Rubriques et services du Figaro
Le Figaro
Rubriques et services du Figaro
Nos journaux et magazines
Les sites du Groupe Figaro
LES ARCHIVES DU FIGARO – La station balnéaire est déjà très en vogue au XIXe siècle. Le Figaro de la Belle Époque s’en fait l’écho régulièrement. Nous avons retrouvé un reportage passionné du journaliste et romancier Pierre Giffard publié en 1881.
«Le ciel est indigo, la mer est indigo; on dirait que Ziem* en a décrété la couleur; les rochers et les îlots qui s’élèvent de ce lac paisible sont roux comme ceux de la côte méditerranéenne». C’est ainsi que Pierre Giffard s’enthousiasme devant la baie de Dinard il y a 135 ans. Il est totalement séduit comme l’ont été auparavant les Anglais. En effet, c’est au milieu du XIXe siècle que les Anglais tombent sous le charme des côtes dinardaises. Ce sont eux qui construisent les villas sur la pointe du Moulinet. On leur doit les premiers investissements dans les infrastructures balnéaires et la création d’équipements sportifs tels que le golf. La renommée et le succès de Dinard repose donc sur les anglais. Très rapidement, les élites françaises se pressent aussi dans cette belle cité.
On peut ainsi dire qu’en 1880, Dinard devient la première station balnéaire de France. Le Figaro la surnomme «La reine des plages de la côte d’Émeraude» et n’hésite pas à la comparer à Monaco!
Dès le mois d’août le «mouvement mondain» s’accentue: «La jolie plage de Dinard parait avoir été adoptée cette année par les princes de la famille d’Orléans». Le duc de Chartres habite la villa Fréhel, bâtie il y a deux ans, et d’où l’on découvre à l’horizon le cap Fréhel» écrit Le Figaro en août 1881.
De nombreux écrivains fréquentent aussi la cité balnéaire. «Chaque année, dès qu’a souri le printemps, Mme Judith Gautier va vite retrouver sa délicieuse villa de Saint-Enogat (quartier historique de Dinard), le Pré des Oiseaux, d’où l’on découvre en face, les îles du Grand-Jardin avec son phare…» nous rapporte le quotidien en 1890. Victor Hugo et son éditeur Albert Lacroix y séjournent également régulièrement. On raconte qu’Edmond Rostand aurait résidé à la villa Bel Esbat où il aurait écrit son chef d’œuvre Cyrano de Bergerac.
Avec la mode des bains lancée, Dinard s’impose donc comme la station la plus en vue de la côte d’Émeraude. «C’est un enchantement qui commence dès l’arrivée, au bord de la baie, et qui ne finit qu’avec le jour néfaste où l’express, le terrible express, vous ressaisit pour regagner la fournaise: Paris!» assure Pierre Giffard.
Extraits de l’article paru dans Le Figaro du 21 juin 1881
Dinard
Enfin cette baie magnifique de Dinard a donc trouvé ses prophètes! À la bonne heure! Je suis bien à l’aise pour en parler, car je viens de passer là huit jours délicieux. […] Dans quelques jours, d’ailleurs, le littoral sera envahi; je me trouve donc satisfait d’avoir savouré quelque temps le calme absolu de la plage bretonne, saupoudrée déjà de colons malins, qui viennent marquer leur place et déposer le bagage des familles. L’évolution balnéaire, si j’ose m’exprimer ainsi, caractérisera la fin de ce siècle. Avez-vous jamais vu dans l’histoire une fureur pareille? Je n’en blâme point les Français, loin de là, et chaque année, à pareille époque, je bénis la mémoire de Papin, de Stephenson et de James Watt. Ces bons inventeurs ont supprimé toute distance entre Paris et la Manche, bretonne ou normande. J’acclame le chemin de fer de l’Ouest. Ses chauffeurs barbouillés de suie m’apparaissent tout en rose, et sur le pont de la place de l’Europe, j’écoute avec complaisance l’horrible sifflet de leurs locomotives. Il me semble ouïr le signal du bateau à vapeur qui va de Saint-Malo à Dinard, et de Dinard à Saint-Malo.
[…] Je dois aujourd’hui déclarer que, depuis Menton jusqu’à Dunkerque, en comptant les sites pyrénéens enguirlandés par les gaves, il n’est en France rien de comparable à ce golfe plein de soleil et d’azur, hérissé de roches pittoresques et bordé de criques silencieuses, qui s’appelle la baie de Saint-Malo. C’est un enchantement qui commence dès l’arrivée, au bord de la baie, et qui ne finit qu’avec le jour néfaste où l’express, le terrible express, vous ressaisit pour regagner la fournaise, Paris!
[…] Oh! le voyage de Paris à Dinard! Il faut le faire pour y croire. C’est un poème, que la promenade première au bord de ce golf, bleu comme celui ce Naples, et découpé comme un décor de Pardon de Ploërmel**.
On prend à Paris le train de huit heures du soir, à la gare Montparnasse. Vers cinq heures du matin on aperçoit la vieille église de Dol, et à six heures, la gare de Saint-Malo. Quelques minutes après, le voyageur est à la cale de Saint- Servan, la ville sœur de Saint-Malo, où le bateau de Dinard chauffe avec importance. Il faut dire de ce bateau de Dinard que c’est un joujou pour les Parisiens. Quelqu’un me demandait l’autre jour combien de temps il mettait pour traverser la baie. Juste six minutes, un peu moins qu’il n’en faut au bateau mouche pour aller de la Concorde au Trocadéro.
L’arrivée sur le pont du bac (car ce bateau paternel est dénommé bac à vapeur, ce qui indique bien son office) est un ravissement pour les yeux. Dans le matin flamboyant, on aperçoit à perte de vue, sur la gauche, des lacs bleus et des rochers rouges. C’est l’embouchure de la Rance, la jolie rivière dont les Anglais sont tous amoureux. Elle vient confondre ses eaux tranquilles avec les lamettes fraîches de la marée montante. Les maisons multicolores de Dinard, encadrées dans les arbres, apparaissent au fond du tableau; la pointe verte de la Malouine, l’oasis célèbre du duc d’Audiffret-Pasquier, forme un coin du paysage; le ciel est indigo, la mer est indigo on dirait que Ziem en a décrété la couleur; les rochers et les ilôts qui s’élèvent de ce lac paisible sont roux comme ceux de la côte méditerranéenne; et il n’est pas de Parisien qui ne s’écrie, en contemplant cette apparition délicieusement orientale: C’est Monaco!
[…] Le bac est chargé, à l’arrière, de Parisiens qui s’exclament; à l’avant, de paysans bretons et de paysannes bretonnes, qui regardent curieusement les Parisiens. Sur la passerelle, le capitaine, en chapeau de paille, dirige avec l’habileté d’un Duguay-Trouin les manœuvres, vingt fois renouvelées par jour, du départ et de l’arrivée. Le bac glisse rapidement sur la nappe d’eau bleue, et à mesure qu’il s’avance sur Dinard, un autre paysage arrache des cris de joie aux touristes. Derrière un petit promontoire se détache la silhouette originale et légendaire de Saint-Malo. Les vieux remparts, les vieilles maisons et le clocher neuf, effilé, hardi, qui domine la ville, grandissent et diminuent successivement à l’horizon. De ce côté encore, la mer bleue, toujours bleue, avec de nouvelles surprises, et l’ouverture du golfe sur l’immensité.
Voici Dinard: la cale avec ses bisquines*** et ses pêcheurs, son va-et-vient de diligences et de voitures de maître, s’anime chaque année davantage.
La plage de Dinard! La plage des plages, la première d’une série qui finit au promontoire romanesque du Décollé, série qui ne compte pas moins de six jolies anses de sable, encadrées dans des roches bretonnes, sauvages, grandioses, où la truelle du maçon va s’exercer avec frénésie, autant que le crayon du dessinateur et que le pinceau du peintre.
Si le sable aristocratique de Dinard fait la joie des bébés roses, que dire des sentiers taillés dans le roc noir des escaliers, tortueux, épiques de Saint-Enogat? On prend à gauche, laissant les hôtels de Dinard hâtivement achevés, les boulevards hâtivement percés, le gaz hâtivement installé, dans le village qui devient ville et grandit chaque année, on monte sur la falaise, heurtée et bousculée par un mouvement gigantesque des premières époques géologiques. […]Le genêt aux fleurs d’or et la bruyère rose couvrent des escarpements diaboliques dans les fissures desquels vient clapoter la lame bleue, toujours bleue. Le panorama s’élève, il devient surperbe.
[…] Quel coin de paradis que cette baie bretonne!
Par Pierre Giffard
*Felix Ziem (1821-1911) peintre, renommé pour ses marines et peintures de Venise.
**Opéra comique en 3 actes, mis en scène par Ernest Mocker ( 1811-1895).
***Bateaux de pêche traditionnels de la Baie du Mont-Saint-Michel.
marzal
le
C’est l’époque des grandes demeures balnéaires patriciennes, lorsque la gentry britannique et parisienne vient ici aux bains de mer. Les villages de pêcheurs alentours fournissent la domesticité et alimentent la station. Vers 1887, le Dinard Golf Club ouvre sur les terrains côtiers de Saint-Briac, en faisant ainsi un links désormais très chic. Dinard, c’est aussi Picasso en vacances, dans les années 20,avec Olga et Marie-Thérèse. Mais c’est une autre histoire, tout comme celle du rideau de scène du Train bleu (1922). Le Palais de Cristal, détruit depuis une quarantaine d’années, datait-il de ces années 1880 ?
LECONTE DE PARIS
le
Dinard est superbe, mais Dinan n’est pas mal non plus: il faut faire Dinan !…
À tout moment, vous pouvez modifier vos choix via le bouton “paramétrer les cookies” en bas de page.
«Dinard : un coin de paradis» selon Le Figaro de 1881
Partager via :
2 commentaires
2
Le Figaro
Les articles en illimité à partir de 0,99€ sans engagement

source

Catégorisé: