On passe tous les jours à côté de ces herbes qu’on pense mauvaises, on les piétine, on les tond, on les arrache, les chiens n’ont pas plus de respect pour elles. Il faut croiser Laurence Dessimoulie pour revoir complètement ses a priori. Habitante du Médoc, cette cuisinière « éco-responsable » a toujours aimé le végétal, élevée par des grands-parents agriculteurs bio. À travers plusieurs livres, elle prouve que le meilleur est à nos pieds. Il suffit de se baisser. L’île d’Oléron est son jardin. Elle y vient…
On passe tous les jours à côté de ces herbes qu’on pense mauvaises, on les piétine, on les tond, on les arrache, les chiens n’ont pas plus de respect pour elles. Il faut croiser Laurence Dessimoulie pour revoir complètement ses a priori. Habitante du Médoc, cette cuisinière « éco-responsable » a toujours aimé le végétal, élevée par des grands-parents agriculteurs bio. À travers plusieurs livres, elle prouve que le meilleur est à nos pieds. Il suffit de se baisser. L’île d’Oléron est son jardin. Elle y vient cueillir des herbes typiques comestibles et savoureuses.
Fin août 2022, il faut être attentif. La sécheresse a grillé les sols, les plantes sont toutes rabougries. « La période est stressante pour elles mais elles repoussent », montre Laurence Dessimoulie devant une touffe verte sur les remparts de la citadelle du Château-d’Oléron. Il s’agit de roquette sauvage. Présente en abondance sur l’île d’Oléron, elle a la même physionomie que celle en sachets. Le goût est authentique, poivré. Le petit plaisir supplémentaire est de manger le bouton des futures fleurs. « Croquant, délicieux. »
Plus loin, c’est une blette maritime qui pointe le bout de ses grandes feuilles. Et puis à côté, une amarante sauvage, « riche en protéine végétale, qui se mange comme des épinards ». Dans les roches, Laurence Dessimoulie cueille en passant des feuilles de pariétaires, issues de la même famille que les orties. « En infusion, elles soignent les calculs urinaires », précise-t-elle.
Laurence Dessimoulie n’utilise pas d’outil, ne touche ni aux racines ni aux branches. « Il faut ‘compagnonner’ avec les plantes, les regarder, les observer, les connaître d’une saison à l’autre. On doit reconnecter avec le monde du vivant, renouer avec le bon sens. » La cueillette a été oubliée après la Seconde Guerre mondiale avec l’émergence de l’industrie agroalimentaire. « C’est un pouvoir de savoir comment les plantes guérissent, un pouvoir souvent connu des femmes et donc souvent dénigré. Il ne s’est malheureusement pas transmis et s’est perdu. » Dans le Médoc, elle a dû faire sa place dans ce royaume de l’entrecôte aux sarments. Elle pratique la cueillette depuis vingt ans.
« L’appauvrissement des sols résonne avec l’appauvrissement des ventres. Ça me révolte, réagit-elle. Il y a dix ans, j’ai voulu faire un premier livre sur les plantes comestibles. Je suis allée voir les anciens… ils ne savaient rien. » Sa philosophie de vie est loin d’être universelle. « Quand tu vois que les gens ont moins peur d’un truc sous plastique que d’une herbe du jardin… Pourtant le végétal est simple, c’est le moins trafiqué. »
Le plaidoyer de Laurence Dessimoulie trouve tout son sens dans ce paysage oléronnais. Ici, un fenouil sauvage aux boutons délicieusement anisés. Là-bas, des orties qu’on dégustera en soupe, en gratin ou en pesto. Au milieu de la pelouse grillée, des petites fleurs violettes. « Il s’agit de mauves. C’est une cousine de la rose trémière. Ce sont des plantes de douceur contre les maux de gorge. » Les feuilles des ronces ont également ces propriétés médicinales, tout comme l’érigéron du Canada qui envahit tous les jardins. Sur ces remparts frappés par les embruns salés, on trouve des cristes marines, typiques des côtes atlantiques. « Elle est riche en vitamine C. Elle était emportée par les marins pour combattre le scorbut. »
Attention néanmoins à l’indigestion. Laurence Dessimoulie met en garde contre l’engouement de la cueillette qui peut aussi faire des ravages dans la nature et dans les estomacs. « La ciguë ressemble beaucoup à la carotte sauvage. On ne cueille que ce que l’on connaît ! » Elle anime régulièrement des balades découvertes qui, étonnement, attirent surtout des locaux. « Ils ne connaissent pas leurs plantes. » Le travail est immense.
« Oléron, sauvage et savoureuse » de Laurence Dessimoulie aux Éditions Sud Ouest. 15 euros.

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