Rebondissement dans le feuilleton de l'”affaire des reclus de Monflanquin” , dans laquelle onze membres d’une même famille d’aristocrates protestants, les De Vedrines, s’étaient reclus dans leur château familial, sous l’emprise d’un gourou escroc,Thierry Tilly. Ce dernier a été condamné à dix ans de prison, en 2013, après les avoir ruiné et leur avoir soutiré près de 4,5 millions d’euros, mais la famille de Vedrines n’a toujours pas terminé son combat devant la justice.
Dans son arrêt du 9 septembre 2020, la Cour de cassation a, en effet, annulé partiellement l’arrêt de la cour d’appel d’Agen rendu en 2008, dans le volet civil de l’affaire de la procédure lancée par Charles-Henri et Christine de Vedrines, ainsi que leurs trois enfants, pour récupérer le château Martel, berceau de la famille depuis quatre siècles…
Dans son arrêt du 9 septembre 2020, la Cour de cassation a, en effet, annulé partiellement l’arrêt de la cour d’appel d’Agen rendu en 2008, dans le volet civil de l’affaire de la procédure lancée par Charles-Henri et Christine de Vedrines, ainsi que leurs trois enfants, pour récupérer le château Martel, berceau de la famille depuis quatre siècles. La famille ne récupérera pas l’édifice, mais la Cour ordonne que la responsabilité du notaire soit réexaminée.
Retour sur plus de vingt ans d’une incroyable affaire de manipulation et d’emprise mentale, qui s’est déroulée entre le Lot-et-Garonne et le Royaume-Uni, et fut révélée en 2009 dans “Sud Ouest” par notre ancien journaliste, Dominique de Laâge.
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Tout commence en 1999. Thierry Tilly entre dans la vie de la famille via l’école que dirige à Paris Ghislaine de Vedrines, la soeur cadette de la fratrie, dont il capte la confiance. Ce responsable d’une société de nettoyage se dit agent secret.
De la grand-mère au petit-fils, onze membres de la famille se retranchent du monde dans le château familial de Martel, à Monflanquin, en Lot-et-Garonne, sous le contrôle de Thierry Tilly, qui exploite les rivalités et les mésententes de la fratrie. Les autres sont exclus.
Placés sous son emprise mentale, la famille se dessaisit de tous ses biens au bénéfice de Thierry Tilly qui les dépouille. Les meubles du château de Martel sont vendus au profit du fisc.
Me Daniel Picotin, spécialiste des sectes, devient le conseil de Jean Marchand, époux de Ghislaine de Vedrines et exclu du cercle. Jusque-là, Jean Marchand n’a pas été pris au sérieux par la justice.
Philippe de Vedrines et sa compagne sortent du cercle. Les 9 autres membres rejoignent leur “maître” à Londres, et émigrent à Oxford. Thierry Tilly les soumet à une intense pression psychologique pour qu’ils avouent l’endroit où ils avaient caché le soi-disant trésor de leur lignée. Courant 2008, le château Martel, est vendu au bénéfice d’une SCI toulousaine.
Christine de Vedrines, l’épouse de Charles-Henri, considérée comme la dépositaire du secret, est « exfiltrée » et raconte les sévices endurés. Punie, elle a dû rester assises sur un tabouret pendant des jours, face contre le mur, avec interdiction d’aller aux toilettes. La justice se met enfin en branle.
Thierry Tilly, soupçonné d’avoir placé sous emprise mentale une partie de la famille de Vedrines est arrêté et incarcéré à la prison de Gradignan (Gironde).
Une opération en Angleterre permet la “libération” et le retour en France des sept membres de la famille de Vedrines qui vivaient encore, à Oxford, sous l’influence de Thierry Tilly, présumé “gourou”.
Décès de Guillemette de Vedrines, 98 ans, figure tutélaire de la famille, victime des agissements de Thierry Tilly.
Un proche de Thierry Tilly, Jacques Gonzales, est écroué à son tour, le 4 juin.
Conformément aux réquisitions du parquet, Thierry Tilly et Jacques Gonzales sont renvoyés devant le tribunal correctionnel de Bordeaux (du 24 septembre au 5 octobre). Le premier pour abus de faiblesse et violences volontaires sur la personne de Christine de Vedrines. Le second, pour complicité et recel d’abus de biens de faiblesse.
Le procès du “gourou” Thierry Tilly et de Jacques Gonzalez s’ouvre le 24 septembre au tribunal de Bordeaux pour séquestration, violences volontaires sur personne vulnérable avec préméditation et abus de faiblesse sur la famille de Vedrines, dans l’affaire qui est devenue l’affaire des « reclus de Monflanquin ». Il dure jusqu’au 5 octobre.
Le tribunal correctionnel de Bordeaux condamne en délibéré, le 13 novembre, le “gourou” Thierry Tilly et Jacques Gonzalez, son complice, à 8 ans et 4 ans de prison. Le premier est reconnu coupable d’abus de faiblesse, de détention arbitraire et de violence volontaire sur une personne vulnérable, le second de complicité d’abus de faiblesse. Les deux hommes sont également solidairement condamnés à verser aux 10 membres de la famille de Vedrines, qui s’étaient portés parties civiles, près de 4,8 millions d’euros de dommages intérêts au titre de leur préjudice matériel et 505.000 euros au titre de leur préjudice moral.
A l’issue du procès en appel à Bordeaux, du 22 au 25 avril, la peine maximale de dix ans de prison est requise contre Thierry Tilly , accusé de vampirisation financière et morale sur la famille de Vedrines. La Cour met le jugement en délibéré.
Le 4 juin 2013, l’arrêt de la Cour d’appel de Bordeaux confirme la condamnation de Thierry Tilly à dix ans de prison, pour abus de faiblesse sur des membres de la famille Vedrines, et avoir manipulé et conduit à leur ruine “les reclus de Monflanquin”.
Les époux de Vedrines, Charles-Henri et Christine, disent avoir été manipulés au moment de la vente de leur château Lot-et-Garonne. Ils demandent l’annulation de celle-ci et obtiennent un jugement du tribunal de grande instance d’Agen, au motif que l’emprise mentale dont ils souffraient les avaient privés de leur bon sens lors de la vente de la demeure.
Dans un arrêt de la cour d’appel d’Agen rendu le 17 novembre, celle-ci, dans un dossier attenant à la vente du château de Martel, à savoir la signature d’un contrat exclusif avec un agent immobilier, a jugé nul ce dernier au motif de l’insanité d’esprit des De Vedrines au moment de parapher l’acte.
>Sur notre site : Les reclus de Monflanquin (47) veulent récupérer leur château
Les époux de Vedrines vont devant le tribunal de grande instance pour demander l’annulation de la vente du château familial cédé sous la pression du gourou.
Mais le TGI juge que le nouveau propriétaire du château, un tiers auquel la SCI toulousaine Yife l’a revendu en 2009, était de bonne foi au moment de la vente, et donc qu’il n’y avait pas lieu d’annuler la vente. Dans ce même jugement, le tribunal condamne le notaire de Valence d’Agen, Jean-Jacques Boué, à verser près de 700.000 euros de dommages et intérêts : 200.000 euros aux époux de Vedrines et 490.000 euros à la SCI toulousaine Yife.
Le 11 février, le pourvoi en cassation de celui qui avait placé sous son emprise la famille de Vedrines est rejeté. Thierry Tilly est donc définitivement condamné à dix ans de prison, peine prononcée le 4 juin 2013. Reste en suspens le volet civil au sein duquel les de Vedrines cherchent à récupérer leur patrimoine.
>Sur notre site : Reclus de Monflanquin : le gourou Thierry Tilly définitivement condamné
Nouveau rendez-vous des victimes du gourou devant la cour d’appel pour une nouvelle bataille judiciaire. Le 11 juin, Me Picotin avec Me Maixant, les avocats de Charles-Henri et Christine de Vedrines et leurs enfants, Amaury, Guillaume et Diane, s’emploient à démontrer, dans un premier temps, que la nullité de la première vente devait par ricochet entraîner la nullité de la deuxième. Puis, dans un deuxième temps, que la seconde acquéreuse ne pouvait ignorer l’histoire des reclus de Monflanquin, qui avaient fait l’objet d’une grande médiatisation, et qu’elle ne serait donc pas de bonne foi. Le jugement est mis en délibéré au 24 octobre suivant.
> Sur notre site : Reclus de Monflanquin : récupérer le château, ou la dernière bataille des victimes du gourou
Après avoir passé neuf ans derrière les barreaux, Thierry Tilly sort de prison, et quitte le centre de détention de Neuvic-sur-l’Isle, en Dordogne, où son parcours carcéral l’a amené de Gradignan en passant par Mont-de-Marsan.
Début octobre, l’ancien gourou des reclus de Monflanquin, pris d’un malaise sur la voie publique, est transporté par les pompiers aux urgences, avant d’être transféré à l’hôpital spécialisé Charles Perrens, à Bordeaux. Au vu de son état mental, il est interné à l’Unité pour malades difficiles de Cadillac, en Gironde. Une structure fermée où sont internés les malades jugés dangereux pour eux-mêmes et surtout pour autrui.
> Sur notre site : Double peine pour l’ancien gourou de Monflanquin interné à Cadillac
Le 24 octobre, la cour d’appel d’Agen infirme le jugement de 2015 en blanchissant le notaire qui, selon les magistrats, n’avait commis aucune faute, et confirmant au passage la bonne foi de l’actuelle propriétaire de Martel au moment de son achat. Pour la justice, il n’y a pas lieu d’annuler les deux ventes successives de la propriété, au motif que les acquéreurs ne pouvaient ignorer l’incroyable histoire des “reclus de Monflanquin”. Déboutés, les De Vedrines se pourvoient peu après en cassation.
> Sur notre site : Reclus de Monflanquin : la vente du château validée
Après un arrêt de la cour de cassation, le 9 septembre, le notaire qui a veillé à la vente des biens de la famille de Vedrines est de nouveau renvoyé en justice. Défendus par Me Daniel Picotin, les époux défendaient la thèse de l’insanité d’esprit, selon laquelle l’emprise mentale dont ils souffraient les avaient privés de leur bon sens lors de la vente de la demeure, en 2009, et demandaient sa restitution. Ils sollicitaient aussi la condamnation à des fins d’indemnisation de Jean-Jacques Boué, le notaire tarn-et-garonnais qui avait authentifié la première vente de l’édifice survenue en 2008.
Les De Vedrines ne récupéreront jamais leur château. La Cour de cassation a confirmé sur ce point l’arrêt de la cour d’appel d’Agen. En revanche, la Cour ordonne que la responsabilité du notaire soit réexaminée. La cour d’appel de Toulouse devra à nouveau juger si ce dernier a commis une faute professionnelle le jour de la cession du château de Monflanquin. La saga judiciaire de la famille de Vedrines n’est pas encore terminée.
>Sur notre site : Reclus de Monflanquin : le château est bel et bien perdu

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