Fanny Ducros, directrice Marché Particuliers et Etudes à la Caisse d’Epargne Languedoc-Roussillon, décrypte la situation au moment où la Banque de France a relevé son taux d'usure, ce qui engendre une nouvelle remontée importante des taux du marché.
Comment expliquer cette forte remontée des taux proposés par les banques aux particuliers pour les crédits immobiliers ?
Aujourd’hui, le contexte est simple : en raison du Covid et de la guerre en Ukraine, entre autres, il y a une inflation importante. Pour la combattre, les banques centrales de chaque pays augmentent leurs taux directeurs, ce qui engendre logiquement une forte progression des taux du marché. Si je rentre dans le détail, les banques observent principalement l’OAT (pour Obligations assimilables au Trésor, NDLR) à 10 ans, c’est-à-dire le taux de refinancement de l’État français, donc le taux long des marchés financier.
Or, avec l’inflation, cet OAT a augmenté de plus de 2,5 % depuis le début de l’année et c’est la première fois depuis 30 ans qu’on assiste à une progression aussi rapide. Par ailleurs, si la FED (la réserve fédérale américaine) a augmenté ses taux directeurs par petites touches, la banque centrale européenne, elle, l’a fait deux ou trois fois ces six derniers mois mais de façon plus importante. Cette hausse est une variable externe que les banques subissent et face à laquelle il faut s’adapter, en remontant les taux, pour arriver à l’équilibre.

Fanny Ducros, directrice Marché Particuliers et Etudes à la Caisse d’Epargne Languedoc-Roussillon.
Fanny Ducros, directrice Marché Particuliers et Etudes à la Caisse d’Epargne Languedoc-Roussillon. DR

A-t-on déjà connu pareille situation par le passé ?
Il y a dix ans, l’OAT se situait au même niveau qu’aujourd’hui. Sauf qu’à cette période, les taux des crédits immobiliers étaient autour de 4 %. D’où le grand écart avec la situation que nous vivons actuellement. C’est véritablement la première fois qu’il y a une augmentation aussi rapide des taux et c’est ce qui nous oblige à trouver un équilibre pertinent pour tout le monde.
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Avez-vous dû bloquer beaucoup de demandes de crédits immobiliers ces dernières semaines, à cause du taux d’usure qui fixe le plafond au-delà duquel les banques ne peuvent plus prêter à un particulier ?
Notre volume de crédit immobilier reste stable. Nous n’avons pas moins prêté, malgré la flambée des taux sur le marché. Nous sommes une banque du territoire, en proximité avec nos clients, et nous ne les lâchons pas pour une question de taux. Si nécessaire, on rogne sur notre marge. Et s’il y a des arbitrages à faire, c’est plutôt sur des non-clients, pour continuer à accompagner les nôtres.
Mais ce taux d’usure a tout de même bloqué de nombreux dossiers avant la réhausse de début octobre à 3,05 %, une situation qui risque de se reproduire rapidement si les taux suivent la même augmentation…
Ce taux d’usure, ce ne sont pas les banques qui le fixent, il n’y a pas non plus d’accord avec la Banque de France. Si je résume, c’est un mode de calcul, basé sur la moyenne des taux du marché, auquel on ajoute un tiers. Il sert à contenir la progression des crédits. Aux Etats-Unis, où il n’y a pas d’équivalent, les taux sont passés de 3 % à 7 %, soit une hausse de quatre points en un an. C’est énorme. En France, ils n’ont pas augmenté de plus de 1 % sur la même période.
Le taux d’usure protège donc les consommateurs. L’inconvénient, dans une période d’augmentation très importante, c’est effectivement le délai de latence puisque le taux d’usure est réévalué tous les trois mois. Quand les taux du marché augmentent de façon si rapide, il faudrait le faire évoluer chaque mois. Cela dit, ce taux d’usure est calculé avec le taux nominal mais aussi les frais, dont ceux d’assurance. Or, ces derniers ne sont pas les mêmes selon que l’on a 25, 45 ou 60 ans. Le taux d'usure défavorise donc surtout les personnes âgées.
Quelles sont les perspectives pour les taux dans les prochains mois, donc l’activité immobilière ?
Les taux vont continuer à monter, c’est certain. C’est un changement de paradigme assez insolite, au regard d’une progression très rapide, mais finalement, après des taux négatifs, on va assister à un retour à un monde plus "normal". Il est difficile de faire des prévisions exactes, car il y a des éléments de contexte macroéconomique que l’on ne maîtrise évidemment pas, mais je suis de nature plutôt optimiste, et je ne pense pas que les taux vont flamber. En revanche, l’augmentation de 1 % du taux de crédit fait diminuer la capacité d’emprunt de 8 %. Ce phénomène, auquel il faut ajouter les nouvelles normes du HCSF (haut conseil de stabilité financière), va avoir un effet ciseau. Les clients vont aller un peu moins vers le crédit, ce qui va restreindre le marché. On assiste d’ailleurs, cette année, à une augmentation moins rapide des prix de l’immobilier.
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"un mode plus normal"… ça veut dire s'en mettre encore plus dans la popoche…
Le jour où il y aura des commentaires intelligents sur ce site, les poules auront des dents…
Ce qu'il faudrait, ce n'est pas une augmentation moins rapide des prix de l'immobilier, mais une vraie baisse. La hausse est devenue insensée, plus une maison individuelle avec jardin à moins de 400.000 euros, certaines ont pris 100.000 en moins d'un an ! Ce n'est plus du négoce, mais du vol…

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