L’emploi a connu un rebond surprise au Canada le mois dernier, effaçant d’un coup toutes les pertes essuyées pendant l’été et jetant le doute sur l’idée d’une économie que l’on croyait entrée dans une période de ralentissement.
L’économie canadienne a gagné 108 000 emplois en octobre (+0,6 %) qui, venant s’ajouter à un bien plus modeste gain de 21 000 emplois le mois d’avant, est venu annuler l’ensemble des baisses qui avaient été observées de mai à septembre, a rapporté vendredi Statistique Canada dans la plus récente édition de son Enquête sur la population active. Concentré au Québec (+28 000 ; +0,6 %) et en Ontario (+43 000 ; +0,6 %), ce progrès, qui a profité à plusieurs secteurs de l’économie, est attribuable au travail à temps plein du secteur privé et s’est accompagné de hausses salariales annuelles supérieures à 5 % pour un cinquième mois d’affilée.
Comme le nombre de chercheurs d’emploi a aussi augmenté, le taux de chômage est resté le même au Canada, à 5,2 %, alors qu’il a diminué au Québec de 4,4 % à 4,1 %, soit tout près de son plancher record de 3,9 % enregistré en avril.
Au Québec, l’augmentation de l’emploi a été particulièrement marquée du côté de la construction (+17 000 ; +5,9 %) en dépit du ralentissement observé dans le secteur immobilier, ainsi que de celui de la finance, des assurances et des services immobiliers (+7400 ; +2,8 %), alors que la situation a été plus difficile pour les ressources naturelles (-6000 ; -13,2 %).
« En général, a expliqué Statistique Canada vendredi, la croissance mensuelle de l’emploi peut être attribuable à plusieurs facteurs, notamment une hausse du nombre de personnes se trouvant un emploi après avoir été au chômage ou inactives, une baisse du nombre de personnes qui quittent ou perdent leur emploi, et la croissance de la population, y compris les nouveaux immigrants en âge de travailler qui commencent un emploi ou qui démarrent une entreprise après leur arrivée au Canada. »
Reflet de cette vigueur du marché du travail, la croissance du salaire horaire moyen sur un an est demeurée supérieure à 5 % pour un cinquième mois de suite. À 5,6 % en octobre, cette hausse sur 12 mois était cependant encore une fois inférieure à la plus récente mesure de l’inflation, qui s’est élevée à 6,9 % en septembre.
Au Québec, cet écart se révèle un peu moins prononcé — et parfois même favorable —, à raison d’une hausse du salaire horaire moyen de 5,6 % les deux derniers mois, contre une inflation de 6,5 % en septembre, et des hausses salariales de 6,9 % (contre 7,1 % d’inflation) en août et de 8,1 % (contre 7,3 % d’inflation) en juillet.
Ces augmentations salariales ne sont toutefois pas également réparties. Statistique Canada avait expliqué ce printemps qu’elles étaient le signe que la pénurie de main-d’oeuvre oblige de plus en plus les employeurs à desserrer les cordons de leurs bourses, mais aussi que les travailleurs sont en train de se déplacer vers les emplois les plus payants.
Près de 6 Canadiens sur 10 qui travaillaient en octobre pour le même employeur depuis au moins 12 mois ont rapporté avoir bénéficié d’une augmentation salariale au cours de la dernière année. Cette proportion s’élève à 64,3 % chez le quart qui gagne 40 $ l’heure ou plus, contre 50,1 % pour le quart qui gagne 20 $ l’heure ou moins. Cette proportion se révèle plus élevée dans des secteurs comme les services professionnels, scientifiques et techniques (68,4 %) et la fabrication (67,7 %) que dans ceux de l’hébergement et la restauration (49,7 %) ou les secteurs publics et syndiqués de la santé (53,6 %) et de l’éducation (50,3 %).
Certaines personnes choisissent de travailler un plus grand nombre d’heures afin notamment de pouvoir s’adapter à la hausse du coût de la vie. C’est le cas dans les services publics (23,2 %), la fabrication (16,6 %), la construction (14,1 %) ainsi que dans le secteur de la santé (14 %).
Plus d’un Canadien sur trois (35,3 %) n’en rapporte pas moins trouver « difficile ou très difficile » de répondre à ses besoins financiers en matière notamment de transport, de logement, de nourriture et de vêtements. C’est plus qu’on en dénombrait en pleine crise de la pandémie, c’est-à-dire une personne sur cinq (20,4 %) en octobre 2020. Cette proportion est particulièrement élevée chez les travailleurs du commerce de détail (42,4 %), de l’hébergement et de la restauration (43,2 %) et du transport et de l’entreposage (42,4 %), aux conditions de travail généralement plus modestes et plus précaires.
Les analystes ont admis vendredi qu’ils ne s’attendaient pas du tout à des chiffres sur l’emploi aussi forts que ceux du mois dernier, alors que la guerre que les banques centrales livrent à l’inflation à coups de hausses de taux d’intérêt fait de plus en plus grossir la menace de récession.
« Les résultats d’un seul mois ne constituent pas une tendance, mais il est difficile de trouver des signes de fléchissement du marché du travail canadien dans les données d’octobre », a admis dans une brève analyse Marc Desormeaux, économiste au Mouvement Desjardins. Il n’en continue pas moins de prévoir un « ralentissement général de la croissance au cours des prochains mois, et une récession au début de l’année prochaine ».
Le remarquable aplomb du marché du travail ne fera que confirmer, aux yeux de la Banque du Canada, que l’économie est encore capable — et a même besoin — de prendre d’autres hausses des taux d’intérêt pour réduire la demande des ménages et des entreprises, et réduire ainsi la pression sur les prix et les salaires, ont observé plusieurs de ses confrères.
Alors que la Banque Royale prédit une dernière hausse de 0,25 point de pourcentage en décembre, de 3,75 % à 4 %, les banques TD et CIBC s’attendent à 0,5 point de plus, et la Banque de Montréal penche désormais pour un dernier coup de théâtre de 0,75 point en tombée de rideau de l’année.
La Banque Nationale ne va pas aussi loin, et parle tout au plus d’une dernière hausse d’un quart de point. « Il ne fait aucun doute que le rapport de [vendredi] matin renforcera l’opinion de la banque centrale sur la nécessité de relever davantage les taux, ont dit vendredi ses économistes Matthieu Arseneau et Alexandra Ducharme. Mais nous continuons de penser qu’une pause sera bientôt nécessaire pour évaluer l’impact différé de ses actions. »
Le taux de chômage est reparti en légère hausse en octobre aux États-Unis, mais les créations d’emplois ont gardé le rythme, des tendances qui ne reflètent pas encore les effets des actions de la Fed contre l’inflation.
Selon les données publiées vendredi, le taux de chômage a progressé de 0,2 point en octobre, à 3,7 %, restant cependant proche des niveaux observés depuis mars.
Les créations d’emplois ont en revanche conservé un rythme élevé, avec 261 000 emplois créés le mois dernier. Il s’agit d’un léger ralentissement en comparaison aux 315 000 emplois créés en septembre, selon les données révisées. Elles concernent en premier lieu les secteurs de la santé, des services techniques et de l’industrie.
Dans un communiqué, Joe Biden s’est félicité de ces chiffres, signe selon lui « que la reprise de l’emploi demeure solide » et que le chômage reste à un niveau « historiquement bas ». « L’inflation reste notre principal défi économique », a ajouté le président américain, assurant « savoir que les familles américaines se sentent sous pression ».
 
Agence France-Presse
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