Les cinq bunkers patiemment extraits de leur gangue de terre au printemps dernier, à la lisière du bois de Belmont, à l’entrée de Royan, retourneront aux profondeurs de la terre dès cette semaine. « Pour mieux les préserver, si on veut, plus tard, exploiter leur intérêt patrimonial, réel », explique Éric Normand, co-référent de la Direction régionale des affaires culturelles (Drac) en Charente-Maritime. La méthode pourrait surprendre, mais elle se justifie aisément. « Ces bunkers ont été comblés dès la fin de la Seconde Guerre mondiale et on a pu observer qu’ils se dégradaient…
Les cinq bunkers patiemment extraits de leur gangue de terre au printemps dernier, à la lisière du bois de Belmont, à l’entrée de Royan, retourneront aux profondeurs de la terre dès cette semaine. « Pour mieux les préserver, si on veut, plus tard, exploiter leur intérêt patrimonial, réel », explique Éric Normand, co-référent de la Direction régionale des affaires culturelles (Drac) en Charente-Maritime. La méthode pourrait surprendre, mais elle se justifie aisément. « Ces bunkers ont été comblés dès la fin de la Seconde Guerre mondiale et on a pu observer qu’ils se dégradaient très rapidement, à partir du moment où nous les avons mis au jour », atteste Théo Aubry, spécialiste de l’époque contemporaine au sein du service d’archéologie du Conseil départemental.
Ces imposants témoins de l’une des tranches de vie de la butte de Belmont auront eu le temps de fournir aux archéologues de nouveaux enseignements sur la ligne de défense qu’ils constituaient entre 1940 et 1945, sur la vie quotidienne à l’intérieur… À la faveur du prochain réaménagement de la D 750 dans son entrée à Royan côté route de Saintes, une campagne de fouilles de six mois a été menée, de mars à ce milieu du mois d’octobre. Une opportunité saisie avec enthousiasme par le service d’archéologie départemental et l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) de Nouvelle-Aquitaine.
À son arrivée à Royan en 1940, l’occupant allemand a entrepris, évidemment, de conforter sa position et de se protéger d’une contre-offensive. Dos au bois de Belmont, on saisit pleinement la dimension stratégique de cette hauteur, tournée vers Médis. Une ligne d’une vingtaine de bunkers a été tracée face à cet axe pénétrant dans Royan. Certains de ces bunkers sont aujourd’hui introuvables, surplombés par les aménagements commerciaux alentours. Les archéologues en ont localisé et dégagés cinq, « tous de conception différente », relève Théo Aubry.
Ces mastodontes de béton avaient été ensevelis dans les mois qui ont suivi la libération de la poche de Royan, en avril 1945, une fois récupérés les matériaux encore exploitables, l’armement lourd. Des tonnes de terre les ont recouverts, s’insinuant à l’intérieur. Une première phase, ingrate mais nécessaire, a consisté pour les archéologues à dégager, avec minutie, cette prison de terre. « Deux semaines pour chaque bunker, à cinq personnes », détaille Théo Aubry. Une semaine supplémentaire a été consacrée ensuite à l’enregistrement scrupuleux de chaque élément trouvé, des objets du quotidien, voire, à l’occasion, du petit armement.
On croirait l’histoire de ces ouvrages de défense connue de longue date. Théo Aubry défend au contraire la nécessité de profiter de telles découvertes pour enrichir la documentation sur ce pan de l’Histoire contemporaine. D’ailleurs, souligne le spécialiste, « étudier une telle position terrestre, avec autant d’éléments, est réellement exceptionnel. C’est presque une première en France », insiste l’archéologue.
Théo Aubry oppose les méthodes et techniques archéologiques aux recherches menées depuis des décennies par les simples amateurs d’histoire militaire, passionnés, certes, mais ignorants de certains protocoles. « Le bunker est un élément en soi, mais il est important aussi d’en regarder l’environnement. » Avec leur savoir-faire, les archéologues ont ainsi mis au jour, par exemple, une tranchée de défense d’une vingtaine de mètres de long. « Nous avons aussi trouvé des trous d’hommes, dans lesquels se glissait un seul soldat. » Des dispositifs qui auraient précédé la construction des bunkers.
Par leur conception même, les bunkers étudiés « racontent » l’évolution des méthodes de conception allemandes, des ressources disponibles, également. « L’un des cinq bunkers que nous avons mis au jour, un des premiers construits à Belmont, a des murs de 3 mètres d’épaisseur ! Il a été abandonné dès 1942. » Tout en veillant à conserver pour leurs ouvrages une certaine résistance aux bombardements, les Allemands ont dû revoir à la baisse leur consommation de béton et réduire l’épaisseur des murs.
Le chantier de fouilles s’est étendu sur quelque 4 hectares. Le sous-sol du secteur de Belmont n’a pas livré la totalité de ses richesses. Dans le futur, qui sait, les techniques évoluant, le site fera peut-être l’objet de nouvelles recherches. Une fois les cinq bunkers à nouveau ensevelis, les travaux routiers pourront débuter. En tenant compte de la présence des bunkers, qui a d’ailleurs amené le Conseil départemental à modifier le tracé initial de la bretelle qui reliera le futur rond-point « Leclerc » à celui prévu en haut de la zone Belmont.

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