Publié le 13/08/2020 à 10h30
Olivier Ceyrac et Thomas Ribierre
Deux morts. En deux jours. Deux jeunes âgés de 26 ans et 27 ans se sont noyés dans la rivière Yonne. L’un à Saint-Bris-le-Vineux lundi, l’autre le lendemain à Auxerre. Deux enquêtes sont ouvertes afin de déterminer les causes exactes ayant mené à ces accidents de baignade.
Hier, malgré ces événements tragiques, la canicule et les grandes vacances aidant, les bords de l’Yonne et du canal du Nivernais sont toujours autant fréquentés par les Icaunais et les touristes. Avec cette irrépressible envie de “faire trempette”. “Ça fait 30 ans qu’on se baigne ici. On n’a jamais eu de problèmes. Il n’y a pas de courant, je ne vois pas comment on pourrait se noyer”, lâche un habitant de Vincelottes.
“Aujourd’hui,  je ne le referais pas”
Comment savoir, d’ailleurs, si la baignade est autorisée ou non ? À Augy, Théo et Guillaume, 20 ans, se sont posés la question au moment de faire une halte à moto, près de la rivière avec leur cousin Jason, 12 ans. “On est allés demander au bar là-haut, si on avait le droit de se baigner ici. Ils nous ont répondu que c’était interdit”, explique Théo.

Sur le site dit de La Baignade d’Augy, deux panneaux indiquent : “baignade interdite”. Au-dessus, un pictogramme parle de lui-même, laissant apparaître un nageur barré. Si ces jeunes assurent faire aujourd’hui attention au lieu où ils se baignent, ils concèdent avoir pris des risques par le passé. “Je m’étais amusé à sauter depuis la passerelle à Auxerre. Il y avait un effet d’entraînement avec les copains, on se lançait des défis, mais aujourd’hui je ne le referais pas”, assure Guillaume.
Le goût du risque pousse certains à repousser leurs limites. “Il y a quelques jours, on a vu des ados qui sautaient depuis le pont, près du déversoir. On a essayé de les prévenir car on pensait qu’il n’y avait pas assez de fond. Mais ils ne nous ont pas écoutés”, se désole Corinne venue de Troyes (Aube) avec son fils Victor, 14 ans. “Je les ai même vus nous faire des doigts d’honneur lorsqu’on est partis”, ajoute ce dernier. La scène s’est passée au niveau du pont de La Cour Barrée, à l’endroit même où un chauffeur polonais de 27 ans a perdu la vie, lundi.
Saint-Bris-le-Vineux : une autopsie sera pratiquée sur le corps de l’homme qui s’est noyé dans l’Yonne
Au camping de Vermenton, les ados du coin se servent des arbres comme d’un plongeoir. “Le risque c’est de faire un plat, c’est tout. Au fond, il n’y a que du sable et des cailloux et puis nous nous surveillons les uns les autres”, assure avec insouciance Benjamin, 15 ans, du village voisin d’Accolay. Aucun adulte n’accompagne le petit groupe.
“Quand on commence à s’éloigner un peu du bord, on sent qu’il y a du courant, donc on ne prend pas de risques”
empty (empty)
Le surveillant de baignade est à une dizaine de mètres du plongeoir. “Évidemment que s’il se passe quelque chose, j’interviendrai, assure Thibault Peltret. Même s’ils sont en dehors de la zone de baignade. Ce que je remarque, c’est que ma présence rassure les parents. Parfois trop. Parce que je ne suis pas là pour les remplacer. En juillet, un enfant de 2-3 ans a échappé à la surveillance de ses parents. Il était dans l’eau sans brassard. J’ai crié “intervention”, une personne a descendu le drapeau indiquant que la baignade n’était plus surveillée, et j’ai ramené l’enfant sur la plage. Ses parents ne s’étaient même pas rendus compte qu’il était parti”, rapporte l’étudiant, employé par la commune durant l’été.

Des jobs d’été qui “coûtent cher pour les petites communes, note Mahfoud Aomar, le président des maires de l’Yonne. C’est un salaire certes, mais c’est aussi une charge administrative. Parce que si votre maître-nageur se blesse ou n’est pas disponible durant un temps, il faut avoir sous la main un deuxième sauveteur titulaire de tous les diplômes de secourisme afin de pouvoir continuer le service de surveillance. En clair, cela ne facilite pas la surveillance de tous les lieux de baignade.”
“Certains ont tendance à surestimer leurs capacités physiques.”
Dans 30 cm d’eau à Champs-sur-Yonne, Mathéo, 2 ans, est aux anges. Sous la surveillance accrue de papa et maman, il fait trempette dans l’Yonne. Pourtant, ils sont à quelques dizaines de mètres d’un panneau indiquant que la baignade est interdite. “On est passés par la voie vélo et on n’a pas vu ce panneau. C’est vrai que le cadre est assez tentant pour s’arrêter”, confie sa mère Marine. “On trempe juste les jambes, ajoute son mari Stéphane. Quand on commence à s’éloigner un peu du bord, on sent qu’il y a du courant, donc on ne prend pas de risques.”
L’homme transporté en urgence absolue après s’être noyé à Auxerre, mardi soir, est décédé
“Le maître-mot sur la prévention des noyades, c’est clairement la surveillance”, rappelle le colonel Pierre Bépoix, directeur départemental adjoint du Service départemental d’incendie et de secours (Sdis) de l’Yonne.
Depuis le 1er janvier, dans le département, on recense neuf interventions des pompiers pour noyades. Trois d’entre elles étaient mortelles (les deux de cette semaine et un suicide dans un étang). “Pour le reste, il s’agit de quatre tentatives de suicide avec des personnes sorties de l’eau avant notre arrivée et deux personnes annoncées noyées qui ont été retrouvées saines et sauves”, complète Christophe Plaine, chef du centre de traitement de l’alerte auprès des sapeurs pompiers.
“Les statistiques sont très aléatoires car il s’agit de petits chiffres. Au quotidien, un certain nombre de gens, plutôt jeunes, ont un comportement dangereux. Ils se baignent dans des zones qui ne sont pas surveillées. Les accidents sont le reflet de pratiques dangereuses. Mais celles-ci ne sont pas identifiées ainsi par les baigneurs. Certains ont tendance à surestimer leurs capacités physiques”, analyse Christophe Plaine.

En cas de noyade, Pierre Bépoix recommande d’”extraire la victime de l’eau, contrôler si elle est consciente ou non et appeler immédiatement les secours”. Au téléphone, le 18 pourra aiguiller le sauveteur sur les gestes à faire.
Covid-19 : les sites de baignade sous étroite surveillance dans l’Yonne
Cependant, ces interventions ne sont pas toujours aisées entre une piscine et une rivière en crue. “C’est très compliqué d’intervenir auprès de quelqu’un qui se débat et qui peut vous entraîner vous-même vers le fond », concède le lieutenant Christophe Plaine. Aussi, si l’intervention est impossible, « il est important de bien visualiser où se trouve la victime lorsqu’elle se noie en prenant des repères afin de le dire aux secours”. 
 
Olivier Ceyrac et Thomas Ribierre
reporters.yr@centrefrance.com

Soyez le premier à commenter cet article
Aidez-nous à améliorer notre site en répondant à notre questionnaire.

source

Catégorisé: