Sa maison, en lisière de forêt, est un havre de paix. Hadrien David, souriant et détendu, nous y accueille en ce matin d’avril. Arrivé la veille, il revient tout juste de chez un sponsor local. Dans la foulée, il a un rendez-vous médical lié à sa sélection en équipe de France de FFSA circuit, dirigée par Jean Alesi. Le soir même, il repart déjà, direction 321 Perform, structure dédiée aux pilotes à Font-Romeu (Pyrénées Orientales). La vie de ce Royannais de 17 ans est à l’image de ses courses, rapide. Entre sa saison avec R-ace GP, sa préparation physique et mentale, ses études de lycéen, sa petite amie à Bordeaux et ses parents, il court toujours avec le temps.
Tout cela vaut-il le coup ?
Oui ! Je suis arrivé en 2013 au karting de Royan et depuis, ça reste une aventure locale, familiale. C’est sans doute le sport le…
Tout cela vaut-il le coup ?
Oui ! Je suis arrivé en 2013 au karting de Royan et depuis, ça reste une aventure locale, familiale. C’est sans doute le sport le plus cher au monde et, dès le début, j’ai pu continuer grâce à un soutien local, à des copains de mon père. J’ai beaucoup de chance. Sinon, j’aurais dû arrêter, même si en karting les budgets étaient plus petits. C’est un peu David contre Goliath (sourire) : on se bat contre des gros, comme la première fortune canadienne, par exemple. C’est difficile de lutter. D’autres sont soutenus par des constructeurs comme Mercedes… Le coach de Lando Norris (un pilote britannique de F1, NDLR) me disait que pour réussir, il fallait avoir un gros portefeuille…
Ce qui n’est pas votre cas…
C’est triste. Le sport ne devrait pas être comme ça. Maintenant, ils ont mis en place un règlement qui limite les roulages en Formule 3, on n’a pas le droit de trop s’entraîner. Pour éviter les coûts et que les milliardaires s’entraînent sans arrêt. Ça reste injuste : ils achètent des voitures des années précédentes avec lesquelles on a le droit de rouler… Ils contournent toujours.
Cette injustice est-elle nouvelle ?
Ça a toujours été le cas. Je l’ai senti pour la première fois au niveau mondial en karting, à partir de 2017. Au niveau français, c’était moins vrai. C’est un paramètre qui compte énormément parce que pour devenir bon, il faut s’entraîner. Et là, on ne peut pas trop le faire parce que ça coûte trop cher.
Outre les grosses fortunes, il y a aussi les « noms »…
Oui. Cette saison, Eduardo Barrichello, le fils de Ruben, a rejoint le championnat. Les noms aident à intégrer des grosses équipes, à avoir des gros sponsors. Cela a été le cas pour le fils Schumacher (Mick, NDLR), dès le début. C’est un très bon pilote, mais c’est clair que sans son nom, cela aurait été plus difficile. Mais il y a moins de différences qu’avec les grosses fortunes.
Tout cela est-il une source de motivation supplémentaire ?
Ça peut paraître égoïste, mais ce n’est pas trop mon problème. Mon père me dit toujours de ne pas trop y penser, parce que c’est du temps que je ne passe pas à m’entraîner ou à réfléchir positivement. Le plus important c’est que, quand j’entre dans la voiture, je prends un maximum de plaisir. Ma grande chance, c’est que mon père me soutient depuis le début.
Esteban Ocon, pilote en F1 chez Alpine et dont le père est garagiste, est-il un modèle ?
C’est un exemple. Je le connais très bien, je le respecte beaucoup. Il est parti de rien et a une super carrière. Eric Boullier (ancien patron des équipes de F1 Renault, Lotus puis McLaren, aujourd’hui directeur du Grand Prix de France et manager d’Hadrien David, NDLR) s’était occupé de lui jusqu’à ce qu’il rejoigne Mercedes, c’est vraiment une belle histoire. J’ai la chance de passer deux mois de l’année avec lui à 321 Perform, on partage le même chalet, je le vois tout le temps. Il a un bel état d’esprit.
Il prouve que l’on peut réussir sans fortune et sans nom ?
Exactement. Ça complique la tâche, l’histoire, c’est certain, mais c’est toujours possible. Il ne faut pas désespérer. Sinon j’aurais déjà arrêté (sourire).
Avez-vous tous le même rêve, piloter des Formule 1 ?
Exactement. Moi, ça me dévore ! Je ne vis que pour ça, je suis obsédé par la F1. J’espère vraiment que ça fonctionnera. Si c’est le cas, ça me fera d’autant plus plaisir que tout n’a pas été mâché, qu’il y a eu beaucoup de travail et de sacrifices derrière.
Échangez-vous avec vos concurrents ?
Oui, beaucoup avec Eduardo Barrichello, avec un gros roval pour le titre, un Estonien, pilote junior Mercedes F1 qui a fini juste devant moi en 2020. C’est comme un cirque, on démonte les voitures, les tentes, les boxes, on va sur une autre piste où on réinstalle tout. On se retrouve toujours aux mêmes endroits. On n’est pas copains, parce qu’à partir où l’on met le casque on est ennemis, mais on s’entend bien. Et on se respecte tous.
L’apport d’Eric Boullier, votre manager, est-il essentiel ?
Oui. Il a rejoint l’aventure en 2019, c’est un super soutien. Avoir quelqu’un d’aussi connu, impliqué dans le sport automobile qui me suit, c’est flatteur. Je suis vraiment content.
Ressentez-vous toujours le même plaisir qu’à vos débuts ? Est-il lié à la vitesse ou à la stratégie ?
Le plaisir est toujours le même à partir du moment où je m’assois derrière un volant, qu’il y a quatre roues et des pédales. C’est ce qui me plaît le plus au monde. En montant dans les catégories, il y a de plus en plus de puissance, les circuits sont de plus en plus beaux, ça ajoute du plaisir. Mais la base est la même. S’il n’y avait pas d’adversaire, ça ne me plairait pas autant. Savoir qu’on se bat contre d’autres pilotes, et que le but est d’aller le plus vite possible sur un tour ajoute tellement d’adrénaline, de stress… C’est ce qui rend le sport aussi beau.
Concernant la vitesse, les premiers tours de roue, quand on change de catégorie, sont impressionnants, mais on s’y habitue. Je ne ressens pas forcément de différence entre le karting et la Formule 3. Là, en F3, on atteint des vitesses de pointe de 270 km/h, mais les pistes sont plus larges, plus grandes. En soi, les sensations sont donc assez similaires.

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