Dans un contexte économique et géopolitique incertain, d'inflation galopante et de forte remontée des taux, les investisseurs cherchent à sortir des sentiers battus pour doper leur rendement au prix d'un risque maîtrisé. Tour d'horizon de leurs thématiques préférées.
Par Vincent Lepercq
Pandémie, conflit russo-ukrainien, inflation débridée, hausse des taux d'intérêt, menace de récession économique… Face à la cascade d'épreuves depuis plus de trois ans, les investisseurs dans l'immobilier d'entreprise gardent le cap. Et ils continuent d'allouer à la classe d'actifs un afflux d'argent.
Aux côtés des secteurs traditionnels comme les bureaux et les commerces en France qui drainent encore la majorité des investissements des professionnels, des thématiques alternatives séduisent en diversification, mesurée, des portefeuilles.
Marché de niche, l'i mmobilier d'enseignement prend de l'ampleur . Il n'intéresse plus seulement des investisseurs pure players, mais aussi, désormais des généralistes, voire les écoles elles-mêmes. Plusieurs facteurs expliquent le potentiel de cet actif. « L'augmentation des effectifs dans l'enseignement supérieur en France, depuis le début des années 2000, a généré des besoins immobiliers importants pour les écoles », rappelle David Bourla, directeur des études chez Knight Frank.
De même, appuie Stanislas Leborgne, directeur exécutif régions de CBRE France, « il y a une professionnalisation des écoles, avec des capacités nouvelles de développement ». Selon lui, d'importantes transactions ont été réalisées à Paris et en régions en 2021. La tendance s'est poursuivie en 2022 et, confie-t-il « plusieurs opérations significatives vont se signer en fin d'année, à Bordeaux et à Toulouse ».
A Courbevoie, un ancien immeuble de bureaux reconverti pour 5.000 étudiants
Sans prétendre à l'exhaustivité, CBRE a recensé 193.000 m², soit 57 transactions signées depuis 2017 par des établissements d'enseignement supérieur ou post-bac. Autre atout de l'immobilier de campus, sa capacité à délivrer de la performance « sécurisée » dans un temps long. Pour la variété d'acteurs, spécialistes ou non, qui y investit, l'immobilier d'enseignement, activité résiliente et contracyclique, se caractérise par « une pérennité des locataires, grâce à des baux de 9 à 12 ans ferme », explique Stanislas Leborgne.
Enfin, les taux de rendement de la classe d'actifs sont intéressants, selon le spécialiste en immobilier tertiaire, dans un contexte où les coûts de scolarité augmentent. Sur certains territoires, le taux prime de l'immobilier de campus avoisine le rendement des bureaux. Un bémol toutefois : l'offre reste encore limitée, quantitativement et qualitativement, ce qui nuit à la fluidité de ce micromarché.
La diversification dans l'immobilier tertiaire en Europe existe depuis plusieurs années. Les investisseurs y cherchent un surcroît de performance tout en diminuant le risque global de leurs portefeuilles. L'Allemagne figure aujourd'hui encore parmi les pays cibles. « Malgré une certaine fragilité liée à la guerre en Ukraine, les investisseurs y sont nombreux et l'argent est là. Alors qu'à Londres, il y a peu d'acheteurs en ce moment, du fait d'une crise importante sur la dette », déclare Olivier Loussouarn, directeur des investissements du groupe Sofidy.
Les perspectives se sont détériorées au cours de l'année en raison de la guerre en Ukraine et de la hausse des prix de l'énergie notamment. Après des corrections de prix et de volumes dans certains pays, le marché de l'immobilier tertiaire européen est dans un moment d'incertitudes.
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« Les fonds d'investissement qui jouent les effets de leviers importants attendent de voir ce qui va se passer chez les vendeurs, qui, pour l'instant, ne baissent pas leur prix », relève Jean-François Chaury, directeur général adjoint d'Advenis REIM. La société gère deux SCPI [société civile de placement immobilier] à 95 % en bureaux, dont Eurovalys, qui investit en Allemagne.
L' investissement dans l'immobilier de santé est concentré en France autour de quelques foncières spécialisées et gestionnaires d'actifs. Ces acteurs historiques ont fait repartir ce marché depuis 2018, convaincus par des taux de remplissage élevés, des loyers sécurisés et des cash-flows récurrents. La thématique reste très prisée des investisseurs pour les mois à venir même si le marché n'est naturellement pas étanche à l'onde de choc de l'affaire Orpea.
Le scandale qui a ébranlé le géant tricolore des maisons de retraite Orpea, dans la tourmente depuis la parution du livre « Les Fossoyeurs », a entraîné une véritable tempête. Il touche par ricochet l'ensemble du secteur des Ehpad privés. Le groupe, criblé de dette, où les actionnaires sont menacés d'une « dilution massive » cherche à redresser la barre.
A nouveau visé par des perquisitions , il présentait mi-novembre dernier un plan pour se remettre sur les rails. Le vaste plan de cessions d'actifs, qui devait lui redonner de l'air, pourrait être plus compliqué que prévu à réaliser. Pour autant, il ne faudrait pas jeter le bébé avec l'eau du bain.
La débâcle d'Orpea aiguise les appétits
Au sujet d'Orpea, « il s'agit dans l'ensemble d'un très beau parc d'actifs », rassure juge Aurélie Basnier, directrice des actifs santé/résidences gérées chez CBRE Valuation France. En outre, estime-t-elle, « il n'y a pas de défiance des investisseurs vis-à-vis des Ehpad, car il manque de lits et il y a peu d'actifs à vendre. Le secteur de l'immobilier de santé reste porteur ».
En témoignent les développements récents dans ce domaine. Ainsi, début novembre, la société de gestion Lifento a annoncé avoir clôturé la collecte de son OPPCI [organisme professionnel de placement collectif immobilier] Lifento Care France, avec plus de 120 millions d'euros d'encours, et a lancé, fin 2022, un nouveau fonds consacré aux actifs santé.
Par ailleurs, deux gros deals entre investisseurs sont très avancés, l'un sur le marché des Ehpad, l'autre sur celui des cliniques. Rien qu'au 1er semestre, Primonial a acheté 7 Ehpad en régions pour 171 millions d'euros, tandis que la SCPI Euryvalle Pierval Santé a versé 30 millions d'euros pour deux établissements Korian à Marseille. Icade Santé a cédé 4 cliniques pour 78 millions d'euros en France.
« Sur les 6 premiers mois de 2022, nous avons recensé pour 450 millions d'euros d'investissements en France sur les cliniques et Ehpad », précise Aurélie Basnier. « En 2021, nous étions à 1,3 milliard. C'était une très bonne année, après 2 années à 800/900 millions. » Et, même si la rentabilité moyenne de l'immobilier de santé a un peu baissé, elle reste tout à fait attrayante pour les investisseurs, de 4 % pour les Ehpad à 4,5 % pour les cliniques, à fin 2021. 
L'investissement immobilier fait de la résistance face à la hausse des taux
Vincent Lepercq
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