Des scellés photographiés au pôle judiciaire de la gendarmerie nationale, à Cergy-Pontoise (Val-d'Oise), le 26 janvier 2021 (photo d'illustration).MARTIN BUREAU / AFP
Le 9 juillet 1983, Grégory Dubrulle est enlevé par un homme en bas de son domicile à Grenoble, en Isère. Le lendemain, il est découvert dans une décharge du massif de la Chartreuse, laissé pour mort, le crâne fracassé. Le petit garçon de 8 ans survit à ses blessures.
Dix ans plus tard, le 27 mars 1993, Abdeljabbar Dkhissi, un petit garçon âgé de 11 ans, est enlevé sur le parking d’un supermarché de Remoulins, dans le Gard. Son corps est découvert trois semaines plus tard dans la garrigue, le crâne fracassé à coup de pierres.
Existe-t-il un lien entre ces deux crimes séparés par dix ans d’écart et plus de 200 kilomètres? Des enquêteurs vont étudier la question, après que le nouveau pôle spécialisé dans les affaires non-élucidées, créé au mois de mars dernier, a décidé de s’intéresser au parcours criminel de Willy Van Coppernolle, un Belge condamné à la perpétuité en 1995 pour le meurtre du petit Abdeljabbar Dkhissi. Une information judiciaire a été ouverte.
Comparé à des criminels en série comme Michel Fourniret ou Patrice Alègre, Willy Van Coppernolle est moins connu du grand public. Pourtant, le Belge, aujourd’hui âgé de 79 ans, a été condamné à une trentaine de reprises dans son pays pour “attentat à la pudeur” et “rapt de mineur”. Au total, on lui reproche une trentaine d’autres faits enFrance, lui qui a sillonné le pays.
Dans l’Hexagone, on entend parler de lui quand il est arrêté en mars 1993 après la disparition d’Abdeljabbar Dkhissi à Remoulins. À cette époque, il vient de sortir de prison après avoir purgé une peine de trois ans et demi pour attentat à la pudeur avec violence commis sur deux mineurs dans la Drôme, l’équivalent d’une agression sexuelle dans le Code pénal actuel.
Willy Van Coppernolle est en effet libéré le 22 mars 1993. Le scénario qui se met en place est le même que pour les faits pour lesquels il vient de sortir de prison: il loue une voiture en Belgique et se rend en France, cette fois-ci dans le Gard.
L’homme sait se montrer sympathique avec les gens du coin. Il se fait passer pour un ingénieur chez IBM, loge dans une auberge, dit vouloir louer plusieurs chambres pour ses collègues. Il dîne à la table de l’établissement, familiarise avec le patron. Au point que le lendemain, quand il prétend s’être fait voler sa sacoche, le gérant lui prête 1400 francs (un peu plus de 200 euros).
En réalité, ce 27 mars 1993, alors qu’il est en liberté depuis cinq jours, il vient de croiser la route d’Abdeljabbar Dkhissi dans une rue de Remoulins. Il le fait monter dans son véhicule avant de le tuer. Même au moment de son procès, rien n’émergera sur les faits. Willy Van Coppernolle assure ne pas l’avoir violé. Il prétend que l’enfant est monté de son plein gré, cherchant à se prostituer pour s’acheter des baskets.
Une semaine après ce meurtre, Willy Van Coppernolle prend en stop deux adolescents de 15 et 16 ans sur une route dans l’Aude. Il les viole sous la menace d’un fusil à pompe. Les deux victimes parviennent à s’enfuir, lui faisant croire qu’ils pourraient se revoir, et donnent son signalement. Il va être confondu par sa plaque d’immatriculation.
Trois semaines après son arrestation, il “soulage sa conscience”, selon les termes de son avocat de l’époque, et avoue le meurtre d’Abdeljabbar Dkhissi. Lorsque le corps du petit garçon est découvert, sur les indications de son meurtrier, son état ne permet pas de déterminer s’il a été violé.
Les affaires du meurtre d’Abdeljabbar Dkhissi et des viols des deux autostoppeurs sont jointes lors du procès du Belge récidiviste devant la cour d’assises du Gard. Me Elisabeth Alric, qui représentait la famille du petit garçon, se rappelle d’un homme “glacial, sans remords et sans regrets”. Me Bellotti, qui représentait les deux adolescents, se souvient de son côté “d’un dossier éprouvant”.
“Je ne revenais jamais indemne de nos entretiens à la maison d’arrêt”, confie Me Charles-Etienne Sanconie qui a défendu le Belge pour le meurtre de l’enfant. “C’est sûr qu’il n’avait pas une personnalité sympathique avec son accent belge et ses bégaiements”, abonde Me Philippe Chardon, son avocat lors de son procès en 1989 puis en 1995.
Le conseil, aujourd’hui à la retraite, se souvient d’ailleurs d’un procès qui s’est déroulé dans “une ambiance épouvantable” devant la cour d’assises du Gard en 1995. Le public est nombreux, les médias locaux suivent avec attention les débats. La configuration de la salle fait en sorte que les deux avocats de Willy Van Coppernolle sont assis tout prêts des parties civiles. “Ordure”, “assassin”… Les invectives fusent depuis les bancs du public.
Mythomane, troublant, Willy Van Coppernolle laisse entendre à ses avocats qu’il aurait de l’argent caché au Luxembourg. Il évoque une sœur, religieuse en Belgique. Il parle surtout de son enfance troublée: il assure avoir été violé dans l’institution religieuse où il a été placé à l’âge de 6 ans après que son père a été condamné pour inceste. Des allégations qui n’ont jamais pu être vérifiées.
Au procès, il reconnaît tout de même le meurtre du petit garçon. “Dans cette affaire, je n’ai pas d’excuses”, explique Willy Van Coppernolle. “C’est moi qui ai pris cette vie. Mais à aucun moment ce petit garçon n’a été déshonoré. Même par un petit doigt. Tout l’après-midi, c’est dur à dire, mais on a rigolé, on s’est amusé.” Il finit aussi par avouer le viol des deux adolescents.
“Il était manipulateur, très dangereux”, poursuit Me Sanconie. “Il reconnaissait les faits mais ne les avouait pas non plus.”
C’est tout le travail que va mener le pôle spécialisé des affaires non élucidées qui va s’atteler à établir le parcours criminel de Willy Van Coppernolle. Ce nouvel outil, permis par une modification législative, “permet de bien connaître les auteurs et de retrouver des faits qui pourraient leur être imputés”, expliquait la juge d’instruction Sabine Khéris lors d’un colloque à l’Institut de criminologie de Paris en septembre.
À la différence d’une enquête traditionnelle, qui part du crime pour trouver un criminel, les enquêteurs partent du parcours de vie d’un suspect – ses déplacements géographiques, les différents endroits où il a vécu, travaillé… – pour tenter d’y rattacher des faits non élucidés.
Pour son ancien avocat, le meurtre commis par Willy Van Coppernolle est un “accident de parcours”. Me Paola Bellotti estime au contraire que son passage à l’acte à Remoulins est la preuve que “malgré des passages en prison, le Belge “est allé au bout de son parcours criminel”.
Willy Van Coppernolle a déjà été entendu dans l’affaire des “disparus de l’Isère”, 12 affaires d’agressions, d’enlèvements ou de meurtres d’enfants commis dans le département entre 1983 et 1996. Parmi ces affaires, la disparition de Ludovic Janvier, en mars 1983, ou l’enlèvement de Grégory Dubrulle, en juillet de la même année, dont les affaires sont désormais, comme d’autres, menées à Nanterre.
L’audition du Belge en 2017 n’avait rien donné. “Les vérifications avaient été faites de manière peu sérieuse”, tranche une source proche du dossier. L’étude de son parcours criminel était réclamé depuis des années par les familles des victimes. Pulsions sexuelles assouvies sur des petits garçons, grande mobilité géographique, mode opératoire identique dans certaines affaires… Willy Van Coppernolle figure comme un bon suspect, selon elles. Des familles qui se félicitent qu’il soit interrogé par des enquêteurs aguerris, formés à ce type de personnage.
Condamné à la réclusion criminelle à perpétuité en 1995, il est toujours incarcéré à ce jour.
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