C’est un emblématique et à la reprise, il ne sera plus là. Ce sera même la première fois depuis une dizaine d’années. Peut-être même qu’il y pense, « Ramo », à l’heure où il s’assied dans un bureau du centre d’entraînement pour évoquer ce carrefour si symbolique dans la vie d’un joueur. La retraite. Le rugby pro est terminé, place à la vie d’après.
Daniel, vous réalisez que c’est terminé ?
Je commence, oui. Ça devient dur, mais je savais que ça allait arriver, que ça devait se terminer. Le temps est venu d’une nouvelle aventure, de faire de nouvelles expériences, de la vie après le rugby. J’ai essayé de ne pas y penser…
Daniel, vous réalisez que c’est terminé ?
Je commence, oui. Ça devient dur, mais je savais que ça allait arriver, que ça devait se terminer. Le temps est venu d’une nouvelle aventure, de faire de nouvelles expériences, de la vie après le rugby. J’ai essayé de ne pas y penser mais c’était là, dans un coin de ma tête, je me tenais prêt. Je suppose que c’est simplement le bon moment de passer à autre chose. J’ai 38 ans, ça a été bon, long, drôle, tout ce dont j’ai pu rêver.
On a l’impression que vous êtes encore sous le coup de l’émotion…
(Ndlr : sa voix se serre) Un peu, oui. Mais c’est normal. C’est le fait de venir au centre d’entraînement, de voir les mecs peut-être…
Vous venez de passer dix ans à Pau…
Ce qui est drôle, c’est que je suis arrivé à 28 ans et que je pensais peut-être jouer jusqu’à 33 ou 34 ans. J’ai eu beaucoup de chances d’aller si loin avec de si bonnes personnes !
Vous vous êtes tout de suite senti à la maison ?
Quand je suis arrivé j’étais nerveux, j’étais l’étranger qui ne parle pas la langue, j’avais entendu dire qu’il était dur d’être accepté dans un club français. Donc la première chose que je me suis attaché à faire c’est de gagner le respect. Et puis le public m’a accepté et après six mois, j’étais comme à la maison.
Vous gardez des souvenirs précis de cette période ?
Je garde de grands souvenirs de ma première année de Pro D2. On prenait le bus et on traversait la France chaque week-end, c’était le meilleur moyen de découvrir ce pays. C’était old school, et ce dont je me souviens aussi, c’est de la présaison, tout le monde me parlait de bagarres. On me disait « Attention, en Pro D2 il n’y a pas beaucoup de caméras… »
Et aujourd’hui vous vous sentez français ?
Oui, même si ma maîtrise de la langue ne le montre pas ! Ma manière de vivre, le fait que mes enfants sont nés en France et vont à l’école française… On va regretter beaucoup de choses ici, à commencer par les gens et Pau. Mais pour le moment je finis mon cursus en business à Toulouse, on reste un peu en France et on précisera la suite plus tard.
Avez-vous peur de franchir le pas ?
Oui, c’est la peur de l’inconnu. Mais ma femme, qui est très indépendante, a tout sacrifié pendant quinze ans pour me suivre. C’est une championne, elle est épatante ! Maintenant, c’est mon tour.
Vous avez glissé que le dimanche soir, après le dernier match, vous aviez eu un contrecoup en rentrant à la maison…
C’était dur. C’était vraiment dur (Ndlr : son regard s’embue, il demande à interrompre l’entretien). Le fait que ce soit terminé, que ce soit une étape importante pour ma famille est effrayant. Il y a aussi la tristesse que ça se termine. Mais ce sont aussi des sentiments heureux, je suis triste parce qu’ici c’est une famille ! Notre prochaine vie en Australie, ça a un côté effrayant mais c’est la vie !
Vous avez discuté avec des anciens pour vous y préparer ?
Avec les Classic All Blacks, oui, qui sont tous retraités. Et chacun d’entre eux m’a dit « Joue tant que tu le peux ! » Mais ils m’ont aussi parlé du côté excitant de cette nouvelle vie. Et j’ai pas mal parlé de cette période avec Julien Fumat. Le premier pas est le plus dur, la suite est plus facile…
Jouer un an de plus n’était pas une option ?
Je me sens bien en fait ! Avant le Covid je me sentais cassé, rincé, mais après ces mois de coupure mon corps s’est régénéré. Je jouerai pour le plaisir en Australie avec Ben Mowen ! J’aime trop ce jeu.
A Pau, il y a aussi eu des moments difficiles, comme cette agression en 2013…
C’était dans ma première saison à Pau. C’était terrifiant, on m’a dit que j’avais eu de la chance d’en sortir vivant (Ndlr : Ramsay et Taumoepeau s’étaient fait agresser à Lyon en soirée après un match). Se faire attaquer par des mecs avec des battes de base-ball, je ne l’aurais jamais imaginé… J’y ai laissé ma mâchoire, mes dents, je vais d’ailleurs enfin pouvoir réparer ça avant de partir. On était au mauvais moment au mauvais endroit, je n’ai jamais pensé autrement.
Et les périodes de doute sportifs ?
On était si proches, on savait qu’il manquait un truc mais sans savoir quoi… Mais il faut croire qu’il faut en perdre deux pour réussir à en gagner une, c’était notre chemin !
Avez-vous eu l’occasion de quitter Pau ?
Honnêtement non. J’ai toujours prolongé assez tôt, il y a bien eu quelques propositions, qui ne venaient pas de « top clubs » mais j’ai toujours choisi la stabilité familiale. Je n’ai pas vu l’intérêt de bouger. Ça paraîtra peut-être bizarre dans ce monde où l’argent a tant d’importance mais passé la trentaine, je n’ai plus eu envie de bouger.
Le chemin parcouru vous donne raison…
Quand je suis arrivé des Highlanders, je sortais d’un endroit avec une énorme structure d’entraînement, et au Hameau, il n’y avait que deux ou trois bancs de muscu… Mais il n’y a qu’à voir ce qu’on est devenu. Les progrès ne sont peut-être pas aussi rapides que certains le voudraient, mais on avance !
Quel souvenir aimeriez-vous laisser à Pau ?
Celui d’un gars qui aime le rugby, le jeu, la Section. Oui, c’est ça, je suis un gars de la Section.
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