La crise sanitaire semble rendre les grandes agglomérations moins attractives. Les villes moyennes pourraient tirer leur épingle du jeu.
En moyenne, à Angers, Brest, Dijon, Nancy, un 2-pièces en bon état se négocie entre 1 500 et 2 300 euros le mètre carré.
afp.com/Philippe Huguen
Démentant les scénarios les plus noirs, qui prédisaient son effondrement, le marché immobilier français a plutôt bien résisté à la pandémie. Les acheteurs ont continué de mettre de la pierre dans leur patrimoine : plus d’un million de transactions ont été réalisées en 2020. Cette apparente bonne santé cache cependant un début de mutation. La crise sanitaire et le confinement ont permis à de nombreux urbains, qui s’étaient mis au vert pour télétravailler, de comprendre que la vie hors des grandes métropoles était parfaitement envisageable, quand d’autres, coincés dans une petite surface en hypercentre urbain, ont pris conscience qu’il devenait urgent d’améliorer leur qualité de vie.
Les métropoles pourraient-elles devenir un repoussoir ? Certes, elles concentrent toujours les sièges sociaux et attirent les emplois, mais Paris perd des habitants – près de 14 000 par an ont fui la capitale de 2013 à 2018 au profit de sa banlieue et de la province. La même tendance démarre dans certaines grandes villes, Bordeaux et Lyon en tête, dont l’hypercentre se dépeuple. La cause de ce désamour : les prix des logements y sont très – trop – élevés, ce qui empêche leurs habitants de devenir propriétaires. Depuis 2018, le tarif des appartements à Bordeaux, Lille, Lyon, Nantes, Paris, Rennes ou Toulouse a enregistré une flambée moyenne de 5 à 8 % par an. Dans le même temps, la hausse oscillait entre 1 et 2 % dans les villes moyennes, un niveau identique à la progression du pouvoir d’achat. Quant aux locataires, à surfaces identiques, ils paient à Paris le double qu’en grande métropole et le triple qu’en ville moyenne. Une tendance inflationniste qui pourrait s’arrêter net si la crise économique se prolonge. “Les bailleurs dans les grandes agglomérations risquent de devoir accepter des décotes sur les loyers à la relocation pour éviter que leurs logements ne restent vides”, explique Henry Buzy-Cazeaux, président de l’Institut du management des services immobiliers (IMSI). C’est d’ailleurs déjà le cas dans certaines métropoles. Selon le site SeLoger, des baisses de 3 à 10 % ont été enregistrées à Nice, Rennes et Strasbourg, tandis qu’à Lyon et Marseille les tarifs stagnent. Autre point à surveiller : l’encadrement des loyers, qui existe aujourd’hui à Lille et Paris, est annoncé à Bordeaux, Grenoble, Lyon et Montpellier.
Pour toutes ces raisons, depuis la mi-2020, les villes moyennes connaissent un regain d’intérêt chez les investisseurs, nettement plus nombreux à traquer la bonne affaire dans des communes qu’ils boudaient autrefois. Cet engouement est multifactoriel : “Hors métropole, le choix de logements est plus vaste, les perspectives de plus-values à terme bonnes, et la rentabilité nettement plus forte”, affirme Henry Buzy-Cazeaux. Mais le nerf de la guerre, qui finit par décider beaucoup d’acheteurs, est le niveau des prix. En moyenne, à Angers, Brest, Dijon, Nancy, Rouen ou Troyes, et dans bien d’autres villes de la même envergure, un 2-pièces en bon état se négocie entre 1 500 et 2 300 euros le mètre carré. Financé par un prêt immobilier autour de 1 % sur quinze ans, l’achat nécessite un effort d’épargne mensuel moindre. Un loyer de 400 à 650 euros par mois couvre une large part de la mensualité de crédit. Mieux encore : le budget nécessaire pour acheter un seul petit logement dans une grande agglomération permet de devenir propriétaire de plusieurs appartements dans des villes moyennes. Un exemple ? Avec 250 000 euros, un investisseur peut acquérir un grand studio en banlieue parisienne, un petit 2-pièces dans une métropole ou trois voire quatre 2-pièces et 3-pièces dans une ville moyenne. Dans les deux premières options, la rentabilité brute de son placement oscille entre 1,5 et 3 %, dans la dernière entre 4 et 8 %. “Tout cela joue en faveur d’un rééquilibrage du marché immobilier ; le phénomène de métropolisation, qui concentre activité et logements dans les grandes villes, risque de s’essouffler”, affirme Brice Cardi, président de l’Adresse.
Investir dans une ville moyenne n’est pourtant pas toujours la panacée. Car, pour s’assurer de la pérennité d’un investissement immobilier, il faut vérifier que la demande locative est importante, et surtout qu’elle le restera. “Seules les agglomérations qui sauront attirer de nouveaux habitants vont tirer leur épingle du jeu à horizon de dix ans”, analyse Thomas Lefebvre, directeur scientifique de MeilleursAgents. Aujourd’hui, les communes qui ont le vent en poupe affichent les mêmes atouts. D’abord, elles sont très bien reliées aux zones d’emploi, c’est-à-dire aux grandes métropoles, via un réseau ferroviaire et autoroutier performant. Ensuite, elles offrent une bonne qualité de vie : des petits commerces, des infrastructures (hôpital, collèges et lycées…), une offre culturelle suffisante et des transports en commun qui maillent tous les quartiers (bus en site propre, tramway, pistes cyclables…). Enfin, il est possible d’y acheter ou louer un logement avec un budget raisonnable. La décennie qui démarre sera peut-être celle qui consacrera la revanche des villes moyennes.
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