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Au Canada, les mieux nantis se sont enrichis depuis la pandémie et la période d’inflation.
Ils possèdent Couche-Tard, Alibaba, Lululemon. Ils sont héritiers de richesse déjà bien établie, ou encore fondateurs de compagnies. La fortune des 15 plus riches Canadiens a augmenté de 35 % cette année. Totalisant maintenant une fortune excédant les 198 milliards $ US, ces 15 ultra-riches ont accumulé 70 milliards $ de plus que l’an dernier.
C’est ce qu’indiquent les chiffres compilés par le magazine Forbes dans sa liste annuelle des milliardaires du monde.
Le plus riche au pays, Changpeng Zhao de la compagnie de cryptomonnaie Binance, dispose actuellement d’une fortune de 65 milliards $, équivalant au salaire annuel moyen que font ensemble 1,3 million de Canadien·nes.
En deuxième position, la famille Thomson, du conglomérat médiatique Thomson Reuters, représente à elle seule 49,2 milliards $, soit 7,4 milliards $ de plus que l’année précédente.
Si la fortune des milliardaires est aussi élevée, ce n’est pas uniquement le fait d’un salaire profitable. Pour la plupart des ultra-riches, ce sont les actions à la bourse et des investissements avantageux qui leur permettent d’engraisser leur portefeuille chaque année.
« Il ne faut pas simplement regarder l’écart de salaire et agir sur celui-ci, mais l’écart [lié à la détention du] capital, comme l’héritage, le patrimoine immobilier et la détention d’actions », précise Audrey Laurin-Lamothe, professeure de sociologie économique à York.
De plus, alors que l’inflation contribue à vulnérabiliser les plus démuni·es, augmentant le coût des services essentiels comme la nourriture, elle profite aux mieux nantis, notamment au secteur bancaire qui bénéficie de la hausse des taux d’intérêt.
« Le Canada est marqué par une hausse des inégalités depuis la fin des années 1970, qui s’explique par la baisse de syndicalisation, la privatisation des services publics et le changement de structure de la taxation qui favorise les plus riches et les entreprises », explique la chercheuse qui se spécialise dans les élites économiques et la financiarisation.
À l’heure actuelle, le Canada taxe le gain en capital sur la moitié du montant déclaré, contrairement aux salaires, qui, lui, est imposé sur l’ensemble du revenu.
« Le Canada est marqué par une hausse des inégalités depuis la fin des années 1970. »
Selon le Rapport sur les inégalités dans le monde 2022, alors que les nations se sont enrichies dans la dernière année, les gouvernements, eux, se sont appauvris. Pour la plupart des pays riches comme le Canada, la richesse détenue par les acteurs publics est proche de zéro.
Cette tendance a été amplifiée par la pandémie, alors que les gouvernements ont emprunté l’équivalent de 10 à 20 % du PIB, essentiellement au secteur privé.
Une situation préoccupante, selon le Rapport, car la faible richesse des gouvernements menace leurs capacités à lutter contre les inégalités.
Les écarts de richesse ont un impact sur le bien-être mental, physique et matériel des plus vulnérables. « Ces collectivités sont peu résilientes et mal préparées à révéler des défis sociétaux, comme la lutte contre le réchauffement climatique », rappelle Audrey Laurin-Lamothe.
Dans la liste des plus riches au Canada, aucune femme ne figure, tandis que parmi les 15 personnes les plus riches au monde, on n’en trouve qu’une seule, Françoise Bettencourt Meyers de la compagnie L’Oréal.
« Les plus riches et en particulier les plus riches au sommet des grandes entreprises sont des milieux très hermétiques à l’inclusion des femmes », explique Audrey Laurin-Lamothe.
« En 2018, au Canada, 24 % de femmes font partie du 1 % des individus ayant déclaré les revenus les plus élevés, et parmi elles, seulement un tiers sont célibataires. Seulement 8 % des personnes faisant partie du 1 % sont donc des femmes ayant déclaré ce niveau de revenu pour elles-mêmes », énonce la chercheuse.
Les inégalités de revenu du marché sont d’ailleurs très prononcées chez les femmes. Selon les données de Statistique Canada pour 2022, les 10 % des femmes les plus riches au Québec gagnent 9,3 fois plus que les 40 % des femmes les plus pauvres réunies.
Pour réduire les écarts de richesse, l’imposition de l’ensemble des gains en capital serait de mise, selon la chercheuse. Les mesures redistributives, comme les transferts gouvernementaux et l’impôt, peuvent également freiner les écarts. Des tranches d’imposition qui capturent plus adéquatement le revenu des très riches seraient également nécessaires.
« Il faut dès maintenant s’engager vers une capture de la richesse pour la réorienter entre les mains des collectivités, qui sont mieux à même de procéder à des transformations en profondeur qui auront un impact durable dans le temps », espère la professeure.
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