L'interconnexion n'est plus assurée
Chronique impatiente de la mobilité quotidienne
La maison est grande, les chambres « agréables à vivre », les combles seront aménagés l’été prochain (c’est promis), les larges baies vitrées du salon donnent sur un jardin plongé dans le noir et il fait 16,5 degrés la journée, 9 la nuit. Porter des grosses chaussettes au fond du lit ne suffit plus; il va falloir mettre un bonnet.
Alors que chacun s’est mis à calculer la probabilité de coupures de courant au cours de l’hiver qui commence, sans oublier la facture d’électricité ou celle du fioul, on grelotte dans les vastes demeures. Seule une pièce « à vivre » est vraiment chauffée, on navigue sans cesse entre tiédeur et froidure et qui oublie de fermer une porte se fait promptement enguirlander.
Le citadin, lui, savoure sa revanche. 40 m², ce n’est pas beaucoup, mais au moins, ça se chauffe vite. Et sans se ruiner. La présence immédiate des voisins, de l’autre côté du mur, permet de laisser le thermostat à 19. En plus, avec un peu de chance, le circuit électrique qui alimente l’immeuble dessert un hôpital ou une caserne de pompiers. Le risque de délestage hivernal est réduit à néant.
Oubliée, la « pièce en plus ». Quelle histoire! Il y a un an et demi, à la sortie des confinements à répétition, il n’était question que de « pièces en plus », de « contacts avec la nature », d’« héliotropisme », de « ville étouffante ». Et voilà que le vent (glacial) tourne. Le citadin peut dormir tranquille, mais quand même avec ses chaussettes.
La taille du logement, et son occupation, constituent l’un des décalages les plus flagrants entre l’habitat en l’Ile-de-France et celui des autres régions et, partant, entre les citadins et les autres. L’Insee a élaboré une définition précise du logement « normalement » peuplé. Il contient une pièce de séjour, à laquelle s’ajoute une pièce pour chaque personne de référence. Pour les détails, on peut se référer à la définition précise sur le site de l’Insee.
Surpeuplement en Ile-de-France, sous-peuplement ailleurs. Or, selon un document consacré au logement en Ile-de-France publié, à partir des chiffres de 2013, par l’Institut Paris Région en 2017, le surpeuplement (une pièce pour deux personnes, trois pièces ou moins pour quatre personnes, par exemple) est beaucoup plus répandu en Ile-de-France que dans les autres régions. Le surpeuplement concerne ainsi 20% des logements franciliens et 27% à Paris, mais seulement 9,5% des logements dans l’ensemble de la France.
« Sous-peuplement accentué ». A l’inverse, 44 % des habitations françaises sont en situation de « sous-peuplement accentué », soit cinq pièces pour deux personnes. Autant de pièces vides à chauffer (ou pas). En Ile-de-France, cette situation ne concerne que 27% des logements, 15% à Paris. Bien sûr, il ne s’agit que de moyennes. L’habitat du centre des grandes villes affiche sans doute un taux de surpeuplement proche de celui de Paris, tandis que la grande couronne francilienne abrite davantage de foyers vivant dans des logements « sous-peuplés ». En outre, une partie des logements « surpeuplés » souffre aussi d’une mauvaise isolation.
Appartement cosy vs. grands espaces. Le rude hiver, le coût du chauffage, les coupures annoncées inciteront-ils les habitants des maisons « sous-peuplées » à délaisser leur logement au profit d’un appartement plus confortable? Qui sait. Ces ménages finiront par croiser (chez le notaire) ceux qui, depuis le début de la pandémie, rêvent de grands espaces.
« Parisiens » vs « provinciaux », match retour. L’épisode alimentera sans nul doute un énième épisode de la rivalité surjouée entre « Parisiens » privilégiés et « provinciaux » délestés. D’autant que, dans les grandes villes, la chance de vivre dans le même secteur électrique qu’un lieu prioritaire est bien plus élevé que dans les régions à l’habitat dispersé. Aux uns la densité, la chaleur des soirées d’hiver, et tant pis pour les nuisances sonores. Aux autres le silence frigorifié, les engelures et les coupures d’électricité. Déjà, au gouvernement, la mise en scène d’une nouvelle fracture territoriale inquiète: « La spécificité de Paris soulève des interrogations ».
Cet épisode serait l’occasion idéale de réfléchir à la juste densité, et de ne pas laisser à la bonne vieille « main invisible » le soin de distribuer les espaces en fonction du revenu, de la richesse personnelle ou de la capacité d’emprunt. Cela s’appelle l’aménagement du territoire, ou la densité raisonnée.
Olivier Razemon (l’actu sur Twitter et sur Mastodon, des nouvelles du blog sur Facebook et de surprenants pictogrammes sur Instagram).
 
Pierres dorées du Beaujolais, briques du midi Toulousain, pans de bois du Bassin parisien, meulières d’Ile-de-France… Mais aussi les murs en pierres sèches de Provence, le grès rouge de certains villages aveyronnais ou corréziens, les briques de la reconstruction en Picardie, le bois des chalets savoyards, le basalte du Cantal, la faïence du métro parisien, les murs couverts de tags des quartiers autrefois industriels, le béton armé du Havre…
Une invitation au voyage. A chaque ville sa pierre, à chaque région son matériau de construction. En France, la diversité des façades est une invitation au voyage. Une ville, quelle que soit sa taille, de la métropole au village, ce sont des humains, des flux, des échanges. Mais ce sont aussi des bâtiments, une architecture, un style. Je parle souvent ici des humains et des flux. Mais je regarde aussi l’architecture, même si ce n’est pas ma spécialité.
L’harmonie des façades. Partout où je vais, je profite de mes déambulations pour observer, à hauteur de piéton, les murs des maisons anciennes, des bâtiments publics, des édifices religieux. Je repère le mariage des briques et des pierres de taille, l’harmonie entre les façades et les toits en tuiles ou en ardoise, la juxtaposition des styles, du médiéval à l’après-guerre.
Les repères de crues. J’aime photographier ces murs, surtout en été lorsque le temps est distendu. En voici quelques-uns. Sur certaines de ces façades figurent des repères de crues. Ce n’est pas un hasard. On pose un repère de crue sur un mur qui est là depuis longtemps, et pour longtemps. Comme la pierre ancienne, la crue fait appel à la mémoire.
Couleurs et saisons. Au-delà de l’observation empirique à laquelle chacun peut se livrer, on peut se reporter à l’excellent Atlas des régions naturelles des artistes Nelly Monnier et Eric Tabuchi. Ils ont classé 12000 photographies prises dans toute la France métropolitaine depuis 2017, en fonction des régions naturelles, des styles, des couleurs, des usages, des saisons. Je m’y suis déjà perdu pendant des heures.
Seulement 25% des logements datent d’avant 1945. Dans leur ouvrage La France sous nos yeux (Seuil, octobre 2021), Jérôme Fourquet et Jean-Laurent Cassely ont cartographié la période de construction des logements. Les bâtiments d’avant 1919 (16%) dominent dans les campagnes les plus éloignées des métropoles, mais aussi au cœur des villes. En revanche, la construction datant de 1971 à 1990 (28%) l’emporte dans de vastes espaces périurbains.
Les briques de la reconstruction. Sur cette carte très instructive (page 200 du livre), l’habitat des années 1919-45 est très précisément localisé. On le trouve le long d’une bande qui court du Pas-de-Calais à la Moselle, en passant par la Picardie et la Meuse. Cela correspond à la ligne de front, où les ravages de la Grande guerre ont été les plus terribles. Dans les années 1920, en Picardie, on a reconstruit à la hâte avec le matériau qui était disponible, la brique. Des briqueteries étaient encore actives dans tous les villages. Sans oublier d’ajouter à cette architecture de l’urgence des frises ou des motifs art déco. Ceci est à lire dans Le Monde: Cinq villages et un fil rouge (juin 2022).
Cassure au 20ème siècle. L’histoire du bâti raconte beaucoup de notre rapport à l’histoire et au « territoire », comme en témoigne le directeur du CAUE (Conseil d’architecture, d’urbanisme et d’environnement) du Gers, Philippe Bret, que j’ai rencontré l’an dernier lors d’une conférence organisé par le CAUE du Tarn-et-Garonne dans le village de Labarthe. « Jusque dans la première moitié du 20ème siècle, dans chaque région, les maisons étaient édifiées à l’aide des matériaux connus localement, et selon les techniques éprouvées depuis des siècles », explique-t-il.
De la géographie à l’histoire. Puis, au 20ème siècle, la multiplication des échanges entre régions, la baisse des coût de transport et enfin la mondialisation du commerce et des tendances ont précipité l’harmonisation des architectures. Les bâtiments sont désormais moins repérables selon leur style régional qu’en fonction de leur époque de construction. Les « années cinquante » sont reconnaissables au béton armé, les « années deux-mille-dix » aux bardages en bois et aux coursives.
Des villes non reproductibles. Ainsi, les maisons des villages et des villes conçus à l’aide de matériaux locaux et des techniques ancestrales, qui correspondent à la période qui précède le 20ème siècle, ne sont plus reproductibles, ou alors au prix de reconstitutions historiques hasardeuses.
La vie urbaine a déménagé. Hélas, ce patrimoine est en danger. Le 20ème siècle n’a pas seulement généralisé des matériaux et industrialisé les processus, il a aussi étendu massivement les villes bien au-delà de leur périmètre d’origine. La vie urbaine  se déroule désormais principalement en-dehors des villes elles-mêmes: dans les zones commerciales, industrielles, pavillonnaires.
Bâtisses démolies. Des maisons anciennes, datant d’avant le début du 20ème siècle, ont perdu leur raison d’être, désertées par leurs habitants. Les programmes de sauvegarde du patrimoine n’ont pas réussi à empêcher la démolition de certaines bâtisses que personne ne réussira jamais à reconstruire à l’identique.
Un patrimoine unique. Comme les marchés, les mairies, les gares, les églises, ces bâtiments sont les symboles d’un patrimoine, l’image de la ville. On ne pourra pas tous sauver. Mais regardons ces pierres, ces briques picardes, ces pierres rouges ou le béton armé du Havre. C’est l’histoire qui est sous nos yeux.
Olivier Razemon (l’actu sur Twitter, des nouvelles du blog sur Facebook et de surprenants pictogrammes sur Instagram).
 
 
 
 
Deux fois, lors du débat télévisé du 20 avril, la candidate Le Pen a évoqué les transports publics. D’abord pour déplorer qu’on ne trouve pas de transports, à la campagne, lorsqu’on doit se rendre chez le médecin. Ensuite pour proposer la gratuité des trains pour les jeunes, « y compris des grandes lignes », mais « aux heures creuses ». Le candidat Macron n’a pas parlé des transports publics.
Autrement dit, la mobilité collective n’est citée dans un débat présidentiel que pour se plaindre de son insuffisance, ou pour proposer démagogiquement sa « gratuité », ce que les usagers ne demandent pas et qui n’a de toute façon qu’un effet limité sur la fréquentation, compte tenu de l’extraordinaire efficacité et du coût limité, pour l’automobiliste, du système routier. Et personne n’a rappelé le rôle essentiel des collectivités locales en la matière.
« On siphonne les réservoirs ». Dès lors, quand ils ont évoqué la mobilité, les candidats ont surtout parlé de voiture. Le vocabulaire du transport motorisé individuel a jalonné, à intervalles réguliers, les trois heures de débat. La candidate d’extrême droite a dénoncé, dès les premières minutes, le « prix de l’essence ». Plus tard, elle taclait les zones à faibles émissions (ZFE), sans les nommer: « L’écologie punitive qui interdit d’aller dans les grandes villes« . Lorsqu’elle s’est lâchée sur l’insécurité, « cette vraie barbarie, ce vrai ensauvagement », le premier exemple qui lui est venu à l’esprit, c’est « on siphonne des réservoirs ». Horreur. « Les gens tremblent ».
« Mobylette ». A un moment, sans que l’on sache trop pourquoi, elle s’est penchée sur le sort de « ces gens qui vont sur leur mobylette, avec beaucoup de courage, je dois dire, porter des repas ». En oubliant sans doute qu’une bonne partie de ces livreurs, domestiques contemporains, sont de jeunes réfugiés récents, sans papiers. Le Pen père a dû se retourner dans sa grenouillère. Même pour défendre son prêt auprès d’une banque russe controversée, la candidate a répliqué que « des Français ont contracté des prêts pour acheter des voitures ».
Course au lithium. Son adversaire, lui, préfère le terme « véhicule », pour rappeler sa proposition d’achat d’une voiture électrique en leasing. Sans jamais évoquer le coût du tout-électrique en énergie ni la course au lithium qui défigure des régions entières. Quoi qu’il en coûte, toujours. Gérard Majax va avoir du boulot.
En 2022, urgence écologique ou non, raréfaction des ressources ou pas, biodiversité menacée mais tant pis, l’univers automobile marque l’imaginaire des candidats, alors même que les usages réels ont déjà changé. La voiture pour tous, tout le temps, voici l’horizon. Et si elle pollue, on en change.
Débat local. Cela ne vous rappelle rien? En fait, ce débat a déjà eu lieu. A de nombreuses reprises. A d’autres niveaux. Lors des échanges qui précèdent une élection municipale ou régionale, quand il est question de transports, il y a toujours un candidat qui assène « on ne peut pas faire autrement », « il ne faut pas opposer les modes », tandis que son adversaire ne jure que par la technologie rédemptrice. En général, une fois l’élection passée, le candidat qui a gagné se rend compte des limites du tout-voiture et de la technologie. Et il met en place, à bas bruit, une politique pragmatique, faite de transports publics, de stationnement rationalisé, de trottoirs élargis et de pistes cyclables.
C’est, avec un bémol compte tenu des compétences limitées du président de la République en matière de mobilité, tout ce que l’on peut souhaiter à la France.
Olivier Razemon (l’actu sur Twitter, des nouvelles du blog sur Facebook et de surprenants pictogrammes sur Instagram).
 
 
 
 
 
Une campagne présidentielle française obéit à un rituel bien rodé. Entre l’automne qui précède l’échéance et la fin de l’hiver, la société civile teste ses argumentaires, déroule ses propositions, contacte les équipes de campagne, tente d’influencer les programmes, établit des questionnaires destinés aux candidats. Climat, éducation, transports, handicap, animaux, cannabis, pollution, étalement urbain, vélo… Cette année, jure-t-on à chaque édition, la présidentielle sera utile. On élit un sauveur suprême, mais tant qu’à faire, lançons un grand débat, une psychanalyse collective, pour démarrer le prochain quinquennat sur de bonnes bases.
Puis, quelques jours avant le premier tour, tout s’emballe et, tandis que les électeurs font enfin mine de découvrir la date du scrutin, des promesses toujours plus belles engagent ceux qui y croient, les sondeurs publient quatre ou cinq études par jour, les phrases rapetissent. Et le grand débat promis se réduit alors à une course de petits chevaux. Manque de chance, c’est justement à ce moment-là que les organismes et associations publient leurs classements et observatoires patiemment établis au cours des mois écoulés, délivrant à chaque impétrant des petites gommettes rouges, oranges et vertes, comme autant de bons et mauvais points.
Qui vote selon le seul enjeu vélo? Malheureusement, à ce stade de la campagne, plus grand monde ne s’intéresse au fond des sujets, mais seulement à l’ordre d’arrivée le soir du premier tour. Pour le dire autrement, qui va vraiment voter en fonction des seules promesses des candidats en faveur du vélo ? Pourtant, cette année, la Fédération des usagers de la bicyclette (FUB) et les associations d’élus, réunis dans une « Alliance pour le vélo » ont fait les choses en grand: dix propositions, un sondage, un questionnaire adressé aux candidats, un palmarès.
Un palmarès, un rectificatif. Mais la publication des résultats, le jeudi 31 mars, est passé pratiquement inaperçue. D’autant qu’elle a été immédiatement suivie d’un communiqué, le lendemain, annonçant des « rectificatifs ». Le candidat Jadot, opposé dans la première version à la généralisation des 30 km/h en ville, annonçait finalement qu’il s’agissait d’une erreur et qu’il soutient la mesure. Au même moment, l’équipe de campagne d’Emmanuel Macron apportait enfin sa réponse au questionnaire du Shift project, un think tank qui plaide pour une économie décarbonée. « Cette réponse nous étant parvenue hors délai, nous nous abstiendrons d’en analyser le contenu », commentait le Shift project.
L’assiette et la bagnole. Ces cafouillages ne doivent pas faire oublier que, sur les sujets tenant au sens large à la mobilité, tant ses conséquences (la pollution, la mortalité routière) que ses solutions (le vélo, les transports publics), le débat fait apparaître un dégradé presque parfait de la gauche la plus radicale à la droite la plus extrême. Pour le dire autrement, plus les candidats se positionnent à droite, plus ils se fichent ouvertement des conséquences du transport aérien et du tout-voiture. Fabien Roussel, par ailleurs amateur de vin, de viande et de chasse, est à ce titre une exception. Bien que communiste, il avance des propositions qui le placent, sur ce sujet, entre Emmanuel Macron et Valérie Pécresse.
« Pas touche à ma caisse! » Un slogan général pourrait résumer la campagne : pas touche à la sacrosainte voiture. Cet article de Stéphane Mandard, du Monde, met en évidence les réticences des impétrants face aux zones à faibles émissions. Les candidats, même les mieux notés par la FUB et ses alliés, jurent leurs grands dieux qu’il ne faut pas brusquer l’automobiliste qui sommeillerait en chaque électeur. Comme s’ils craignaient de se voir rétorquer : « Qu’est-ce que t’as, toi, tu touches ma caisse ? » Comme le souligne Jeanne à vélo en commentaire, cette obsession « atteint un sommet dans la profession de foi du candidat Zemmour, qui propose de ‘supprimer le permis à points’ et de ‘plafonner les amendes de stationnement à 17 €’ ».

Des années de débats, des thèses universitaires, des observations avisées, qui disent simplement qu’on ne peut pas continuer à utiliser la voiture pour tous les trajets, sont balayées, mises à la poubelle. Le sujet serait trop complexe, la nuance inconvenante, l’électeur trop stupide. Il faut simplifier. Tout ce qui semble aller dans le sens d’une sobriété climatique ou de la limitation de la pollution est caricaturé : « ils veulent chasser la voiture des villes ! »
Les promesses qui n’engagent pas. Lorsqu’il propose, le 1er avril, mais ce n’était pas un poisson, la gratuité des transports publics pendant six mois, Yannick Jadot oublie quant à lui que ce sont les collectivités territoriales qui décident. Il oublie surtout que tous les spécialistes, y compris dans son propre parti, rappellent que l’efficacité des transports dépend moins du prix du ticket que de la qualité de l’offre. A quoi sert un réseau gratuit (pour l’usager) si la collectivité, sans le sou, supprime des lignes de bus, comme à Niort ?
Enfin, dans cette campagne, l’étalement urbain ou l’aménagement du territoire, qui tirent pourtant largement les enjeux climatiques tout en guidant la vie quotidienne, ont été pratiquement négligés. La plupart des candidats font semblant de croire que les questions de mobilité se résument à un changement de moteur, ou à un changement de mode de transport. Ils oublient l’accroissement des distances qu’ont pourtant signalé, à leur manière, les « gilets jaunes ».
Deux candidates de la métropole. Pourtant, les enjeux territoriaux, et notamment le poids de la centralisation du pays, et des décisions verticales qui semblent faites pour être contestées, se liront, selon toute vraisemblance, dans les résultats.
L’effondrement annoncé des deux vieux partis de gouvernement, LR et le PS, a certes des causes politiques, mais s’explique aussi par une invraisemblable stratégie. A celui qui était présenté, dès le début de son mandat, comme le «président des métropoles», LR et le PS ont trouvé le moyen d’opposer la présidente de la région Ile-de-France et la maire de Paris ! Sans percevoir à quel point la détestation de « Paris » était forte dans le pays.
Entre autres conséquences, ces deux candidates ont passé leur campagne à expliquer que les actions qu’elles mènent dans leur collectivité respective n’ont pas vocation à être dupliquées « en région » ou « dans les territoires », comme on dit. Valérie Pécresse a compris que le recours systématique à la voiture pour les déplacements quotidiens est inefficace, mais elle n’a cessé de dénoncer une hypothétique « écologie punitive ». Anne Hidalgo est connue pour avoir « chassé les voitures » de Paris, et même si l’affichage est plus flatteur que la réalité, elle a tenté en permanence de redresser cette image.
Les deux candidates risquent fort d’être renvoyées à leur cher mandat au lendemain du premier tour. Et ça tombe bien, car, en région parisienne comme à Paris, il y a du boulot.
En attendant, jusqu’à dimanche 10 avril, la course des petits chevaux continue.
Olivier Razemon (l’actu sur Twitter, des nouvelles du blog sur Facebook et de surprenants pictogrammes sur Instagram).
 
 
Des vélos partout. Sur les tee-shirts, dans les devantures des boutiques, sur les courts de tennis, dans les débats politiques, chez les constructeurs automobiles, dans les usines, et, bien sûr, dans les rues et sur les routes. En 2021, la transition cyclable s’est poursuivie. Après l’explosion constatée au printemps de 2020 (qui suivait une décennie de progression plus lente), la pratique quotidienne s’est maintenue en 2021.
Dans le même temps, le mouvement provélo s’est structuré. Les pouvoirs publics, à tous niveaux, ont annoncé le financement de futurs aménagements, les entreprises du secteur ont engrangé des bénéfices et embauché des salariés, des investisseurs ont saisi des occasions. Voici un bilan de 2021, année du vélo, en vingt-cinq points.

1/ Trajets à vélo, la stagnation après le boom. Les chiffres recueillis par l’association d’élus Vélo et territoires, qui font autorité, montrent une fréquentation des axes cyclables équivalente à celle de 2020, si on exclut les confinements qui rendent les mesures complexes. Le niveau se maintient davantage en ville qu’à la campagne ou dans les quartiers périurbains. Le tourisme en bénéficie tout autant que l’usage quotidien. La part modale du vélo devrait donc se maintenir à 4 %. C’est peu, mais beaucoup plus qu’il y a cinq ans. Le potentiel demeure « énorme », selon l’expression consacrée : 60 % des déplacements domicile-travail de moins de 5 kilomètres se font en voiture.
2/ Des élus motivés. « Plus un seul des 28 maires de l’agglomération ne se prononce contre les aménagements cyclables », témoigne Nicolas Mercat, maire (divers gauche) du Bourget-du-Lac (Savoie). En Ile-de-France, Louis Belenfant, directeur du Collectif vélo Ile-de-France, confirme : « Il n’est pratiquement plus possible pour un élu de se prononcer contre la politique cyclable. » L’exception, c’est André Santini, maire (LR) d’Issy-les-Moulineaux, 81 ans, qui estimait en octobre que « les pistes cyclables à la con, ça tue Paris ».
3/ Un attribut de l’élu moderne. Nice, Lannion, l’agglomération Cœur d’Essonne… Le plan « Vélo » fait désormais partie de la panoplie de l’élu moderne. A Charleville-Mézières, le maire, Boris Ravignon (LR) a gagné, à la fin de novembre, un référendum local avalisant un schéma des mobilités comprenant des pistes cyclables. La métropole de Strasbourg a annoncé en juin 100 millions d’euros, investis notamment en infrastructures.
4/ La voie lyonnaise. A Lyon, plus personne n’ignore les « Voies lyonnaises », un réseau de douze lignes totalisant 250 kilomètres de pistes larges et sécurisées prévues pour 2026. Chaque itinéraire, qui s’imposera sur l’espace aujourd’hui dévolu à la voiture, est identifié par un numéro et une couleur, explique Vélo et territoires. Le nom, les « Voies lyonnaises », a été choisi par un cabinet de communication. La métropole n’a pas retenu le terme « réseau express », confie Bruno Bernard, son président (EELV), « car les gens n’aiment pas ce mot », qui évoque la vitesse. Les travaux, estimés à 100 millions d’euros, n’ont toutefois pas encore commencé.
5/ Les Free Vélo’v étaient trop verts. La métropole lyonnaise a également lancé, en octobre, Free Vélo’v, qui consiste à réemployer 10 000 vélos issus d’une flotte à l’abandon, retapés par une entreprise d’insertion et offerts aux étudiants boursiers et jeunes en insertion professionnelle. Le tout pour un budget au moins dix fois inférieur à celui du Vélo’v : 4,8 millions d’euros. Malgré le caractère vertueux de cette initiative, qui combine les trois piliers du développement durable, certains rageux n’ont pu s’empêcher de la critiquer, parce que les vélos ont été repeints en vert. Oui, juste pour cette raison.
6/ Les voies parisiennes. Le plan « Vélo » de Paris, présenté le 20 octobre (lire ici l’article du Monde), a été, comme à chaque fois qu’il s’agit de Paris, abondamment commenté par les médias nationaux. Il ne fait pourtant, pour 250 millions d’euros, que poursuivre la logique des précédents plans, en proposant un réseau sécurisé comptant 130 km supplémentaires, compatible avec les axes des villes voisines, et 130 000 nouvelles places de stationnement.
A l’échelle de la région, le RER V (comme vélo), proposé par le Collectif vélo Ile-de-France, a été adoubé par la majorité sortie gagnante des élections, dirigée par Valérie Pécresse (LR), également candidate à l’élection présidentielle. Même la Métropole du Grand Paris (MGP), assemblée consensuelle et accessoire, s’y met, versant 10 millions d’euros par an. C’est déjà ça de pris. Mais, pas plus qu’à Lyon, les travaux n’ont commencé. Le millefeuille territorial francilien rend les études préliminaires plus complexes qu’ailleurs et multiplie les risques de blocages. Certains maires précisent, en privé, qu’ils s’opposeront aux aménagements.
7/ L’argent de l’Etat. En mai, l’Etat a annoncé 50 millions d’euros supplémentaires pour les infrastructures cyclables. Cet appel à projets du fonds « mobilités actives », le quatrième depuis 2019, contribuera au financement des aménagements (passerelles, pistes, carrefours, stationnement) des collectivités territoriales. La liste des projets adoubés sera publiée en 2022. Depuis 2019, « l’Etat a déjà participé au financement de 533 projets d’aménagements cyclables répartis sur 323 territoires pour un montant total de 215 millions d’euros de subvention », annonçait alors le ministère de la transition écologique.
8/ Un objet publicitaire. En février, le premier spot télévisé pour le vélo, signé par le distributeur Cyclable, a été diffusé sur les chaînes du groupe BFM. Comme le relève le magazine Weelz, la marque a pu émettre un clip de quinze secondes, habituellement facturé plusieurs centaines de milliers d’euros, après avoir gagné un concours organisé par des communicants. En 2020, un spot de la marque Van Moof avait été retoqué par l’Autorité de régulation de la publicité, car il soulignait les nuisances de l’automobile. Le spot avait été amplement diffusé sur les réseaux sociaux. Effet Streisand.
La marque Gazelle a pour sa part diffusé à l’automne un clip publicitaire de vingt-cinq secondes sur plusieurs chaînes télévisées. En 2021, on ne compte plus les marques qui tiennent à associer leur nom à une bicyclette, pour une opération éphémère ou durable : Roland-Garros, Airbus, Citroën, Monoprix, etc. Ça fait chic.

9/ L’année de l’académie. Constituée entre février et avril par la Fédération des usagers de la bicyclette (FUB), l’Académie des mobilités actives (ADMA), financée par les entreprises qui vendent de l’énergie, est chargée de concevoir une politique de formation sur le vélo et la marche. Après quelques ratés, et notamment plusieurs démissions à ses débuts, l’ADMA, qui compte une petite dizaine d’experts venus de divers horizons, a commencé ses formations à l’automne.
10/ Etudes, guides, thèses. Le vélo devient une matière universitaire. L’urbaniste Clément Dusong, académicien (voir point 9), a publié une thèse sur l’essor du vélo en banlieue parisienne. La thèse du chercheur Aurélien Bigo sur la transition écologique des transports, soutenue en novembre 2020, a été amplement diffusée en 2021. On y trouve des arguments en faveur d’une transition écologique basée non pas sur la fuite en avant technologique, mais sur une sobriété sereine. D’autres documents cherchent à comprendre et analyser le mouvement, ou cerner ses opportunités : le guide Rendre sa voirie cyclable, du Cerema, l’évaluation faite par l’Ademe des services vélo, l’étude de la Fédération européenne des cyclistes sur la compatibilité entre le vélo et le train, la monographie du groupe de réflexion Terra Nova sur les pistes cyclables, la thèse, mise en avant par le Forum des vies mobiles, sur le traitement des accidents de vélo dans les médias, un webinaire sur l’avenir des livreurs à vélo. J’en oublie certainement, n’hésitez pas à me les signaler.
11/ En librairie. L’enthousiasme communicatif du diplomate néerlandais Stein van Oosteren, auteur, en avril, de Pourquoi pas le vélo? (Ecosociété), séduit partout où il se rend, à l’occasion de conférences ou dédicaces. Son livre a été réimprimé au bout de quelques semaines. Dans son Guide du vélo au féminin (Tana éditions), Louise Roussel décortique les préjugés à l’égard des femmes à vélo, et livre ses conseils. En août, des auteurs réputés, spécialistes des mobilités, publiaient Pour en finir avec la vitesse (éditions de l’Aube). On peut également citer Réenchantons le vélo, de Priscilla Parard (Terre vivante), 50 itinéraires à vélo, d’Olivier Godin (Gallimard), En roue libre, de David Le Breton (Terre urbaine), Le Vélo au quotidien, de Nicolas Pressicaud (Libre et solidaire). La liste n’est pas exhaustive.
Lire aussi: Le livre de Stein van Oosteren en 10 citations (avril 2021)
Lire aussi: Pour en finir avec les préjugés sur les femmes à vélo (mai 2021)
12/ Comme des petits pains. Selon les chiffres de l’Union sport et cycle, principale fédération professionnelle du secteur, publiés en avril, le marché du vélo a enregistré une progression de 25 % en 2020, atteignant un chiffre d’affaires de plus de 3 milliards d’euros. Chaque année, compte tenu des destructions ou mises au rebut, on compte en moyenne un demi-million de vélos en plus en France. En 2020, 514 000 des 2,7 millions de vélos vendus neufs étaient à assistance électrique. Le prix moyen d’une bicyclette s’établit en 2020 à 717 €, soit une hausse de 25 % par rapport à 2019. Lire ici l’article du Monde à ce sujet.
13/ « Pas de vaccin, pas de composants ». Au début de juillet, pile le jour où ses dirigeants recevaient la visite de plusieurs parlementaires, l’usine de Moustache Bikes, dans les Vosges, devait cesser momentanément sa production. La Malaisie, où sont produits une partie des dérailleurs Shimano, était en confinement total. A ce moment-là, le faible taux de vaccination dans plusieurs pays d’Asie avait précipité de nouvelles restrictions dont les répercussions se faisaient sentir à l’autre bout de la planète. « Pas de vaccin, pas de composants », résumait alors la lettre professionnelle Bikeéco. Cette pénurie a contraint d’autres fabricants européens à décréter quelques jours d’arrêt de production, et tous ont passé l’année à jongler entre les fournisseurs.
14/ L’industrie made in France. Malgré ces vicissitudes, la filière française enregistre en 2021 une hausse impressionnante de son chiffre d’affaires. Des gisements d’emplois surgissent, tandis que les responsables des usines cherchent des terrains pour s’agrandir. Le chiffre d’affaires du secteur a probablement été multiplié par 1,5 depuis 2019, confirme Nicolas Mercat, spécialiste de l’économie du vélo (et maire du Bourget-du-Lac).
De nouvelles marques sont lancées, comme Reine Bike, qui assemble ses confortables modèles dans l’usine Arcade à La Roche-sur-Yon. Peut-on réindutrialiser la France par le vélo? Lire ici l’article du Monde à ce sujet. Le député (LRM) Guillaume Gouffier-Cha, passionné, appuyé par sa collaboratrice Florence Gall et un fonctionnaire du ministère de l’écologie, Bruno Fulda, publiera un rapport parlementaire sur la filière économique du vélo le 15 janvier. Son collègue Jean-Marc Zulesi a par ailleurs été chargé d’une mission sur les mobilités actives (marche et vélo) comme instrument contre le handicap, qui sera publiée cet hiver.
Lire aussi : 10 choses apprises sur le vélo « made in France » (février 2021)
Dans Mobilettre de décembre 2021, un article détaillé sur l’industrie du vélo.
15/ Coup de pouce. Ça peut être long et compliqué d’acheter un vélo, mais heureusement, on peut réparer ceux qui traînent dans les caves. Imaginé par Olivier Schneider, président de la FUB, pendant le confinement du printemps 2020, le « coup de pouce vélo » de 50 €, financé par les entreprises qui vendent de l’énergie, a permis deux millions de réparations, pour un coût total de 100 millions d’euros. Le dispositif s’est terminé le 31 mars.
16/ Cyclologistique. Onze mille vélo-cargos électriques ont été vendus en France en 2020, soit une progression annuelle de… 354 %. C’est certes moins qu’en Allemagne (78 000), mais c’est beaucoup pour un objet qui coûte plusieurs milliers d’euros. Le gouvernement a lancé, en mai, un « plan national pour le développement de la cyclologistique », la livraison à vélo-cargo. On rappellera qu’à l’automne 2020 des cadors de la majorité LRM ironisaient, à propos d’une livraison de pavés en vélo-cargo à assistance électrique, à Strasbourg, sur « les esclaves », « les camps de rééducation » ou les « écolos-bobos idiots » qui les exploiteraient. Les Boîtes à vélo, qui réunissent des entrepreneurs de tous secteurs, ont publié en octobre leur Observatoire sur la cyclomobilité professionnelle, une enquête sur les livraisons non polluantes.
17/ Un secteur économique protéiforme. L’essor du vélo se décline de mille manières. Le long des boulevards des grandes villes, des magasins de cycles remplacent peu à peu les boutiques dévolues aux acheteurs de scooters. Des distributeurs s’installent dans les villes moyennes, dans les banlieues cossues, mais aussi dans les zones commerciales. Cet investissement trendy attire les grandes entreprises ou les start-up, qu’elles viennent de l’assurance, du stationnement automobile ou de l’urbanisme. En janvier, dans un clip, l’équipementier automobile Valéo présentait son futur moteur pour modèle à assistance électrique.
Le secteur bénéficie d’une image positive et attire une clientèle solvable. Alors que le budget consacré à la mobilité peut atteindre, pour certains ménages, 20 % des dépenses annuelles, le choix du vélo réduit considérablement la facture. Les néocyclistes seraient ainsi disposés à acquérir une foultitude d’accessoires à la limite entre le gadget et l’utile : vestes ad hoc, équipements contre la pluie, sacs à dos, casques éclairants, masques antipollution, applications de direction, supports muraux pour suspendre leur vélo, mécanismes de détection de chutes, compteurs, instruments de marquage, lunettes connectées, etc.
Lire aussi: Réparation de vélo, et vous, vous faites comment? (octobre 2021)
18/ Les anges du guidon. Après Marc Simoncini, serial-entrepreneur et fondateur de Meetic, qui a lancé en 2020 Angell Bike, un modèle pas encore convaincant mais qu’il a promis d’améliorer, d’autres gros patrimoines s’intéressent au secteur. Jean-Michel Bourrelier, dont la famille a revendu l’enseigne Bricorama en 2017, a racheté le producteur de roues Mavic et s’engage à moderniser l’outil de production. Geoffroy Roux de Bézieux, le patron des patrons, a investi dans Douze Cycles, fabricant de cargos (après avoir acheté Amsterdam’air et Nihola, précise SamNantes). A Bruxelles, le fonds Bikes in Brussels, de la Fondation roi Baudouin, finance, grâce à un mystérieux donateur, des pistes cyclables.
19/ Remplacer une vieille voiture par un vélo. La prime à la conversion (automobile), qui permettait jusqu’ici d’acheter une voiture neuve et moins polluante après revente d’un modèle ancien, donne depuis juillet la possibilité d’acquérir un vélo ou un vélo-cargo. L’amendement, écrit par la FUB et défendu par la ministre de la transition écologique, a été voté dans la loi Climat et résilience en avril.
20/ Pécresse et les Véligo-livreurs. Le Véligo, c’est le Vélib’ de droite : bleu turquoise (mais surtout pas vert), louable pour six mois (et pas une demi-heure), doté d’une assistance électrique. Valérie Pécresse adore en faire la promotion. Lorsqu’elle a lancé le modèle « cargo », en décembre 2020, elle aurait aimé le baptiser « vélo-famille ». Mais en pratique, si le Véligo, doté d’un siège bébé, se loue beaucoup dans les Hauts-de-Seine et les Yvelines, banlieue aisée de Paris, il sert aussi aux livreurs de repas, sous-prolétaires des années 2020, qui ont trouvé là un moyen de transport pas trop cher et performant. La région Ile-de-France tente de mettre fin à ce mésusage, officiellement parce que le Véligo doit servir en priorité aux particuliers, mais aussi parce que les Véligo-livreurs donnent du vélo bleu une image radicalement différente de celle que voudrait promouvoir sa présidente.
21/ 277 000 réponses. Le Baromètre des villes cyclables, questionnaire à remplir en ligne de septembre à novembre, va contribuer à améliorer l’usage du vélo dans plus de 1 500 communes. Ses résultats seront présentés le 10 février. Par rapport à l’édition de 2019, qui avait rassemblé 184 000 réponses, la participation a surtout progressé dans les petites villes et les banlieues. En revanche, le nombre de réponses a stagné ou baissé dans les grandes villes, à l’exception notable de Paris, comme si les habitants de la capitale voulaient souligner le décalage entre la parole officielle et les aménagements dans la vraie vie. La FUB, dont l’effectif sera passé de 4 salariés en 2015 à 70 en février 2022, multiplie les actions et les programmes, comme celui qui vise à distinguer des employeurs pro-vélo. Son président, Olivier Schneider, a été décoré de l’ordre national du Mérite le 14 septembre.
Lire aussi : 10 choses apprises au congrès du vélo à Montpellier (juillet 2021)
22/ Les piétons s’organisent. Le baromètre vélo fait des émules. Au début de l’année, le baromètre des villes marchables, dont les résultats ont été publiés en septembre, proposait aux riverains de noter la manière dont on peut cheminer dans leur commune. Soixante-dix mille réponses ont été enregistrées, dont 43 000 exploitables.
Lire aussi : Les piétons en colère réclament plus de justice spatiale (septembre 2021)
23/ Gentrification. Un entrefilet paru dans la lettre hebdomadaire de Léry Jicquel nous informe que les habitants d’un quartier de San Francisco avaient refusé, en 2017, le vélo en libre-service local, car celui-ci symbolisait à leurs yeux une gentrification néfaste. Même si l’article est ancien, l’enjeu des politiques cyclables apparaît ainsi en creux : elles doivent s’adresser à tous, notamment car elles permettent de limiter le budget des ménages consacré à la mobilité.
24/ Et pendant ce temps, l’étalement urbain continue. Pendant que les citadins se mettent au vélo, les lieux de vie, de travail et de loisirs continuent de s’éparpiller autour et loin des villes, amenant les particuliers à choisir la voiture pour tous les trajets. « Il est très compliqué de sortir des mobilités individuelles sans repenser la ville, l’éloignement domicile-travail-lieux de consommation. Tant qu’on construira des zones pavillonnaires, il sera très difficile de sortir de l’“autosolisme” », résumait en novembre Bastien Sibille, président du directoire de la coopérative de covoiturage Mobicoop, dans Le Monde.
25/ En conclusion. En 2021, le mouvement pro-vélo s’est montré agile et puissant à la fois, protéiforme, à rebours des technologies spectaculaires et des lois indigestes censées régler d’un coup les problèmes de la planète. L’inventivité s’est amplement déployée, en particulier durant cette courte période qui fut baptisée trop vite « post-covid », entre septembre et novembre, où il ne se passait pas un jour sans nouvelle annonce concernant le vélo.
En d’autres termes, si 2020 a été l’année de l’explosion de la pratique, 2021 est l’année de la structuration du secteur. Le vélo et, plus largement, la mobilité émergeront-ils pour autant comme un enjeu de la campagne présidentielle ? Pour le moment, la plupart des candidats jouent la carte facile de l’automobiliste-qui-ne-peut-pas-faire-autrement. Toutefois, lors des campagnes électorales, il arrive que des prétendants, et surtout des électeurs, se rendent compte que la mobilité n’est pas seulement un concept qui engage la planète mais un sujet de vie quotidienne, mêlant pollution, exercice physique, risque routier, bruit, praticité. Mais c’est généralement au moment des élections locales.
Olivier Razemon (l’actu sur Twitter, des nouvelles du blog sur Facebook et de surprenants pictogrammes sur Instagram).
Post-Scriptum : Cette liste est à la fois très longue et incomplète. Ce travail a été l’occasion de me replonger dans des événements manqués, des informations lues trop vite ou des documents négligés sur le moment, faute de temps. En préparant ce récapitulatif, j’ai été frappé par la multiplicité des sources d’information dédiées au vélo. Parmi les sites bien connus figurent le magazine Weelz, le site Citycle, le blog de l’élue parisienne Isabelle Lesens ou les émissions Parigo de Bertrand Lambert. Les deux (!) associations d’élus proposent chacune des informations : le magazine Ville et vélo pour le Club des villes cyclables, et la revue de Vélo et territoires. Tous les jeudis matins paraît le Concentré vélo de Léry Jicquel, tandis que la newsletter Bike éco suit la foisonnante actualité économique. Le podcast de Bilook, la série Biclou du Parisien, la chronique Roues cool de Libération complètent le tableau, là encore non exhaustif.
 
 
 
Après trois jours passés à checker du poing (et à serrer quelques mains), à s’attrouper autour des buffets, à attraper de la nourriture avec les doigts et à vérifier s’ils n’avaient pas bu par mégarde dans le verre de quelqu’un d’autre, les 8000 participants aux Rencontres nationales du transport public (RNTP) et au Club des villes et territoires cyclables (CVTC) sont rentrés chez eux, soulagés. A notre connaissance, cette édition des RNTP, fin septembre, n’a donné lieu à aucun cluster, même si par moments, malgré le pass sanitaire et le masque sous le menton, on se croyait en 2019.
Lors de ce rendez-vous bisannuel, les constructeurs de bus font leur réclame, les élus locaux se plaignent auprès de l’État, des idées se testent, des talents se révèlent. Voici 10 choses apprises aux congrès des transports publics et du vélo, à Toulouse.
Lire aussi : Dix choses vues au congrès des transports publics à Marseille (octobre 2017)
1/ Un parc des expositions très carboné. Le « Meett », parc des expositions proche de l’aéroport de Toulouse, entré en service début septembre, est un énorme entrepôt en béton d’un autre temps, monumental et énergivore, comme le remarquait Isabelle Regnier en octobre 2020 dans Le Monde.
Pour venir du centre-ville de Toulouse en tramway, il faut une bonne heure, en comptant les temps d’attente et dix minutes de marche à l’arrivée. L’emplacement du Meett, à Aussonne (7000 habitants), desservi par une pénétrante, est manifestement pensé pour faciliter l’accès en voiture, voire en avion, puisqu’il est situé à quelques minutes (en taxi) de l’aéroport. Autour de ce mastodonte, des promoteurs vont bientôt artificialiser 25000 m² pour en faire une zone industrielle. Comme le rappelle régulièrement l’UTP, l’étalement urbain incontrôlé est par définition incompatible avec une politique efficace des transports publics.
2/ Avion, voiture, mêmes caricatures. Présidente (PS) de la région Occitanie, Carole Delga n’aime pas qu’on s’en prenne aux déplacements en avion, reflet selon elle d’«une conception de la société qui consiste à découvrir l’autre, au contraire d’une société de repli sur soi et de décroissance». Ainsi, la réduction du trafic aérien aux trajets pour lequel il est vraiment indispensable, correspondant par exemple à plus de cinq heures de train, ce serait « se replier sur soi ». Voilà un propos qui rappelle une caricature connue: « réduire la vitesse, élargir les trottoirs, faire payer le stationnement, c’est interdire la voiture ».
3/ Se déplacer moins, c’est mal. La démobilité, un concept jusque-là méconnu et aujourd’hui prôné par certains politiques, « n’est pas un synonyme de développement économique », affirme Marie-Ange Debon, présidente de Keolis et de l’UTP. « On nous promet un ministère de la démobilité! » s’étrangle Jean-Baptiste Djebbari, ministre des transports, qui préfère ce slogan abscons:  « une écologie de progrès, une philosophie de l’action ». Sauf que des millions de personnes rêveraient précisément de se déplacer moins, de ne plus subir les trajets éprouvants, de rester chez eux quelques jours par semaine. Ceux qui ont pu profiter depuis 2020 du télétravail parlent d’ailleurs de temps gagné. Les décideurs de la mobilité feraient bien d’intégrer cette réalité plutôt que de la décrier.
4/ Taxer les livraisons. La fréquentation des transports publics est en berne, des voyageurs se débrouillent autrement (télétravail, vélo, voiture) et « on ne va pas tous les reconquérir » admet Charles-Eric Lemaignen, vice-président du Gart. Ceci pose un gros problème de financement aux opérateurs comme aux collectivités. Où trouver des sous? Auteur d’un rapport sur les transports remis au gouvernement en juillet, l’ancien député (PS) Philippe Duron préconise de « taxer les plateformes de livraisons de colis » dont il dénonce les « externalités négatives »: bruit, pollution, occupation de l’espace public.
5/ Zones à fort éloignement. Officiellement, c’est parti. Les onze principales métropoles françaises vont se doter de zones à faibles émissions (ZFE), des périmètres assez vastes au sein desquels les véhicules les plus polluants seront interdits. Mais en pratique, la ZFE ne fera l’objet d’aucun contrôle réel, regrette Louis Nègre, président (LR) du Gart, qui rassemble les élus. En outre, plusieurs élus écologistes craignent, sans le dire très fort, un décalage entre les métropoles et leurs alentours immédiats. Jean-Luc Moudenc, président (LR) de la métropole de Toulouse, fait ce constat: « nous accordons des aides aux automobilistes pour qu’ils changent de voiture. J’ai fait part de ces aides aux élus des intercommunalités voisines, mais ils n’ont pas répondu ». Pour la présidentielle, ou à un autre moment, ceci augure d’un beau débat à la française entre les métropoles qu’on accusera de « se barricader » et les secteurs périurbains dépourvus de transports publics et où les distances s’allongent.
Lire aussi: ZFE vs ZTL (novembre 2018)
6/ Sortir du tout-métropole. Et si on sortait de la fascination pour les métropoles, justement? « On aura beau tout faire pour décarboner les mobilités, si on continue à faire grossir les métropoles, on n’y arrivera pas », estime Bruno Bernard, président (EELV) de la métropole de Lyon. Louis Nègre est d’accord: « nous avons un pays multipolaire, il n’y a pas que Paris ni les grandes métropoles. Nous devons revivifier ces villes moyennes où les gens sont contents de vivre ».
7/ Un jeu de rôle pour contrer le tout-voiture. « J’ai 50 ans, je tiens une pizzeria et j’ai 9000 personnes qui passent dans la rue tous les jours en voiture. Comment je vais faire avec votre nouveau plan de circulation? » Le jeune homme qui dévide cet argumentaire sur un ton presque convaincant participe à un jeu de rôle imaginé par le Cerema et l’Académie des mobilités actives dans le cadre du congrès du CVTC. Cinq tables ont été disposées et autour de chacune d’entre elles une dizaine de personnes discutent de l’aménagement d’un quartier urbain de 5000 habitants, représentant des riverains, des commerçants, des handicapés ou une association de cyclistes. Puis les mêmes équipes doivent jouer le rôle de la municipalité, qui répond aux usagers. Ainsi, ces participants, qui dans la vraie vie sont élus, techniciens, militants, consultants, universitaires, plutôt favorables à la réduction de la place de la voiture, apprennent à se mettre à la place des autres. Ils acquièrent une maîtrise des argumentaires, au contraire des opposants systématiques aux piétonisations et autres pistes cyclables qui se contentent de clamer: « on ne peut pas faire autrement », en pensant que, naturellement, tout le monde est d’accord avec eux.
8/ Parkings autour des gares, mauvaise idée. « Il faut dissuader le rabattement en voiture vers les transports publics. En Ile-de-France, les places de stationnement autour des gares sont gratuites depuis 2019. En conséquence, comme on a pu le lire dans Le Parisien, des gens qui arrivaient à pied à la gare y viennent maintenant en voiture, ce qui consomme de l’espace et génère des nuisances pour les riverains », explique l’économiste Frédéric Héran. « En 2008, à la région Rhône-Alpes, j’avais proposé de mettre fin à la gratuité des parkings-relais. On avait calculé que plus de la moitié des automobilistes ne parcouraient que 700 mètres en voiture pour accéder à la gare », renchérit Jean-Charles Kohlhaas, vice-président (EELV) de la métropole de Lyon.
9/ Vol de vélos, chiffres cruels. Le marquage des vélos, qui consiste à apposer un identifiant sur le cadre, est obligatoire pour les vélos neufs et d’occasion depuis le 1er juillet. « 800000 vélos sont marqués par an », signale Patrick Guinard, président de l’Association de promotion et d’identification des cycles (APIC). Chaque année, précise-t-il, « 300000 vélos sont volés. 1800 vols sont déclarés et grâce au marquage, on en retrouve 50 ». Cinquante! On peut émettre trois hypothèses. Soit le marquage est dissuasif en soi, et les vélos marqués ne sont que très rarement volés, soit les voleurs parviennent à effacer le marquage, soit les forces de l’ordre se fichent des vélos volés. Les trois hypothèses ne sont pas exclusives l’une de l’autre.
10/ People. Françoise Rossignol, maire (divers gauche) de Dainville (Pas-de-Calais), devient la première femme présidente du Club des villes et territoires cyclables, succédant à Pierre Serne, ex-élu écologiste francilien. L’autre association d’élus pro-vélo, Vélo et territoires, est également présidée par une femme, Chrystelle Beurrier, maire (divers droite) d’Excenevex (Haute-Savoie).
Guillaume Gouffier-Cha, député (LREM) du Val-de-Marne, hérite d’une mission parlementaire sur l’industrie du vélo en France. Les ventes explosent, les usines manquent de bras et cherchent à agrandir leurs locaux, mais les acteurs de cette « filière » demeurent souvent isolés et trouvent peu de sous-traitants en Europe. Comme le résume Elodie Barbier-Trauchessec, ingénieure à l’Ademe, « le vélo était déjà une évidence environnementale, il est devenu une évidence sanitaire et constitue désormais une évidence économique ».
Lire aussi: 10 choses apprises sur le vélo « made in France » (février 21)
Olivier Razemon (l’actu sur Twitter, des nouvelles du blog sur Facebook et de surprenants pictogrammes sur Instagram).
 
« Priorité aux transports du quotidien ». Tel était l’objectif de la loi d’orientation des mobilités (LOM), annoncée dès juillet 2017 et finalement promulguée au lendemain de Noël, le 26 décembre 2019. Cette parution au Journal officiel est l’un des événements, parmi de nombreux autres, de l’année 2019 dans le secteur des transports. Voici une liste illustrée, forcément incomplète, enrichie de quelques observations personnelles, des événements qui ont ponctué l’année.
Janvier, trottinettes. On ne parle que de ça. Tout au long de l’année 2019, ces objets auront symbolisé les « nouvelles mobilités ». Personne n’aime les trottinettes électriques en libre-service, apparues dans les rues et sur les trottoirs des grandes villes, principalement à Paris. On ne compte plus les conférences de presse destinées à annoncer une maîtrise de ces objets, les amendements déposés par les parlementaires et les reportages télévisés pour dénoncer ces intrus. A la fin de cette année, toutefois, les trottinettes sont encore là, noyées dans la masse du trafic, mais elles roulent moins vite, et leurs utilisateurs empruntent les pistes cyclables lorsqu’il y en a.
Février, arceaux. Les gares du super-métro du Grand Paris seront équipées en arceaux de stationnement pour les vélos, mais pas en nombre suffisant. En novembre, il apparaît que seule une centaine de places sont prévues pour chaque gare de la ligne 15, en banlieue sud. Et pourtant, la Société du Grand Paris ne cesse de rappeler que « 90% des habitants vivront à moins de 2 km d’une gare » et qu’ils sont priés de ne pas arriver à la gare en voiture. A vélo non plus, apparemment.
Mars, flygskam. La honte de prendre l’avion se répand en Europe et en Amérique du Nord. Le secteur ferroviaire, en Suisse ou en Suède, constate une hausse de la demande. Sans renoncer totalement aux voyages en avion, on peut, à l’instar des flexitariens qui réduisent leur consommation de viande, devenir flexitaérien: le train à l’aller, l’avion au retour. Et sinon, on ne dit plus « compagnies aériennes », mais « industrie aérienne ».
Mars, collectif. Le Collectif vélo Ile-de-France est créé à Massy (Essonne). Pour la première fois, les associations d’Ile-de-France, une région dense où de nombreux trajets sont parcourables à vélo, réclament, ensemble, des aménagements cyclables. Ceci débouchera, en août, sur le concept de RER V, comme vélo.
Avril, escapades. Parution de Slow train, un guide présentant une trentaine d’échappées ferroviaires en France. Par Juliette Labaronne, éditions Arthaud. Pendant, ce temps, des lignes secondaires ne sont plus entretenues, un exemple ici avec la ligne Morlaix-Roscoff.
Avril, Brompton. A l’usine Brompton, dans la banlieue ouest de Londres, les ouvriers mettent une derrière main aux modèles à assistance électrique mis en vente en Europe continentale. L’entreprise préfère continuer à produire à Londres plutôt que dans dans le nord-est de l’Angleterre, où les salaires sont pourtant plus bas. La direction de Brompton souhaite que ses salariés continuent d’utiliser les produits maison tous les jours, et ainsi contribuer à les améliorer.
Avril, téléphérique. Le téléphérique de Brest, qui traverse le fleuve côtier Penfeld, rencontre un incontestable succès auprès des habitants et des touristes. Mais le téléphérique urbain a-t-il vraiment un avenir comme mode de déplacement du quotidien? Les promesses tardent en tous cas à se concrétiser. Par ailleurs, le téléphérique de Brest dessert, sur la rive droite, une médiathèque, mais pas d’habitations. Et d’ailleurs, il ne fonctionne pas le lundi matin, ce qui le rend inopérant comme transport « domicile-travail ».
Mai, CDG Express. Feu vert du gouvernement pour le CDG Express, qui sera mis en service en 2025. La construction et le fonctionnement de ce métro rapide entre la gare de l’Est à Paris et l’aéroport Charles de Gaulle, qui ne transportera que 17000 personnes par jour, risquent de fragiliser encore le RER B, où voyagent chaque jour ordinaire 900000 personnes.
Mai, lobby. Depuis le début de l’examen de la LOM, le Medef déploie un lobbying très actif pour éviter que le « forfait mobilité durable », qui doit encourager les salariés à utiliser le covoiturage et le vélo, devienne une obligation pour les employeurs. Et pourtant, ces derniers gagnent à financer les transports publics et le vélo.
Juin, gratuité. La Communauté urbaine de Dunkerque exulte. Depuis que le réseau est gratuit (pour les usagers), la fréquentation des bus a progressé de 70% en semaine et la moitié des nouveaux usagers étaient auparavant automobilistes. Mais ce calcul est biaisé: pour calculer l’impact de la gratuité, il faudrait aussi comptabiliser les gens qui ne sont pas montés dans le bus et sont restés dans leur voiture. Et ils sont bien plus nombreux. Une enquête à lire ici, dans Mobilettre.
Juillet, flop. Finalement, « ça ne sert pas à grand chose ». Le magazine Bus&Car rapporte que la navette autonome qui traversait le parvis de La Défense n’est pas parvenue à son objectif de passage en « full autonome ». Les voyageurs potentiels s’en sont détournés, préférant évoluer à pied. L’établissement public Paris La Défense annonce qu’il est mis fin à l’expérimentation. Coût pour les finances publiques: 300000€.
Juillet, ZTL. En Italie, dans de larges périmètres au centre-ville, la circulation motorisée est réservée aux véhicules utiles, ceux des riverains, des commerçants et des livreurs. Ces « zones à trafic limité », ici celle de Bologne, permettent de limiter la pollution et offrent une vue dégagée sur les monuments séculaires.
Août, hyperconnexion. Etre sans cesse connecté, c’est néfaste non seulement pour le bon déroulé de ses vacances, mais aussi pour la vie de famille, sans compter les conséquences environnementales et démocratiques. On peut comparer les dangers de l’hyperconnexion à l’addiction au tout-voiture, c’est ici.
Août, gare. A Argenton-sur-Creuse (Indre), des habitants se mobilisent pour que les trains Paris-Limoges continuent à marquer l’arrêt en gare.
Septembre, totem. Inauguration par la maire de Paris Anne Hidalgo d’un totem compteur de vélos rue de Rivoli. Le même mois, les premiers fonds du plan vélo de 2018, destinés aux collectivité, sont annoncés. La facilitation des déplacements à vélo sera un des enjeux des municipales, à Paris, mais aussi à Nantes, Montpellier ou Annecy.
Septembre, particules. Les scooters polluent beaucoup plus que les voitures. C’est ce que confirme une étude menée par l’organisme qui a révélé le Dieselgate.
Octobre, périphérique. A l’occasion de la Nuit blanche, une partie du périphérique parisien est transformé en vélodrome. Le récit de cette expérience est à lire ici.
Octobre, Schwebebahn. Visite du célèbre monorail suspendu de Wuppertal. L’objet est amusant, le voyage distrayant. Mais ce train, construit en 1903, est une impasse technologique. Le système ne se prête pas à la constitution d’un réseau et les énormes barres métalliques neutralisent l’accès à la rivière Wupper au-dessus de laquelle plane le monorail. Enfin, contrairement au tramway ou au bus doté de couloirs réservés, le Schwebebahn ne contribue pas à limiter le trafic motorisé, puisqu’il circule au-dessus.
Allez voir, M. Lebon, lobbyiste d’@EuropaCity, ces villes vidées de leurs commerces, de leurs habitants, de leurs équipements, par des zones commerciales à perte de vue.
Partout en France, en grande couronne parisienne aussi.
Et le problème, c’est qu’on continue à en construire. pic.twitter.com/f2am7VLyAl
— Olivier Razemon (@OlivierRazemon) February 20, 2019

Novembre, Europadutout. Le mégacomplexe commercial et touristique Europacity ne verra pas le jour, annonce le gouvernement. Les promoteurs n’ont pas encore dit leur dernier mot et n’excluent pas de revenir à la charge. Ce mastodonte était l’un des symboles de ces zones commerciales qui s’étendent en périphérie des villes et qui multiplient les déplacements motorisés, même lorsqu’ils sont, comme ici en Ile-de-France, également desservis par les transports publics.
Novembre, gilets. Un an après novembre 2018, le mouvement des « gilets jaunes » se poursuit. Il révèle notamment les conséquences de l’étalement urbain, qui se traduit par la construction incessante de zones d’activité, commerciales et d’habitat reliées par des rocades. Un paysage très français qui rend la voiture « indispensable » et les transports publics inopérants. Dans les territoires peu denses, comme disent les spécialistes, les transports existent pourtant, mais ils sont négligés.
Décembre, grèves. Les grèves à la RATP et à la SNCF durent davantage que celles de l’automne 1995. De nombreux enseignements seront à tirer de cette période, sur le strict plan de la mobilité. Alors que des centaines de km de bouchons s’additionnent chaque jour en Ile-de-France, le vélo est plébiscité à Paris et en petite couronne. La grève met aussi en évidence la mauvaise qualité de l’information délivrée aux voyageurs par les opérateurs, alors que les associations de voyageurs se révèlent bien plus fiables.
Bonne fin d’année quand même!
Olivier Razemon (l’actu sur Twitter, des nouvelles du blog sur Facebook et de surprenants pictogrammes sur Instagram).
 
 
 
 
 
Voilà une histoire qui scandalise à peu de frais. Des gens tout à fait comme-vous-et-moi qui soudainement doivent payer 1080€ d’amendes parce que deux policiers ont décidé de verbaliser, plusieurs fois de suite, leur voiture sur le trottoir. Cela se passe à Angoulême, dans une rue dont le trottoir est étroit, et il est convenu de s’insurger contre cet « excès de zèle ». Certes, 1080€, c’est beaucoup. Mais à Angoulême comme dans de nombreuses autres villes de cette taille, les habitants qui se déplacent à pied aimeraient que la police municipale se décide enfin à verbaliser les voitures posées sur le trottoir qui les forcent à marcher sur la chaussée.
« Dans les villes moyennes, témoigne Anne-Marie Ghémard, habitante de Valence, on vit bien, c’est moins bruyant qu’une grande ville, les loyers sont moins élevés et il est très très facile de se déplacer en voiture ». Cette représentante de la Fédération nationale des usagers des transports publics (Fnaut), s’exprime lors de la journée de débats organisée le 10 octobre dernier sur le thème « Comment se déplace-t-on dans les villes moyennes ». Elle raconte que, dans sa ville de la vallée du Rhône, « les embouteillages sont très rares », à l’exception « d’un giratoire qui bouchonne le vendredi soir, entraînant une perte de temps de 4 minutes chrono ». Or, pour décongestionner ce carrefour, l’État et le département se préparent à « investir respectivement 18 millions d’euros et 9,5 millions, soit la moitié de ce que l’État investit par an pour le vélo ».
Trafic -> Embouteillages -> Nouvelle route -> Trafic, etc. Les préfectures et sous-préfectures de France en seraient-elles encore à ce stade ? Il reste un peu d’espoir. Car le titre même du colloque de la Fnaut, « Comment se déplace-t-on dans les villes moyennes ? » n’aurait eu aucun sens il y a 5 ans. Quelques mois avant les municipales de 2014, dans les préfectures et les sous-préfectures de département, le mot « déplacement » se disait encore « circulation ». Maires, agents municipaux, commerçants, associations d’élus, tous étaient unanimes : « vous savez, chez nous, tout se fait en voiture ».
Le réseau de bus était considéré comme un service accessoire, réservé à trois catégories d’habitants qui ne possèdent pas ou plus de véhicule : les enfants et adolescents fréquentant un établissement scolaire, les personnes âgées et les familles vivant de minima sociaux. Les jeunes, les vieux, les pauvres. La marche n’était jamais pensée comme un mode de déplacement, le vélo ignoré.
En 2014, « faire revenir la voiture en ville ». De nombreux maires, élus avec la « vague bleue » de 2014, affichaient d’ailleurs une ambition claire : « faire revenir la voiture en ville », comme si elle en avait disparu. Constatant qu’une partie des commerçants ne cessaient de répéter « on ne peut plus se garer », les nouveaux élus avaient trouvé là une recette miracle pour sauver la ville de son déclin.
Ainsi, en avril 2014, une semaine à peine après son élection, Olivier Gacquerre, maire (UDI) de Béthune (Pas-de-Calais) transformait une partie de la Grand-Place, piétonne depuis des décennies, en parking, et annonçait que les automobilistes pouvaient de nouveau en faire le tour.
La roue a tourné. Mais nous voilà à l’orée des élections de 2020, et la roue a tourné. M. Gacquerre explique désormais qu’il faut, dans les villes de la taille de Béthune, « des alternatives à la voiture ». Dans l’ancien bassin minier du Pas-de-Calais, cela se traduit par un bus disposant d’une voie réservée, « la piétonnisation » de certaines voies, une réfection de l’espace public ou encore l’usage du vélo. Les villes moyennes se veulent « apaisées, résilientes, proposant des espaces verts et un cadre de vie », explique l’élu. Et ceci n’est pas vraiment compatible avec « la prédominance de la voiture » comme il dit.
La gratuité des transports est inutile. Maire (PS) de Bourg-en-Bresse, Jean-François Debat assume lui aussi une politique visant à réduire les flux motorisés : « Continuer d’aménager nos villes pour assurer que chacun, en voiture, ne perde pas une minute le matin, c’est une fuite en avant », dit-il. L’édile mise sur les transports publics, mais « à condition de faire monter les cols blancs dans le bus ».  Il précise que « ce n’est pas la gratuité des transports qui est susceptible de convaincre les cadres, mais la qualité du service ».
Ville étalée et ville resserrée. Encore faut-il que l’aménagement des villes moyennes se prête à ces modes alternatifs. Et cela dépend moins de l’offre en transports que de la forme urbaine. La ville étalée privilégie les longues distances et la voiture individuelle. La ville resserrée facilite la desserte par les transports publics, l’usage de la marche et du vélo. Or, pour l’instant, la tendance demeure à l’étalement urbain.  « De nos villes, on a sorti tous les équipements, les commerces, l’habitat », observe M. Gacquerre. « Les villes sont bâties sur les logiques privilégiant la voiture et de l’étalement », corrobore M. Debat.
Vitesse vs. densité. Dès lors, « il faudra du temps » pour réorganiser l’espace urbain, admettent les élus. Mais dans les débats qui commencent à agiter chaque ville en vue des municipales, le stationnement gratuit, les nouvelles rocades et les hypermarchés semblent trouver une moindre place que les discussions sur la qualité de vie et l’espace public. Les villes de cette taille présentent en outre un fort taux de réponses au « baromètre des villes cyclables » par lequel les usagers peuvent noter, jusqu’au 30 novembre, les aménagements locaux. Le géographe Francis Beaucire observe ces discussions avec délectation. « Là où tout le monde ne parlait que de vitesse il y a quelques années, j’entends désormais le retour du mot ‘densité’ ».
Mini-métropoles ou gros villages. Compte tenu de leurs spécificités, les villes moyennes doivent-elles opter pour une stratégie différente de celles mises en place dans les grandes villes ? Non, répond Jean Sivardière, ancien président de la Fnaut. « Ce sont les mêmes méthodes. A ceci près que dans les villes moyennes, les distances sont moins importantes, ce qui est favorable à la marche et au vélo. Et comme la population est moins nombreuse, le transport lourd, métro ou tramway, n’est pas nécessaire ». Car les préfectures et sous-préfectures de département ressemblent davantage à des métropoles miniatures qu’à des gros villages.
Olivier Razemon (l’actu sur Twitter, des nouvelles du blog sur Facebook et de surprenants pictogrammes sur Instagram).
Pour compléter :
Dans les villes moyennes, des bus rapides, mais vides et coûteux (juin 2016)
Les villes moyennes entre revitalisation urbaine et frénésie périphérique (avril 2018)
Le retour de la voiture n’est pas une fatalité (octobre 2015)
 
 
Cela s’appelle casser le thermomètre. La fédération Procos, qui rassemble 300 enseignes commerciales, publiait encore, en 2016, une carte détaillée (ci-dessous) de la « vacance commerciale », la proportion des vitrines abandonnées, ville par ville. Cet outil précieux, résultat d’un travail minutieux, avait permis d’alerter les décideurs politiques, économiques et médiatiques sur l’état des villes de France, de Saint-Brieuc à Grasse, de Mont-de-Marsan à Thionville.
La dévitalisation commerciale, symbole visible de la crise urbaine, s’accompagne d’une proportion élevée de logements vides, d’un appauvrissement de la population, de l’externalisation des équipements publics (centres de santé, piscines) et privés (cinémas, salles de sport) et d’un urbanisme étalé misant uniquement sur la voiture individuelle. La carte de Procos présentait aussi le mérite d’être comparable d’une année sur l’autre et de montrer que la crise n’est pas cantonnée à des régions en difficulté ou touchées par un chômage élevé, mais qu’elle concerne l’ensemble de l’Hexagone, sans exception.
Lire aussi: La crise urbaine a son point aveugle: les déplacements (octobre 2016)
Mais depuis 2017, les spécialistes du commerce ne publient plus de carte et réservent les résultats détaillés à leurs adhérents. Ils ne veulent plus passer pour des oiseaux de malheur. A la place, ils préfèrent vanter un « palmarès des centres-villes commerçants ». Les nouvelles sont mauvaises ? Alors, ne parlons que des bonnes nouvelles !
Le fantôme. Mais chassez le fantôme par la porte, et il revient par la fenêtre. L’absence de chiffres détaillés n’empêche pas Procos de constater une aggravation continue de la situation. « Le taux moyen de la vacance en centre-ville est passé de 7,2% en 2012 à 9,5% en 2015 et 11,9% en 2018. Seul un tiers des villes demeure sous la barre symbolique des 10%, contre la moitié en 2015 », écrivent les spécialistes.
Un commerce sur sept. Comme les années précédentes, les villes les plus fragiles sont les moins peuplées. Les « petites villes moyennes », dont la zone d’influence compte moins de 200000 habitants, ce qui correspond à une ville-centre de 50000 habitants environ, présentent une vacance commerciale moyenne supérieure à 13%. Un commerce sur sept y est fermé. Dans certaines localités, c’est bien davantage : « Le taux de vacance dépasse 15% dans un tiers de ces centres-villes, et 20% dans 14% d’entre elles », indique Procos.
Pour expliquer cette morosité, la fédération des enseignes évoque les tensions du samedi en fin d’année, la progression du commerce électronique « de 10 à 15% par an », et constate sobrement « une croissance plus rapide des surfaces commerciales que de la population ». C’est le moins qu’on puisse dire.
Car chaque année, la superficie des zones commerciales périphériques progresse de 3 ou 4%, quand la hausse de la consommation ne dépasse pas 1%. En janvier, Procos a publié des graphiques présentant l’évolution des opérations d’immobilier commercial. Les nouvelles zones sont produites à un rythme soutenu et les autorisations demeurent très nombreuses, inondant un marché que tous les professionnels s’accordent à trouver saturé.
De plus en plus, les acteurs locaux et nationaux disent : « ça suffit ». Le 20 février, à Paris, un public de professionnels a été amené à voter, après des « plaidoiries », sur le thème des grands projets, où intervenait « en défense » un lobbyiste du méga-projet commercial Europacity, en région parisienne. Ce n’était pas n’importe quel public: tous étaient les invités du média Usbek et Rica et de la Fabrique de la cité, financée par le groupe Vinci. A 56%, les participants ont voté contre. La plaidoirie gagnante, pourtant pas vraiment consensuelle, est ici.
85% des projets en périphérie. En janvier, la fédération avait rendu publique, obligeamment, une liste des projets « les plus emblématiques », ainsi que le nom de la ville auxquels les promoteurs s’attaquent. Parmi les mastodontes livrés en 2018, citons cette extension du Carrefour d’Évreux, pour 26213 m², ou « The Village », qui n’est pas du tout un village, mais une zone commerciale à Villefontaine (Isère), au sud-est de Lyon. Dans les cartons, pour 2019, figurent une dizaine de projets de plus de 15000 m², partout en France (document au bas de la page). Même si les promoteurs adorent mettre en avant leurs opérations en centre-ville, « 85% des projets concernent la périphérie », précise Procos.
Face à une telle offensive, en l’absence d’un moratoire sur les surfaces commerciales réclamé par certains élus, les villes essaient de faire face, en s’appuyant sur le plan « Action cœur de ville », dont quelques mesures se retrouvent dans la loi Elan. Des initiatives se montent un peu partout, comme celle de Villages vivants, une association sui espère acheter des locaux vides pour les revendre à des commerçants désireux de développer du lien social. Les municipalités peuvent aussi s’inspirer des lauréats du « palmarès des centres-villes commerçants » de Procos. Ce classement consacre huit villes, de taille très différente, ce qui limite les comparaisons. Mais il fournit quelques indications sur les recettes à adopter.
Les recettes de Strasbourg. L’exemple de Strasbourg, en particulier, est significatif. Le taux de vacance y stagne à 4%. Les 1000 commerces de la ville alsacienne constituent « le principal pôle marchand de l’agglomération », loin devant les zones commerciales périphériques. « Les élus strasbourgeois ont toujours privilégié le développement en centre-ville au développement périphérique. La périphérie est sous-dotée en galeries marchandes. Et aujourd’hui, il n’y a aucun centre commercial régional hors de la ville-centre », souligne Procos. Ce qui est tout de même assez réducteur: les centres commerciaux de Vendenheim, au nord de l’agglomération, et Illkirch-Graffenstaden, semblent avoir échappé à leurs observations.
Par ailleurs, les spécialistes observent que le centre de Strasbourg abrite « des administrations, des services de santé, des logements destinés aux familles ». Enfin, l’accessibilité ne se limite pas aux « nombreux parkings » (payants, NDLR), mais repose « surtout sur une politique multimodale qui laisse une large place au vélo, aux piétons, aux transports en commun ».
Olivier Razemon (l’actu sur Twitter, des nouvelles du blog sur Facebook et de surprenants pictogrammes sur Instagram).
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Point 1 : « Relèvement immédiat d’au moins 200 € des bas salaires, des retraites et des minima sociaux ». Point 5 : « Réductions d’impôts fondées sur la justice fiscale ». Point 7 : « Baisse des taux de la taxe sur les carburants ». Point 15 : « Mise en place d’un véritable service de transport des usagers ». Point 30 : « Priorité d’embauche pour les nationaux ». Point 93 : « Arrêt de l’implantation et de l’extension des grandes surfaces ». Point 120 : « Résolution de tous les conflits en cours ».
Non, cet inventaire échevelé n’est pas issu des cahiers de doléance déposée par quelques « gilets jaunes » qui auraient accepté de participer au « grand débat national » de cet hiver 2019. Il s’agit d’un extrait des 120 revendications présentées en 2009 par le LKP, « Liyannaj Kont Pwofitasyon », ou « Collectif contre l’exploitation », en Guyane, en Guadeloupe et en Martinique. Il y a 10 ans tout juste, les trois départements français d’Amérique connaissaient un mouvement social sans précédent.
2009-2019, troublantes similitudes. La lutte contre la « pwofitasyon » présente de troublantes similitudes avec le mouvement qui fleurit dans l’Hexagone depuis le mois de novembre. Telle est l’analyse de l’avocat guadeloupéen Pierre-Yves Chicot, dans le mensuel antillais InterEntreprises. « Les soubresauts qui touchent la France continentale ressemblent à s’y méprendre aux événements sociaux qui ont touché l’outre-mer en 2009 », titre ce magazine. Et c’est d’ailleurs pour cela que le mouvement n’a pas percé aux Antilles, à l’inverse de la Réunion.
C’est aussi l’avis de Yan Monplaisir, élu martiniquais, vice-président de l’Assemblée territoriale, étiqueté à droite et néanmoins allié, au sein de l’exécutif territorial, de la principale formation autonomiste, Mouvement indépendantiste martiniquais (MIM). « Aux Antilles, nous avons connu les ‘gilets jaunes’ il y a 10 ans », affirme-t-il.
Lire aussi: Le prix du carburant, facture salée de l’étalement urbain (novembre 2018)
Même déclencheur, le prix de l’essence. L’élu, rencontré à Fort-de-France à l’occasion d’une conférence sur la vitalité des centres villes, liste les points communs entre les crises de 2009 et 2019. « Le déclencheur est le même. En 2009, tout avait commencé en Guyane, puis en Guadeloupe, où la population protestait contre une hausse des carburants qu’elle attribuait au fait que la raffinerie de la région est située à la Martinique, alors que la véritable hausse provenait des taxes locales ». Les manifestations étaient, comme cet hiver en France, spontanées, sans lien avec les partis politiques traditionnels, et les élus locaux comme nationaux furent, au départ, décontenancés par le mouvement.
La technique du rond-point. « La Martinique, le 5 février 2009, a connu une manifestation qui demeure la plus importante de l’histoire de l’île. Les gens protestaient contre le coût de la vie, du téléphone, d’Internet, des taux d’intérêt, mais portaient aussi des revendications identitaires, et tout ceci bénéficiait au départ du soutien populaire », se souvient M. Monplaisir, alors chef d’entreprise. Ces « gilets jaunes » avant l’heure ne se contentaient pas de manifester le samedi. Leur colère a duré cinq semaines. En revanche, ils avaient déjà saisi la technique du rond-point, en bloquant les zones d’activité nuit et jour, au point de créer une pénurie. L’essence était bientôt rationnée, les institutions ébranlées.
Effet catharsis. Puisque les Antilles semblent avoir 10 ans d’avance, il est intéressant, du côté européen de l’Atlantique, de savoir comment s’est terminée la crise. Au bout de quelques semaines, le soutien de la population s’est essoufflé : « Nous étions tous las ». Le préfet de Martinique, comme celui de Guadeloupe, a convié la population à « un débat » à la préfecture. « De très nombreux sujets ont été abordés, beaucoup de gens avaient envie de parler, et tout ceci a constitué, comment dit-on quand on va chez le psy, une catharsis, voilà », se souvient l’élu. Ce « grand débat » avant l’heure s’est poursuivi avec les « États-généraux de l’outre-mer », sous Nicolas Sarkozy, puis les « Assises de l’outre-mer », fin 2017, au début du mandat d’Emmanuel Macron. « Merci on a déjà donné », répondent les élus antillais lorsqu’on évoque le « grand débat national ».
Lire aussi: Vos 10 propositions pour réduire l’addiction au carburant (décembre 2018)
Et que devient la Martinique, 10 ans après ? Ce peut être instructif, là encore. Que les défenseurs de l’automobile se rassurent, le prix du carburant, déclencheur du mouvement, fait désormais l’objet d’une péréquation entre les trois départements d’Amérique. Les manifestants réclamaient une gouvernance plus locale, et la crise a accouché d’une réforme institutionnelle. La région et le département, qui coexistaient sur le même territoire, ont été fusionnés en une Collectivité territoriale unique.
Mais sur le plan économique, la Martinique est plutôt perdante. L’île a connu une grave récession qui ne s’est résorbée qu’en 2014, Les inégalités se sont encore accrues. Les villes se dévitalisent. Le chômage touche 18% de la population active. Les jeunes et les diplômés quittent l’île pour l’Hexagone ou au Canada. Le département perd des habitants. Et tout ceci, en dépit d’incontestables atouts, de ressources naturelles, et d’une attractivité touristique forte.
Non aménagement du territoire. La dimension territoriale du conflit social, comparable à celle que soulèvent les « gilets jaunes » aujourd’hui, n’est pas résolue. La Martinique s’est couverte de zones d’activité qui demeurent à moitié vides, et de zones commerciales qui finissent par tuer le commerce local… exactement comme en France continentale. Ce non aménagement du territoire implique l’usage d’une voiture pour 85% des trajets, et cela pèse sur le budget des ménages, sans même parler de la congestion récurrente et de la pollution.
Transports public: échec. M. Monplaisir ne peut que constater « l’échec de la politique de transport public ». L’inauguration, en août 2018, du « TCSP », transport en commun en site propre, un bus qui relie Fort-de-France au Lamentin, les deux principales villes, fait la fierté, à juste titre, des Martiniquais, mais cela ne suffira sans doute pas. La fréquence de ce bus est insuffisante, et la qualité des réseaux urbains des agglomérations demeure aléatoire.
L’élu craint par ailleurs d’autres soulèvements à venir, susceptibles de se nourrir des inégalités foncières, que connaît la Martinique « depuis la colonisation », indique-t-il. A Sainte-Luce, 10000 habitants, dans le sud de l’île, le groupe Bernard Hayot, puissant acteur de la grande distribution aux Antilles, veut installer un hypermarché Carrefour sur un terrain qui lui appartient depuis l’arrivée des premiers colons. Le maire, Nicaise Monrose (divers gauche), s’y oppose courageusement (à lire en détail sur le site Ici Martinique), craignant pour la vitalité du commerce local. Mais les recours juridiques sont presque épuisés.
Bernard Hayot, 85 ans, « suscite chez les martiniquais un mélange de respect, de frustration et de jalousie », analyse M. Monplaisir. « Je crains que cela ne se traduise un jour par une réaction de rejet ». L’Hexagone saura-t-il se saisir des leçons de la crise antillaise ?
Olivier Razemon (l’actu sur Twitter, des nouvelles du blog sur Facebook et de surprenants pictogrammes sur Instagram).
 
 
« L’interconnexion n’est plus assurée », le nom de ce blog, fait référence à la petite phrase qui s’échappait les jours de galère des hauts-parleurs sur les quais du RER.
La rivalité surjouée entre « les Parisiens », auxquels on réduit systématiquement les habitants de l’Ile-de-France, et les « provinciaux », ont la vie dure. Derrière ces idées reçues se cache un constat encombrant: il y a trop de monde en région parisienne. Rue de l’Echiquier, février 2021.

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