Poussera, poussera pas ? Grâce aux pluies tombées fin septembre, le salon du champignon pourra se tenir dans de bonnes conditions ce week-end à Pau. « Une exposition de près de 300 espèces est prévue » anticipait en début de semaine Yves Cestac, président de la Société mycologique du Béarn. L’évolution des conditions climatiques menace pourtant chaque année la cueillette. Le point avec cet ingénieur agronome retraité, mycologue passionné et fin observateur du bouleversement climatique sur les espèces.
Étiez-vous certain de pouvoir organiser votre salon malgré le dernier épisode intense de sécheresse ?
Nous avons été sauvés par les dernières pluies qui ont été courtes mais intenses. D’autres régions ne sont pas aussi privilégiées que les Pyrénées-Atlantiques. En raison de la sécheresse, certaines ont dû annuler leur salon. Dans le Comminges, par exemple, ils ont été contraints de décaler l’événement au mois de novembre.
Quelles sont les conditions pour qu’un champignon pousse ?
Les conditions sont variables selon les espèces, chacune ayant ses propres besoins. Certaines peuvent être visibles tout au long de l’année, d’autres selon les saisons, quand quelques-unes ne le sont qu’une fois dans la vie d’un mycologue ! Pour qu’elles poussent, il faut des périodes de sécheresse assez marquées, ce qui est de plus en plus le cas, mais aussi des quantités de pluie suffisante, voire un épisode de grêle. Bref, il faut un choc thermique, sauf pour les champignons printaniers qui en ont moins besoin.
Observez-vous des évolutions lors de vos cueillettes en raison du changement climatique ?
Les cueilleurs ne voient que la partie de la fructification des champignons mycorhiziens. Sous terre, leur mycélium formé de filaments invisibles à l’œil nu, qui s’étend sur plusieurs kilomètres et tisse des relations étroites avec les arbres. Tout ce qui affecte l’arbre, comme la sécheresse actuelle, affecte forcément le champignon, et vice-versa. Sur près de 150 ans, les observateurs estiment que la période de fructification s’est décalée de 15 à plus de 30 jours.
Sur quelles données scientifiques vous appuyez-vous ?
Selon le GIEC, l’évolution moyenne de la température serait de 2 à 4 °C en 2 100. Et si l’on se base sur les données de l’Union internationale pour la Conservation de la nature (UICN), un tiers des espèces d’arbres et des champignons associés serait menacé d’extinction. Or ils représentent des puits de carbone naturel en stockant chaque année 5 milliards de tonnes de CO2. La limitation du réchauffement en sera d’autant plus affectée.
Quels seront les changements à court terme ?
Avec l’adoucissement du climat hivernal et la sécheresse, on doit s’attendre à un décalage vers l’hiver de la fructification, une baisse de la production, une hausse des espèces parasites… Les mycologues observent déjà une migration d’espèces méditerranéennes plus au Nord, de la truffe noire vers l’Est de l’Europe ou encore l’apparition de bolets thermophiles en période estivale.
Et à plus long et moyen terme ?
La diminution de certaines espèces d’arbres comme le hêtre, le chêne pédonculé, le pin sylvestre, pin à crochets… au profit du chêne vert, pin maritime s’accompagne d’une modification profonde des communautés fongiques. D’autres champignons vont parallèlement augmenter en lien avec les essences méditerranéennes. À plus long terme, on constatera des adaptations morphologiques avec des espèces qui vont se recroqueviller et rester sous terre.
Avez-vous déjà observé des disparitions ou, au contraire de nouvelles colonisations d’espèces ?
Effectivement, pour la première fois en France, la Favolaschia calocera a été observée en 2015 à Laroin. Elle a été introduite via l’import de bois exotiques de Nouvelle-Zélande. Cette espèce vit normalement dans les climats pantropicaux et colonise aujourd’hui les forêts des Pyrénées-Atlantiques jusqu’à gagner Bordeaux et Tarbes. Son caractère invasif pourrait directement impacter la diversité de champignons locaux. On peut lier cette invasion à l’élévation du niveau des températures. D’autres espèces exotiques comme l’entonaema cinnabarina, découvert pour la première fois dans les Pyrénées-Atlantiques en 1999 a moins colonisé le territoire. Le clathre d’Archer, reconnaissable pour sa forme en étoile et sa couleur rouge est, elle, devenue une espèce invasive dans le 64.
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