Le musée d’Aquitaine projette d’acquérir un gisant, représentatif de l’art funéraire au XIIIe siècle. Ce chevalier au lion couronné a traversé les couloirs du temps, soit huit siècles, du Moyen-Âge à aujourd’hui. C’est dans le parc du château de Tustal, à Sadirac, dans l’Entre-deux-Mers, qu’il était conservé jusqu’en 2000. La pierre d’environ 650 kg se trouvait au centre d’un nymphée du XVIIIe siècle et le déménagement de la grotte vers Bordeaux n’a pas été simple. Nettoyé, restauré, il figure aujourd’hui parmi…
Le musée d’Aquitaine projette d’acquérir un gisant, représentatif de l’art funéraire au XIIIe siècle. Ce chevalier au lion couronné a traversé les couloirs du temps, soit huit siècles, du Moyen-Âge à aujourd’hui. C’est dans le parc du château de Tustal, à Sadirac, dans l’Entre-deux-Mers, qu’il était conservé jusqu’en 2000. La pierre d’environ 650 kg se trouvait au centre d’un nymphée du XVIIIe siècle et le déménagement de la grotte vers Bordeaux n’a pas été simple. Nettoyé, restauré, il figure aujourd’hui parmi la collection d’art médiéval du musée bordelais.
Ses propriétaires ont souhaité mettre fin à son dépôt, et proposer le gisant à la vente. Il a été expertisé et est estimé à 200 000 euros. Pour garder cette œuvre de grande valeur dans le giron des musées français, le musée d’Aquitaine souhaite en faire l’acquisition, pour assurer sa protection et permettre au public de l’admirer encore longtemps
Ce gisant reste énigmatique. Sa présence au château de Tustal n’est attestée que depuis le XIXe siècle. Il provient très vraisemblablement de l’abbaye de La Sauve-Majeure, pillée sous la Révolution, et distante de seulement quelques kilomètres. De nombreuses familles seigneuriales y ont été inhumées. Sa datation du XIIIe siècle est certaine, le nom du défunt l’est moins. De cet homme, soldat inconnu, il ne reste que la sculpture qui ornait son tombeau. En Gironde, selon Frédéric Boutoulle, professeur d’histoire médiévale à l’Université de Bordeaux Montaigne, elles sont rares. Il cite « un gisant mutilé de chevalier dans le cloître de Saint-Émilion », peut-être un « seigneur de Castillon », selon Christian Block, responsable des collections médiévales et modernes du musée d’Aquitaine, auteur d’une biographie aux Éditions Sud Ouest, et « la dalle funéraire du chevalier de Grailly du XIVe siècle dans la collégiale Notre-Dame d’Uzeste ».
Concernant le gisant du musée d’Aquitaine, tout pousse à croire qu’il est celui d’un membre de la puissante famille de Curton qui a participé jusqu’à son extinction à la défense et l’administration du domaine du roi-duc d’Aquitaine. Son bouclier orné d’un lion couronné et dressé sur ses pattes, toutes griffes sorties, aurait permis cette identification. Notre chevalier servait donc le roi d’Angleterre.
Il faut rappeler que depuis l’accession au trône d’Angleterre d’Henri II de Plantagenêt en 1154 et son mariage deux ans plus tôt avec la bien connue duchesse Aliénor, l’histoire de l’Aquitaine anglaise est marquée par une rivalité incessante avec la maison des rois de France. Jusqu’à la fameuse victoire du roi de France Charles VII à Castillon-la-Bataille qui en 1453 a signé la fin de la guerre de Cent Ans.
Quel pouvait être le quotidien de ce seigneur de guerre gascon ? « Il pouvait partager son temps entre des campagnes de guerre publiques, des conflits privés pour des histoires souvent patrimoniales et de vengeance et des périodes d’entraînement. Il aurait également pu participer à une croisade en Albigeois, en Espagne pendant la Reconquista, en Afrique du Nord ou encore à l’est avec les chevaliers teutoniques. On sait peu de choses sur l’implication de la chevalerie gasconne », explique Frédéric Boutoulle.
Reste de cette époque guerrière quelques rares témoins de temps anciens comme ce gisant très représentatif d’une époque. Pour Laurent Védrine, directeur du musée d’Aquitaine, c’est « une pièce qui incarne cette histoire, et nous avons un tiers de public scolaire ».
Comme le public, observons-le. Huit cent ans nous séparent de ce géant de plus de 2 mètres taillé dans la pierre calcaire de l’Entre-deux-Mers. Il a su résister au temps. Il est représenté allongé et en prière, en armes, prêt à se relever. Des pieds à la tête, il est recouvert d’une cotte de mailles finement ciselée et d’une cotte d’armes. L’épée et l’écu sur son flanc gauche, il attend depuis des siècles le salut de son âme et sa résurrection le jour du Jugement dernier.

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