Garée devant la porte Dijeaux, ce mercredi 25 mai au matin, la remorque détourne le flux incessant de passants. Patron de l’agence Argus immobilier, au premier étage, Antoine Duffour cale une chaise de bureau contre l’imprimante et des cartons de dossiers. « La troisième crise. Les gilets jaunes, le Covid, et maintenant une évacuation », soupire-t-il. La nouvelle est tombée la veille au soir : ici, au coin de la place Gambetta, deux immeubles fissurés en façade, les n° 12 bis et n° 13, occupés au rez-de-chaussée par la Toque cuivrée et la bijouterie Ducas, ont fait l’objet d’une visite d’expert…
Garée devant la porte Dijeaux, ce mercredi 25 mai au matin, la remorque détourne le flux incessant de passants. Patron de l’agence Argus immobilier, au premier étage, Antoine Duffour cale une chaise de bureau contre l’imprimante et des cartons de dossiers. « La troisième crise. Les gilets jaunes, le Covid, et maintenant une évacuation », soupire-t-il. La nouvelle est tombée la veille au soir : ici, au coin de la place Gambetta, deux immeubles fissurés en façade, les n° 12 bis et n° 13, occupés au rez-de-chaussée par la Toque cuivrée et la bijouterie Ducas, ont fait l’objet d’une visite d’expert. Verdict : un mur porteur mitoyen, dit de refend, est fragilisé et impose l’évacuation non seulement des deux immeubles mais aussi, par crainte d’un effet domino, des quatre numéros voisins, du 11 au 15.
Dernier épisode en date dans la litanie d’immeubles de centre-ville visés par des arrêtés de péril depuis les effondrements dans les rues Planterose et de la Rousselle, en juin 2021. Place Gambetta, ce mur de refend est « en limite de rupture, particulièrement fragilisé et pourrait s’effondrer », prévient Stéphane Pfeiffer, adjoint au maire en charge de l’habitat, reprenant les conclusions de l’expert mandaté à la demande de la Ville par le tribunal administratif. En façade, les fissures sont anciennes, des débris sont tombés il y a plusieurs années, et de modestes témoins en bois que l’adjoint juge « étonnants » révèlent selon lui une « défaillance de suivi ».
Surtout, c’est la réapparition de fissures, malgré un récent ravalement au n° 13, un immeuble racheté en avril 2021, qui aurait attiré l’attention d’un passant, accessoirement employé salarié d’InCité, la société gestionnaire du patrimoine ancien, rapporte Stéphane Pfeiffer. L’affaire n’a pas traîné, du signalement aux conclusions sans détour de l’expert judiciaire, dans la journée de mardi 24 mai, assorties de la décision municipale d’évacuer dès le lendemain, « au plus tard à 18 heures ». Les dommages collatéraux sont nombreux : à l’évacuation de sept locataires, dont un est pris en charge par le CCAS faute de point de chute, s’ajoute la fermeture de sept locaux d’entreprises. Cinq commerces sont visés : le Joaillier du Marais, le Fumoir bordelais, la Toque cuivrée, la bijouterie Ducas, la sandwicherie Papa Jo. La boutique de Baillardran reste ouverte mais son atelier est condamné. Moindre mal, le chantier de restauration de la porte Dijeaux, qui touchait à son terme, est suspendu.
Dans le dos des adjoints réunis autour d’un point presse, mardi matin, place Gambetta, le ballet des voitures particulières chargées à bloc et des camions de location avait déjà débuté. Au Fumoir bordelais, étroit tabac de centre-ville, la patronne décline tout commentaire : « Je ne veux voir personne. Psychologiquement, je ne suis pas d’attaque. » À la Toque cuivrée, les salariées ont pu être réparties dans d’autres boutiques de l’enseigne, apprend-on. À quelques jours de la Fête des mères, c’est aussi un coup dur pour la bijouterie Ducas, où l’on s’active à vider les vitrines, en s’excusant de ne pas prendre le temps de commenter la situation.
« On se prépare à tout fermer, et on ne sait pas combien de temps ça va durer, des semaines ou des mois », confirme Benjamin, de Papa Jo, occupé à rapatrier ce qui peut l’être dans le second magasin de l’enseigne, côté Mériadeck. Cinq salariés travaillent ici. « Il n’y a pas grand-chose à dire, on s’exécute », reprend Antoine Duffour, l’agent immobilier, devant sa remorque. « Choqué » à l’annonce de la nouvelle, mardi soir, il a mis à contribution son réseau de connaissances. Les quatre salariés déménagent « pour quelques semaines » dans un appartement mis à disposition « par un propriétaire », rue Bouffard : « On a de la chance d’avoir trouvé une solution de repli. »
Marie, 19 ans, la voisine de l’agence immobilière, étudiante en stage qui habite un appartement depuis quatre mois, passe par là : « Je l’ai appris hier en sortant, je n’y croyais pas. » Si le contexte des immeubles sinistrés n’a échappé à personne, l’adjoint au maire Stéphane Pfeiffer relativise toute « tendance à la surprécaution » côté Ville, par « le recours à un expert auprès du tribunal ». Reste une inconnue, et pas la moindre, au-delà du périmètre de sécurité dont les contours restaient à définir – un passage sous la porte Dijeaux sera maintenu : Combien de temps va durer la situation ? « On n’a aucune idée des délais », convient Stéphane Pfeiffer, indiquant toutefois qu’une « première entreprise est venue sur place mardi soir pour envisager les travaux ».

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