Rue du Pressoir, les habitants sont pressés d’assister au conseil municipal de Saint-Maurice-Montcouronne ce vendredi. Leur objectif : obtenir des réponses, en plus du courrier distribué par la mairie, concernant l’impressionnante invasion d’insectes qui a secoué le village cet été. De la mi-juillet à la fin août, près de 50 propriétés de cette commune de 1 600 habitants ont été envahies par des nuées de coléoptères, des carabes, qui s’échappaient chaque nuit du champ voisin (lire par ailleurs) et s’infiltraient partout dans leur jardin, garage, piscine, cave, maisonâ?¦ jusqu’au premier étage.Si l’invasion s’est résorbée avec la baisse du mercure, les riverains, qui ont remis une pétition à la mairie, sont inquiets d’une nouvelle survenue massive de ces « Pseudoophonus rufipes » en 2016. « Cette semaine, on a encore eu des bestioles survivantes, témoigne Brigitte, de la rue du Pressoir, qui a ramassé avec son époux un demi-seau d’insectes quotidien tout l’été. La première fois, j’ai même appelé les pompiers. La nuit, il y avait un tapis d’insectes et le crépi était noir de bêtes ! A cause des produits, j’ai été malade et ma petite-fille aussi. C’est un été gâché. »« Ils grimpaient au lampadaire et montaient sous les pantalons »« J’ai dû faire refaire la moquette de la chambre car il y en a eu partout, jusqu’au 1er étage », ajoute Nicole. Les habitants, déjà touchés en 2014 dans une moindre mesure, ont été surpris par l’ampleur du fléau cette année. « Le jeudi 16 juillet, nous dînions dehors quand les bêtes sont arrivées. Nos invités ont dit on s’en va on prendra le dessert à la maison ! En les raccompagnant, on a entendu crac crac en marchant sur le trottoir : c’était les insectes qu’on écrasait, se souvient Odile, qui vit face au champ. Le bitume en était noir, ils grimpaient au lampadaire et montaient sous les pantalons. J’en ai eu jusque dans la baignoire au et dans la piscine. C’était l’horreur. »« On a peur que le phénomène s’amplifie »Tous ont dévalisé les magasins de jardinerie. « Entre les produits et le ventilateur pour dormir la nuit sans ouvrir les fenêtres, on en a eu pour 400 â?¬ », évalue Catherine. « On nettoyait 2 heures par jour en vaporisant de la Javel, ça les tuait, comme le chlore de la piscine, indique Sylvain, son mari. On a dû faire repartir ma mère qui devait séjourner ici. Chaque soir, je voyais les voisins cloîtrés, tétanisés, nerveux : le retour des insectes devenait une hantise dès 21 h 30, comme la bête du Gévaudan. Ã?a a été dur psychologiquement. »
Juillet 2015. Après l’invasion de cet été, les habitants craignent que la situation ne s’amplifie l’année prochaine. (LP/C. Ch.) « Nous sommes dans l’anxiété pour l’an prochain. On pensait qu’on aurait une réunion pour nous rassurer. Doit-on traiter les jardins ? s’interroge Catherine. On a peur que le phénomène s’amplifie à tout le village. » Une crainte que le maire aimerait balayer.« On n’a pas le droit de les tuer », répond le maire« Nous avons consulté 25 organismes : tous ces gens-là ont dit qu’il s’agit d’insectes qu’il faut protéger, selon le Grenelle de l’environnement. On n’a pas le droit de les tuer. La gêne des gens est le problème majeur car il n’y a ni péril ni danger. Comment voulez-vous que le maire trouve un insecticide et le distribue ? Si je fais ça, je vais en taule ! explique Serge Zumello, le maire (SE). J’ai les coordonnées de quelques chercheurs à qui je vais demander s’ils ont une solution.Si quelqu’un en a une de viable qui ne va pas contre le Grenelle, je la prends ! J’envisage aussi d’aller plus haut. »
Saint-Maurice-Montcouronne, rue du Pressoir, le 19 septembre. Des milliers de carabes de l’espèce « Pseudoophonus rufipes » ont envahi les maisons qui bordent ce champ. (LP/I.F.) Selon lui, l’affaire « a causé du tort » aux projets immobiliers sur la commune, qui a retiré l’article sur les carabes de son site Internet.« A ce jour, je n’ai pas de solution pour l’an prochain »
Breuillet, le 19 septembre. Pascal Lepère est l’exploitant agricole du champ à Saint-Maurice-Montcouronne duquel sont sortis les insectes qui ont envahi les maisons cet été. (LP/I.F.) C’est de son champ que, chaque jour, des nuées de coléoptères filaient vers les maisons voisines. Installé dans la commune voisine de Breuillet, Pascal Lepère exploite la fameuse parcelle de 20 ha à Saint-Maurice, où il a semé du sarrasin en juillet, peu avant l’invasion d’insectes. « C’est la première fois que j’en vois autant. De jour, on ne voit rien, seulement quelques insectes cavaleurs. C’est la troisième campagne que je fais là-bas, donc ce n’est pas dû à un changement de méthode », estime l’agriculteur.Celui qui est aussi président du syndicat Coordination ruralepour l’Ile-de-France-ouest explique faire du « travail simplifié », « comme une agriculture raisonnée sans labour, en ne travaillant la terre qu’en surface pour maintenir la matière organique et faire travailler les vers de terre, et le terrain est mieux drainé ».Il utilise « parfois du désherbant » mais pas d’insecticide, « seulement deux fois depuis 1986 ». Il a appris plusieurs mois après que les habitants avaient été touchés en 2014 par une première vague d’insectes et confesse que les relations avec certains d’entre eux se sont dégradées cet été.« Comme cet insecte n’est pas nuisible, il n’y a pas de produits homologués »Selon lui, la situation est due à la météo. « Il y a eu un sol humide avec de fortes chaleurs qui ont provoqué des éclosions massives, normalement plus étalées ou qui ne se font pas. Il y a eu un déséquilibre entre ces carabes, utiles à la décomposition des matières organique, et leurs prédateurs, mais je ne sais pas pourquoi. »Il exploite aussi 20 ha à Breuillet qui n’ont pas connu d’invasion. « Je trouve déplorable que des scientifiques des organismes financés par des fonds publics ne soient pas venus, car c’est leur vocation et leur approche aurait permis de comprendre. Ã?a ne porte pas préjudice à ma culture, mais il y a ce que les gens ont supporté. »Il a cherché des produits auprès de son fournisseur. « Comme du point de vue agricole, cet insecte n’est pas nuisible, il n’y a pas de produits homologués.Je préfère que les gens se plaignent plutôt que de me retrouver à Fleury pour dégradation de l’environnement. Mécaniquement, il n’y a pas de solution car je ne sais pas à quelle profondeur sont les larves et les Å?ufs, regrette-t-il. Vu leur quantité, je ne crois pas que mettre une haie comme le demandent les habitants change quelque chose, car il y a déjà des bois autour où les insectes peuvent aller.A ce jour, je n’ai pas de solution pour l’an prochain, mais je suis partant pour mener des expériences. »I.F.
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