحة لكل ما يتم تداوله عن ضربة اسرائيلية لأسلحة لحزب الله في المرفأ
« L’antisémitisme se nourrit de ces événements mais n’est pas la cause de ces fake news. Il n’y a pas de « révélation » dans ces moments-là. L’antisémitisme est le fruit d’une culture profonde qui s’exprime alors de façon plus vivace » commente Pascal Froissart.
La piste terroriste judaïste israélienne n’est pas à exclure. israël bombarde régulièrement la Syrie et le Liban sous silence complice des gouvernements occidentaux qui envoient depuis ce soir leurs prières aux libanais. https://t.co/tSxVGwsKam
« Les tenants de cette idéologie en remettent une couche en utilisant la technique du « confusionnisme ». C’est une technique issue du marketing qui mélange le vrai et le faux. Cela a beaucoup été utilisé par les fabricants de tabac et de pétrole par exemple » dans le cadre de campagne de lobbying. « Le même principe s’applique dans ce contexte brûlant » constate amèrement le spécialiste de la rumeur. « Le constat dans ce genre d’événements, c’est qu’il faut prendre le temps d’avoir plus d’informations avant de spéculer » rappelle Pascal Froissart.
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